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Pas d’accent sur les sigles

Jacques Desrosiers
(L’Actualité langagière, volume 4, numéro 3, 2007, page 29)

Q. Il y a mésentente dans mon service au sujet de l’écriture des sigles. On se demande ici s’il faut mettre l’accent ou non. Tout le monde a son opinion sur ce sujet.

R. Certains persistent à accentuer les sigles, avec des effets plus ou moins heureux. J’ai vu récemment un texte où il était question dans la même phrase de l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain), de l’ALÉCC (Accord de libre-échange Canada-Chili) et de l’ALÉCCR (Accord de libre-échange Canada-Costa Rica). Ce n’était pas très élégant – une manière d’afficher en filigrane dans le texte les éternels désaccords sur des points de langue mineurs.

Le traducteur avait été fidèle aux sigles officiels de ces organismes. Notre Office national de l’énergie fait la même chose : il a apparemment adopté comme sigle français ONÉ. Mais ce faisant, ces organismes s’écartent de l’usage suivi dans l’ensemble de la francophonie. Le Code de rédaction interinstitutionnelle de l’Union européenne en a même fait une règle dans son chapitre consacré aux sigles :

Les règles adoptées sont les suivantes :

  • jusqu’à cinq lettres (pour tout sigle et tout acronyme, y compris les noms de programme), tout en capitales, sans points ni accents, sous réserve des exceptions :
    • CEE
    • COST
    • FEDER
    • FEOGA
  • avec six lettres et plus, capitale initiale suivie de minuscules (sauf si cela ne se prononce pas), sans points ni accents, sous réserve des exceptions :
    • Cnuced
    • Soroutran
    • Unesco

(Remarquez en passant qu’aucune des exceptions évoquées ne concerne les accents.)

Les correcteurs du journal Le Monde se réfèrent eux-mêmes à ce document. La règle est énoncée dans Le français au bureau et par l’Office québécois de la langue française. Elle est reprise à de nombreux endroits, comme sur le site de l’Université du Québec en Outaouais ou le site de linguistique de l’Université Lumière Lyon (« Les capitales des sigles ne sont, dans l’usage actuel, pas accentuées »).

La confusion s’explique de plusieurs façons. D’abord, on accentue en général les majuscules, par exemple pour ne pas tartiner nos rôties avec du BEURRE SALE. On accentue aussi les abréviations comme É.-U. ou Î.-P.-É. Mais les sigles sont des entités différentes : ils ont une grande autonomie par rapport aux noms qu’ils représentent ou que, dans certains cas, ils remplacent carrément.

Les acronymes aussi causent de la confusion. Lorsqu’un sigle se prononce comme un nom au lieu d’être épelé, on a tendance à l’accentuer. Mais cela est surtout vrai des acronymes qui deviennent des noms communs, comme cégep. Dans les autres cas, c’est loin d’être l’usage. Le sigle de l’Institut national de la statistique et des études économiques en France s’écrit INSEE ou Insee, jamais Inséé. De même c’est une erreur d’écrire REÉR ou REÈR au lieu de REER. Voyez ici l’autonomie du sigle : le premier E (« enregistré ») se prononce « é », le second (« épargne ») se prononce « è ».

Quatrième source de confusion, certains sigles se coiffent d’un accent pour des raisons très particulières. C’est le cas de UQÀM. Mais c’est là une astuce de marketing, une fioriture graphique destinée à attirer l’attention. Sur le site même de l’UQAM, on lit bien :

L’acronyme UQAM coiffé de l’accent grave est la signature promotionnelle de l’Université du Québec à Montréal. Il s’agit donc d’un logo et non d’une règle d’écriture. Ainsi, lorsque l’acronyme UQAM est utilisé dans des textes courants, il doit être écrit sans accent.

Le chroniqueur Paul Roux de La Presse a mentionné, sur son blogue « Les amoureux du français » le 1er mars dernier, l’accent indispensable du sigle ASSÉ de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante, qui parle beaucoup plus fort ainsi.

Ce sont là des exceptions. Les autres organismes n’ont pas besoin de cet accent. Le plus simple est de suivre la règle générale, plutôt que de décorer les sigles avec des accents qui détonneront toujours sur l’usage le plus répandu. Peut-être le meilleur moyen de prévenir toute hésitation est de retenir certains sigles très connus, comme REER ou OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), qui peuvent servir d’aide-mémoire.

La solution

Q. Les points de vue divergent quant à l’emploi du verbe « solutionner » dans les différents ouvrages de référence que j’ai consultés. De plus, on me l’a corrigé dans un texte destiné à des jeunes de première secondaire en le qualifiant d’anglicisme. Encore une fois, je n’ai trouvé aucune trace d’anglais dans ce verbe courant. Qu’en est-il au juste?

R. De prime abord les ouvrages sont de votre côté. Le mot est donné sans réserve dans le Trésor de la langue française, dans le Grand dictionnaire encyclopédique Larousse et dans le Hachette. C’est déjà beaucoup. En outre, il est tellement incrusté dans l’usage que je ne peux imaginer qu’il disparaîtra (ou que les puristes réussiront à le faire disparaître). Sa popularité serait attribuable au fait que beaucoup de gens ont de la difficulté à conjuguer résoudre qui est un verbe irrégulier : elle solutionnait tous les problèmes vient plus aisément qu’elle résolvait tous les problèmes.

Je ne crois pas que ce soit un anglicisme. Il n’existe pas de verbe « to solution » dans l’anglais régulier. Voir dans solutionner un calque de « to solve », qui est courant, m’apparaîtrait un peu tiré par les cheveux. Le Trésor donne de vieux exemples, comme celui-ci de l’écrivain Paul Morand, qu’on pourrait difficilement accuser de calquer l’anglais :

En résumé, tout cela ne satisfait pas complètement l’esprit, et surtout ne résout pas la question principale, celle de la place du virus dans l’évolution, que l’hypothèse du parasitisme évidemment solutionnerait.

On aurait pu vous donner d’autres raisons. Certains reprochent au mot d’appartenir à un registre de langue familier ou au français parlé. Une autre raison est que bien des gens ne l’aiment pas. Les deux dictionnaires phares du français, le Petit Larousse et le Petit Robert, jusque dans leurs dernières éditions, indiquent que son emploi est « critiqué ». Une telle réserve est parfois suffisante pour nous faire hésiter à employer un mot dans certains contextes.

Tout dépend en effet de la destination du texte. Votre document s’adressait à des élèves du secondaire. Qui sait, votre client pourrait craindre que des enseignants, des élèves, des parents viennent signaler que les deux dictionnaires les plus réputés du français déconseillent l’emploi de ce verbe. Il serait sans doute prudent aussi de l’éviter dans un texte prestigieux. L’idée dans de tels cas est de ne pas s’exposer à la critique. Dans tout autre contexte, libre à l’auteur ou au traducteur d’aller de l’avant.

Lorsqu’il y a un tel flottement dans les ouvrages, la question n’est pas tant de déterminer si le mot est une faute ou non, chacun pouvant invoquer l’ouvrage qu’il veut, que de décider s’il est acceptable au niveau de langue visé ou pour le public auquel on s’adresse. Sauf dans le genre de textes que j’ai mentionnés, je l’emploierais volontiers, prêt à mettre sous les yeux des sceptiques les citations du Trésor, ne serait-ce que pour éviter une répétition de résoudre, comme dans la phrase de Paul Morand.

On peut penser que le mot a de bonnes chances de survivre parce qu’il est construit sur un modèle éprouvé, comme clôturer, démissionner ou sélectionner, tous dérivés des noms correspondants. Mais, comme vous le savez sans doute, certains autres verbes formés de cette manière, comme contacter, sont encore critiqués.