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Des auxiliaires will et shall

Conrad Poirier, chef de la section de terminologie de l’Art militaire
(L’Actualité terminologique, volume 9, numéro 5, 1976, page 3)

La rédaction de textes à caractère contractuel, législatif ou constitutionnel fait surtout appel à la forme dite d’obligation, qui se construit avec l’auxiliaire shall, mais dont l’équivalent en français ne prend surtout pas la forme du futur, ni obligatoirement celle du verbe devoir.

Bien que l’emploi de shall dans le langage de tous les jours soit tombé en désuétude en Amérique du Nord et que, même en Angleterre, le recours à cet auxiliaire ne jouisse plus de la faveur traditionnelle et soit en passe d’être regardé comme pédantesque1, nous examinerons les valeurs respectives de will et de shall pour en dégager les trois sens qu’ils revêtent du point de vue de l’être désigné par le sujet : l’intention, l’obligation ou l’éventualité.

L’auxiliaire will, de l’anglo-saxon willan signifiant to desire, exprime l’intention, le désir ou la volonté de l’être désigné par le pronom sujet. Il marque le futur d’intention.

Come what may, I will attend school.
Advienne que pourra, j’irai à l’école.

Le sujet parlant exprime son intention bien arrêtée d’aller à l’école.

I will have none of it.
Je n’en veux à aucun prix.
Je refuse d’en entendre parler. (Variante.)

Dans cet exemple, se dégage une notion de volonté exprimée par le sujet au moment où il parle et qui exclut la simple postériorité, d’où l’emploi du présent de l’indicatif.

He will be pleased to do it.
Il le fera volontiers.

Il y a ici désir implicite du sujet. Toute autre nuance exigerait l’emploi de shall, que nous examinerons maintenant.

L’auxiliaire shall, de l’anglo-saxon sculan signifiant to owe, exprime le commandement, l’exhortation, l’impératif catégorique, une promesse, une interdiction, une menace ou une prophétie. Il marque le futur d’obligation, c’est-à-dire que le sujet subit l’influence d’autrui.

You shall report to the officer of the watch at eight o’clock tomorrow.
Présentez-vous à l’officier de quart à huit heures demain.

Comme on le verra plus loin, l’interlocuteur peut atténuer l’expression d’un ordre par l’emploi de will, marquant ainsi une nuance de courtoisie envers une personne de même rang, par exemple. Dans le cas précité, cette nuance sera rendue par la voix pronominale au futur de l’indicatif : Vous vous présenterez

Pending decision of the Court, you shall be confined to your quarters.
En attendant que le tribunal ait statué sur cette question, vous êtes (serez) consigné.

La temporalité de la subordonnée justifie notre préférence pour le présent en français.

I promise that your sister shall be invited.
Je vous assure que votre sœur sera invitée.

Même si le sujet convoite cette invitation, il n’en subit pas moins l’influence d’autrui. C’est donc un futur d’obligation atténué.

The gates of hell shall not prevail against Her.
Les portes de l’enfer ne prévaudront point contre Elle.

Toute prophétie découle de l’autorité qui l’énonce. Il y a donc là influence exercée sur le sujet, d’où le shall d’obligation.

Le sens d’obligation est parfois rendu par will, qui marque alors une nuance de politesse ou de courtoisie.

I shall dictate and you will write*.

Je dicte et vous transcrivez.
Je dicterai et vous transcrirez. (Variante.)

Troops will attack at dawn.
Les troupes attaqueront à l’aube.

Dans ce dernier exemple, l’expression atténuée de l’ordre incite les troupes à la détermination et marque la confiance du chef de bataillon à l’égard de ses soldats.

Le sujet parlant à qui l’on a intimé un ordre nuancera sa formule d’acquiescement par l’emploi de will ou de shall, selon qu’il obtempère de bonne grâce ou qu’il se soumet à l’ordre reçu.

Very well, Sir, I will carry out your orders.
Bien, Monsieur, j’exécuterai vos ordres.

Very well, Sir, I shall carry out your orders.
Bien, Monsieur, je m’exécuterai.

Shall et will marquent également le futur d’éventualité, qui sert à exprimer un fait conjectural, causal, fortuit ou circonstanciel. L’action du sujet n’est pas conséquente à un acte de volonté.

I think you will be late.
Je crois que vous serez en retard.

He will be sick if he drinks too much.
Il sera malade s’il boit trop.

It will rain tonight.
Il va pleuvoir ce soir.

I shall be thirty years old tomorrow.
J’aurai trente ans demain.

Les propositions marquant un futur d’éventualité méritent une attention particulière, étant donné qu’elles sont soumises aux subtilités de la correspondance des temps. Cette question sera examinée dans un article complémentaire. Deux exemples suffiront à démontrer le jeu des discordances dans la transposition d’une langue à l’autre :

I fear you will be late
Je crains que vous ne soyez en retard

If market prices keep dropping, I shall go broke.
Si les cours restent en baisse, je suis ruiné.

Les difficultés d’interprétation ou de traduction se présentent habituellement là où il y a combinaison du shall d’obligation et de la voix passive que l’on trouve à profusion dans les contrats, les normes et les spécifications.

Piping shall be delivered on site two days prior to commencement of work.

Frames shall be set plumb and square and shall be fitted with three (3) hinges at 30 inches center.

Walls shall receive one (1) coat of primer and two (2) full coats of paint

Dans les trois cas précités, il y a obligation pour l’entrepreneur ou le sous-traitant d’exécuter une clause du contrat. Il faut donc l’indiquer clairement en français. La tournure passive combinée au futur de l’indicatif est à proscrire dans un cas semblable. Traduisons servilement le premier exemple :

La tuyauterie sera livrée à pied d’œuvre deux jours avant le début des travaux.

Une clause ainsi formulée prête à équivoque : Qui se charge de livrer les matériaux? Le maître de l’ouvrage, l’entrepreneur, le maître d’œuvre, ou le sous-traitant?

Il faut donc exclure la combinaison du futur simple et de la voix passive. Si la voix passive est retenue, la solution est d’employer la forme correspondante du verbe devoir au présent de l’indicatif :

Les tuyaux doivent être livrés à pied d’œuvre deux jours avant le début des travaux.

Cette solution n’est pas toujours heureuse cependant, car les cahiers des charges, les spécifications ou les prescriptions techniques comportent souvent une série de clauses successives ayant trait au même matériau : conception, configuration, confection, encombrement, résistance aux contraintes et au cisaillement, etc.

Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de respecter rigoureusement la présentation matérielle du texte de départ. La proposition introductive suivie d’une énumération à l’infinitif ou le présent descriptif allégeront le texte d’arrivée.

Il importe de se rappeler que le shall d’obligation prend souvent valeur de prescription implicitement convenue, ce qui explique l’emploi du présent dans une expression du genre : Le secrétaire est nommé par le président…, alors que l’anglais dira : The Secretary shall be appointed by the President

Dans un prochain article, nous examinerons la valeur des auxiliaires would et should ainsi que certaines variantes de transposition.

Retour à la remarque 1* Exemple d’anglais classique.

NOTE

  • Retour à la note1 Roy H. Copperud, American Usage: The Consensus, New York, Van Nostrand Reinhold Company, 970, p. 243.