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La terminologie de la nouvelle grammaire

Marise Guay
(L’Actualité langagière, volume 8, numéro 3, 2011, page 10)

(Cet article est le troisième d’une série de quatre sur la nouvelle grammaire.)

Le français a toujours été ma matière favorite à l’école. J’adorais la théorie et j’acceptais les caprices de ma langue avec philosophie : c’est ce qui fait son charme. Une fois au cégep, j’ai travaillé au centre d’aide en français. Je n’ai cessé de m’étonner de la difficulté qu’éprouvaient certains à retenir le bon terme pour désigner la bonne notion. « Pourquoi l’adjectif peut-il être qualificatif et possessif? C’est pas du tout la même chose! », me disait Josiane, une étudiante que j’aidais. Heureusement, le terme déterminant possessif existait déjà, ce qui lui a permis de comprendre. Mais chaque fois qu’elle rencontrait le mot adjectif dans les ouvrages, elle devait réfléchir pour trouver de quelle notion il était question.

Aujourd’hui, je me demande si la terminologie de la nouvelle grammaire aurait aidé Josiane à comprendre la théorie. Chose certaine, la question de l’adjectif ne lui aurait pas causé de maux de tête. La terminologie de la nouvelle grammaire est légèrement différente de celle de la grammaire traditionnelle. En fait, les modifications apportées découlent surtout du changement d’éclairage; la nouvelle grammaire donne une place particulière aux critères syntaxiques, c’est-à-dire à l’utilisation du mot dans la phrase, alors que la grammaire traditionnelle se fondait largement sur les critères sémantiques.

Correspondance des principales classes de mots de la grammaire traditionnelle et de la nouvelle grammaire

Grammaire traditionnelle Nouvelle grammaire
Article
Adjectif
Déterminant
Adjectif qualificatif Adjectif (qualifiant ou classifiant)
Verbe d’état Verbe attributif
Locution adjective Adjectif composé, adjectif complexe
Locution adverbiale Adverbe composé, adverbe complexe

L’adjectif et le déterminant actualisés

On a laissé tomber le mot qualificatif après adjectif, car ceux qu’on appelait avant adjectif démonstratif, possessif, numéral et indéfini sont maintenant des déterminants (déterminant démonstratif, possessif, numéral et indéfini). La classe des déterminants regroupe les mots qui servent à introduire le nom dans la phrase et qui, en règle générale, précèdent ce dernier. Il n’est donc plus nécessaire de préciser qu’un adjectif est qualificatif.

On considère également le participe passé employé seul comme un adjectif étant donné qu’il s’accorde comme tel. On l’appelle parfois adjectif participe, comme c’était déjà le cas dans certains ouvrages traditionnels. Les adjectifs se subdivisent entre les adjectifs qualifiants et les adjectifs classifiants.

L’adjectif qualifiant exprime une qualité de la chose dont on parle. On y voit le point de vue du rédacteur, sa subjectivité.

  • La belle voiture

L’adjectif classifiant sert à classer les choses dans des catégories et exprime une caractéristique objective. Ce type d’adjectif ne peut pas être modifié par un adverbe.

  • La voiture familiale (≠ La voiture très familiale)

Tout comme les adjectifs démonstratifs, possessifs, etc., l’article fait maintenant partie des déterminants.

Les verbes reclassés

En nouvelle grammaire, les verbes sont classés en deux grandes catégories selon leur forme : les verbes réguliers et les verbes irréguliers. On les regroupe donc en fonction de leur conjugaison. La première catégorie comprend les verbes en -er et en -ir dont la conjugaison est régulière (manger, finir, partir, etc.). Comme son nom l’indique, la deuxième catégorie comprend les verbes dont la conjugaison présente des irrégularités (être, descendre, voir, etc.).

Dans la grammaire traditionnelle, les verbes d’état appartenaient à l’un des trois groupes. Dorénavant appelés attributifs, ils sont classés dans l’un ou l’autre des deux groupes selon leur conjugaison. Par exemple, sembler et rester sont des verbes réguliers, tandis que devenir et paraître sont irréguliers.

Point important même s’il ne relève pas directement de la nouvelle grammaire : le conditionnel n’est plus un mode; il est dorénavant un temps du mode indicatif. Ce changement est plus ou moins récent. À preuve, il était déjà expliqué dans la 12e édition du Bon usage (§ 859), datant de 1986.

Correspondance des fonctions de la grammaire traditionnelle et de la nouvelle grammaire

Grammaire traditionnelle Nouvelle grammaire
Apposition
Épithète
Complément déterminatif
Complément du nom
Attribut Attribut du sujet
Attribut du complément direct
Complément circonstanciel Complément de phrase
Complément du verbe
Complément d’agent Complément du verbe passif
Complément d’objet direct Complément direct du verbe
Complément d’objet indirect Complément indirect du verbe

Le complément du nom élargi

L’apposition, le complément déterminatif et l’épithète s’appellent à présent compléments du nom. Comme son nom l’indique, la fonction complément du nom est celle d’un mot ou d’un groupe de mots qui complète un nom, ce qui explique la fusion de ces fonctions de la grammaire traditionnelle.

  • Mon chaton, petite boule adorable, mange toutes mes plantes.
    (apposition → compl. du nom)
  • Ma nouvelle fougère est l’une des victimes de la bête.
    (épithète → compl. du nom)
  • Bientôt, il ne me restera que des pots de fleurs.
    (compl. déterminatif → compl. du nom)

Dans la phrase, les compléments du nom sont nécessaires ou facultatifs, selon leur rôle. Ils sont, le plus souvent, placés à la droite du nom.

Les compléments du nom qui servent à déterminer la réalité dont il est question, les compléments dits nécessaires, ne sont pas encadrés de virgules.

  • La table de la cuisine est toute neuve.
  • La maison ancestrale accueille une soirée de poésie.

Quant aux compléments du nom qui ne servent qu’à donner une explication supplémentaire, ils sont considérés comme facultatifs et mis entre virgules.

  • Les balades, à pied ou à vélo, sont de belles activités automnales.
  • Le Canada, pays de contrastes et de nature, s’étend entre l’océan Pacifique et l’océan Atlantique.

Compléments et attributs font peau neuve

Les compléments d’objet direct, d’objet indirect et circonstanciel laissent place aux compléments du verbe, directs ou indirects, et au complément de phrase. Ainsi, la fonction complément circonstanciel telle qu’on la connaissait, avec ses nombreuses circonstances, n’existe plus. Et le complément de phrase (CDP) de la nouvelle grammaire n’est pas l’équivalent exact du complément circonstanciel. La raison de ce changement repose une fois de plus sur la syntaxe. Le but, le lieu, la cause, le moyen, etc., sont des circonstances selon le vocabulaire de la sémantique (du sens). En syntaxe, les unités d’une même classe doivent avoir les mêmes caractéristiques syntaxiques, peu importe qu’elles indiquent, d’un point de vue sémantique, un lieu, un résultat, un instrument… Par exemple, selon la grammaire traditionnelle, les mots en gras dans les phrases suivantes sont deux types de compléments différents.

  • Cette promotion m’a coûté une amie. (complément d’objet direct [COD])
  • Mes rénovations m’ont coûté des milliers de dollars. (complément circonstanciel)

Les deux phrases ont exactement la même construction et le même verbe conjugué mais, selon la grammaire traditionnelle, l’un est COD, l’autre est complément circonstanciel. Selon la nouvelle grammaire, ces deux éléments sont des compléments directs, car ils se comportent de la même façon dans la phrase. Pour le démontrer, utilisons les manipulations syntaxiques, un des outils d’analyse en nouvelle grammaire.

On dit que le complément du verbe ne peut être déplacé dans la phrase ni effacé, contrairement au CDP. Reprenons les deux phrases de départ constituées de deux groupes : le groupe sujet (GS) et le groupe verbe (GV), unis par les accolades (}}) pour illustrer qu’ils sont liés syntaxiquement. Si nous essayons de déplacer le complément ou de l’effacer, nous obtenons deux phrases incorrectes (symbole ≠).

  1. [Cette promotion] }} [m’a coûté une amie].
    ≠ Une amie cette promotion m’a coûtée.
    ≠ Cette promotion m’a coûté une amie.
  2. [Mes rénovations] }} [m’ont coûté des milliers de dollars].
    ≠ Des milliers de dollars mes rénovations m’ont coûtés.
    ≠ Mes rénovations m’ont coûté des milliers de dollars.

À la lumière de ces manipulations, on peut conclure que ce complément est obligatoire pour que la phrase ait un sens et qu’il doit rester à la droite du verbe, sans préposition entre les deux. Ce type de complément est donc un complément du verbe et, comme rien ne le sépare du verbe, il s’agit d’un complément direct.

Le groupe complément de phrase, pour sa part, n’est pas obligatoire et peut être déplacé.

[Les enfants] }} [dînent] [dans le jardin].

[Dans le jardin], [les enfants] }} [dînent].

Les éléments du GV qui ne sont pas mobiles sont l’attribut du sujet et l’attribut du complément direct ainsi que les compléments du verbe (directs et indirects). On reconnaît aussi ces éléments parce qu’on ne peut les effacer sans changer le sens de la phrase.

[La marmotte] }} [est dodue].

Dodue la marmotte est.

≠ La marmotte est dodue.

[Les enfants] }} [agitent des drapeaux].

Des drapeaux les enfants agitent.

≠ Les enfants agitent des drapeaux.

[Ses supérieurs] }} [l’ont nommé caporal].

Caporal ses supérieurs l’ont nommé.

≠ Ses supérieurs l’ont nommé caporal.

Nouvelle terminologie, nouvelle méthode d’analyse

La nouvelle terminologie est parfois plus simple, car elle regroupe sous une seule dénomination des éléments auparavant distincts. Pour les habitués de la grammaire traditionnelle, un certain effort est tout de même nécessaire pour s’y retrouver, étant donné que la logique sous-jacente est quelque peu différente. Pour assimiler cette nouvelle terminologie, des exercices d’analyse peuvent s’avérer efficaces.

Dans le dernier article de cette série, nous examinerons les manipulations syntaxiques, outils privilégiés de la méthode d’analyse en nouvelle grammaire. Le déplacement et l’effacement d’une composante de la phrase, tels que nous les avons observés dans le présent article, ne sont que deux des cinq manipulations utilisées. Du plaisir en perspective!