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Traduire le monde : Le vocabulaire politique britannique

André Racicot
(L’Actualité langagière, volume 7, numéro 3, 2010, page 23)

Un parlement… suspendu?

Les élections britanniques de mai 2010 ont donné un résultat qui, depuis 2004, fait partie du menu quotidien des Canadiens, c’est-à-dire un parlement sans majorité. Parlement qualifié de hung parliament par les Britanniques, expression qui fait sourire et qu’on évitera de traduire par parlement suspendu. Au Canada anglais, on dirait plutôt minority government, alors qu’en français il serait question de gouvernement minoritaire ou, plus rarement, de parlement minoritaire ou sans majorité.

Pays de régime britannique, le Canada a emprunté une bonne part de sa terminologie politique au Royaume-Uni. Ainsi, son parlement est composé d’une chambre haute, le Sénat, et d’une chambre basse, la Chambre des communes. Celle-ci porte d’ailleurs le même nom au Royaume-Uni : House of Commons. On notera toutefois un premier hiatus : le Sénat britannique s’appelle House of Lords. Et le hiatus ne se limite pas au nom; il s’étend à la composition de la Chambre des lords, qui accueille des membres à vie et des représentants du clergé, ce qui n’est pas le cas au Canada.

Le Cabinet

Tout comme son homologue britannique, le premier ministre canadien forme un cabinet, qui comprend l’ensemble des ministres. Le mot est le même dans les deux langues officielles, mais son origine peut surprendre. Autrefois, le premier ministre britannique réunissait ses ministres dans une petite pièce, appelée cabinet, mot qui en vint à désigner le conseil des ministres.

Ce conseil des ministres n’a pas toujours existé. À l’origine, le roi exerçait le pouvoir exécutif, mais s’entourait de conseillers pour connaître les états d’âme du royaume. Ce groupe était désigné sous le nom de Conseil privé, d’où l’expression royale : « J’ai décidé en mon conseil… », c’est-à-dire après consultation du Conseil privé.

Les membres les plus influents du Conseil privé britannique ont formé l’embryon du cabinet actuel qui, avec le temps, en vint à diriger le gouvernement à la place du souverain.

Au Canada, le Conseil privé ne joue plus du tout ce rôle de nos jours, car il se compose notamment de ministres présents et passés. On les imagine mal tenter de donner des conseils au premier ministre, compte tenu de leurs allégeances diverses.

Un lord Chancelier?

Certains membres du cabinet britannique portent des titres pour le moins originaux. Pensons au chancelier de l’Échiquier (en anglais, Chancellor of the Exchequer), qui n’est rien d’autre que le ministre des Finances de Sa Majesté. L’origine du nom ne fait pas l’unanimité. Selon certains, le ministre des Finances utilisait au Moyen-Âge un abaque en damier pour tenir ses comptes, alors que d’autres prétendent que c’est plutôt le plancher du ministère qui était en damier. Quoi qu’il en soit, ces expressions dament le pion à toutes les autres que l’on pourrait imaginer, du moins sur le plan de l’originalité… Si l’on devait s’inspirer du plancher de nos immeubles fédéraux pour baptiser le ministre des Finances du Canada, nous aurions peut-être un chancelier du Granit… Qu’en dites-vous?

Un des collègues du chancelier de l’Échiquier est le Lord Chancellor, en quelque sorte le garde des Sceaux de Sa Majesté, dont le titre se traduit tout simplement lord Chancelier. Au Canada, ses pouvoirs seraient dévolus au ministre de la Justice.

Les Britanniques peuvent également compter sur un Home Secretary, chargé du ministère de l’Intérieur qui, au Canada, correspond au ministre de la Sécurité publique. Home Secretary pourrait être traduit par secrétaire à l’Intérieur. Le titre de secrétaire appelle en effet la préposition à, contrairement à ministre, qui demande le de.

Le titre le plus connu de la politique britannique, à part celui de premier ministre, est celui de ministre des Affaires étrangères. Son titulaire, appelé Foreign Secretary, dirige le Foreign Office. En français, on parle du secrétaire au Foreign Office. De fait, ce ministère porte le nom officiel de Foreign and Commonwealth Office, mais il est continuellement désigné sous sa forme abrégée. Ici, pas de traduction consacrée. De nos jours, l’appellation Foreign Office est couramment utilisée dans notre langue, bien qu’on puisse la traduire approximativement par ministère des Affaires étrangères. Une traduction qui n’est pas fausse en soi, mais qui est nettement moins savoureuse que l’original anglais.

Traditionnellement, le chef de l’Opposition officielle forme un Shadow Cabinet, soit un cabinet fantôme, constitué de porte-parole officiels pour chaque ministère. Cette institution existe également au Canada.

Devolution

Il y a une dizaine d’années, le Royaume-Uni a délégué certains pouvoirs à des gouvernements régionaux, ce qu’on appelle en anglais devolution. Bien que le terme dévolution soit employé pour désigner cette réalité en français, il s’agit d’un faux ami; le mot juste est plutôt déconcentration. De fait, le gouvernement britannique a déconcentré certains pouvoirs pour les attribuer aux régions de l’Écosse, de l’Irlande du Nord et du pays de Galles. Celles-ci exercent donc certains pouvoirs qui peuvent leur être retirés par le gouvernement de Londres, et c’est pourquoi on parle de devolution et non de fédéralisme. Les régions sont dirigées par un gouvernement régional à la tête duquel on retrouve un First Minister, autrement dit un premier ministre. Au Canada anglais, on dirait un Premier.

La devolution a permis la résurrection du parlement de l’Écosse et de celui de l’Irlande. Quant au pays de Galles, il s’est doté, lui aussi, de sa propre assemblée qui, en 2003, est devenue la première où hommes et femmes étaient représentés à égalité. On remarquera en passant l’absence d’assemblée législative en Angleterre, la dernière région du Royaume‑Uni.

Les parlements ont souvent un nom précis. Ainsi, celui du pays de Galles porte le nom de National Assembly for Wales, rendu par Assemblée nationale du Pays de Galles, selon la traduction du site Web de cette institution. En gallois : Cynulliad Cenedlaethol Cymru.

Le parlement de l’Écosse (Scottish Parliament) a été rétabli en 1999, soit 292 ans après sa fusion avec celui de l’Angleterre, en 1707. Son nom en langue écossaise est Pàrlamaid na h-Alba.

Enfin, l’Assemblée de l’Irlande du Nord (Northern Ireland Assembly) se réunit au parlement de Stormont. Son nom en gaélique est Tionól Thuaisceart Éireann.

Comme on le voit, les langues celtiques encore parlées en Irlande, en Écosse et au pays de Galles ouvrent tout un champ terminologique. Ces langues ont bien sûr une diffusion très limitée, parce qu’elles ont été supplantées par l’anglais.