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Traduire le monde : Atlas et graphies savantes

André Racicot
(L’Actualité terminologique, volume 36, numéro 4, 2003, page 32)

Connaissez-vous Patancheru? Vous traduisez un texte anglais traitant d’une institution située « in Patancheru », en Inde. S’agit-il d’une ville, d’une province, d’une région, d’un État fédéral? La question n’est pas oiseuse, loin de là, puisque la réponse a une incidence directe sur l’utilisation de la préposition française. S’il s’agit d’une ville, on dira « à Patancheru », mais si nous avons affaire à une région, l’utilisation de l’article défini pourrait être nécessaire : « en/au Patancheru », selon que l’on dit « la Patancheru » ou « le Patancheru ». Il faut donc trancher.

Bien sûr, aucune entrée séparée pour ce terme dans les dictionnaires, qui ne peuvent quand même pas répertorier tous les toponymes de la planète. Reste une carte de l’Inde, mais la ville ou la région n’y figure pas. Dans ce genre de situation, le langagier peut se tourner vers les atlas, qui comportent généralement un index détaillé permettant de retracer de très petites localités. Pour ce qui est de Patancheru, il ne figure pas dans celui que j’ai consulté. Heureusement, une petite recherche dans Internet permet aisément de découvrir que le toponyme en question est une ville. On dira donc « à Patancheru ».

Cette petite recherche innocente soulève une autre question, plus grave : quelle est la valeur des atlas sur le plan des graphies? Peut-on s’y fier aveuglément?

Surtout pas, car les principes de rédaction des noms étrangers adoptés par ces ouvrages varient considérablement. Certains atlas, comme celui de Larousse, optent pour la graphie française alors que d’autres privilégient l’orthographe anglaise. Mais l’ennui, c’est que beaucoup d’atlas, anglais comme français, tentent d’imposer des graphies phonétiques reflétant la prononciation exacte d’un toponyme dans la langue d’origine. C’est le cas lorsque ledit toponyme provient d’une langue n’utilisant pas l’alphabet latin, mais plutôt les caractères cyrilliques, arabiques ou autres.

Prenons l’exemple très simple de la ville russe de Voronej, dont le nom s’écrit Voronezh en anglais, le zh étant la transcription du son « j » russe, semblable à celui du français. Le son « j » n’existe pas dans la plupart des autres langues européennes. Des atlas espagnols, allemands, italiens, hongrois, tchèques, etc., auront chacun leur façon d’écrire le nom de la ville russe. Pour tenter de résoudre ce problème, les auteurs de certains ouvrages proposent des graphies normalisées de certains sons qui ne s’écrivent pas de la même manière d’une langue à l’autre. Il faut se méfier de ces graphies savantes et ne pas les employer dans un texte courant.

Ainsi, Voronej devient dans certains ouvrages Voronež, le z avec le crochet (accent circonflexe inversé) représentant le j prononcé à la russe. Autre exemple : Tchernobyl, qui devient černobyl. Cette fois-ci, il faut comprendre que le c avec le crochet représente tch. Comme on le voit, le lecteur doit être au fait du système de transcription utilisé, système qui peut varier d’un ouvrage à l’autre.

Et pour compliquer les choses, certains atlas proposent des graphies inspirées du nom original d’un lieu, peu importe que ce nom soit traduit ou non. Ainsi, Moskva remplace tout simplement Moscou ou Moscow. Le cas de Kiev confine au délire. Voici quelques graphies recensées dans divers atlas : Kiev, Kijev, Kiyev, Kiiv. De quoi se jeter tête première dans la mer de Crimée… (ou la mer de Krym, comme l’écrivent certains)…

La seule façon de dormir sur ses deux oreilles est de consulter un atlas qui emploie uniquement des graphies françaises. Il est facile de savoir si un ouvrage recourt aux graphies savantes en cherchant quelques toponymes bien choisis, provenant de langues ne s’écrivant pas en caractères latins. Par exemple : Moscou, Athènes, Grozny, Riyad, Sofia, Erevan. La transcription de ces termes sera révélatrice. Si les graphies sont inhabituelles, saugrenues, il est préférable de consulter un autre ouvrage.

Morale de cette histoire : bien choisir son atlas et ne rien transcrire aveuglément.