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Traduire le monde : les noms de guerres et de révolutions

André Racicot
(L’Actualité langagière, volume 3, numéro 3, 2006, page 25)

Les noms de guerres et de révolutions obéissent à des règles d’écriture identiques. Malgré tout, l’usage en général n’est pas toujours constant, celui des dictionnaires non plus, sans parler des ouvrages spécialisés. Bref, de quoi partir sur le sentier de la guerre…

À la manière des toponymes, les noms de guerres prennent la minuscule à l’élément générique guerre, et la majuscule à l’élément spécifique, pour autant qu’il soit un substantif. Par exemple : la guerre de Succession d’Autriche. Lorsque le spécifique est un adjectif, l’expression s’écrit tout en minuscules, ce qui donne : les guerres puniques, la guerre froide, graphies qui ont de quoi surprendre. Il est en effet étrange que les noms d’événements historiques majeurs ne prennent aucune majuscule, contrairement à ce que l’on voit dans d’autres langues. Qui songerait à nier l’importance de la guerre froide au vingtième siècle? Ces graphies vont également à l’encontre de celles d’autres noms historiques. Pensons à la Renaissance, à l’Antiquité, au Moyen Âge, etc. L’usage dans l’écriture des noms de guerres varie; par exemple, on écrit Première Guerre mondiale et Seconde Guerre mondiale, avec deux majuscules. Cette anomalie apparente s’explique par le fait que les adjectifs Première et Seconde sont antéposés et que la majuscule leur est attribuée pour bien montrer qu’ils font partie intégrante de l’expression. Il est intéressant de remarquer que le journal Le Monde semble être le seul à écrire ces deux expressions sans majuscules.

Faut-il employer le trait d’union dans les noms de guerres? La question est pertinente, puisque jusqu’à maintenant noms de guerres et toponymes marchent main dans la main. Prenons un exemple du côté des toponymes : avenue de la Grande-Armée, le square Saint-Louis. Pas d’ambiguïté : le trait d’union est de mise.

Qu’en est-il pour les noms de guerres? Mentionnons tout d’abord que l’Académie française propose la graphie guerre de Cent Ans, donc sans trait d’union. Cette graphie est d’ailleurs retenue dans le Larousse et le Robert des noms propres. Mais les deux ouvrages divergent parfois d’opinion. Si les deux écrivent la guerre des Deux-Roses, ils ne s’entendent pas sur la guerre des Six-Jours, selon le Larousse, et la guerre des Six Jours, selon le Robert.

La situation, pour le mot révolution, est tout aussi confuse. Là encore, la règle de base est simple comme bonjour. Le générique révolution prend la minuscule initiale, tandis que l’élément déterminatif s’écrit avec la majuscule uniquement s’il est constitué d’un substantif. Exemple connu : la révolution bolchevique, aussi appelée révolution d’Octobre. Autres cas de figure : révolution américaine, révolution islamique. On observera que, encore une fois, certains événements clés de l’Histoire s’écrivent sans majuscule en français, ce qui ne laisse pas d’étonner. D’ailleurs, cette règle continue d’être suivie par les médias. La chute du régime pro-russe en Ukraine, en 2004, est couramment appelée révolution orange.

Pourtant, les deux grands dictionnaires cafouillent allègrement avec majuscules et minuscules, au point qu’on peut penser que les lexicographes ne suivent pas les règles précitées, ou bien que chacun d’entre eux a des vues personnelles bien arrêtées. Je parierais sur la deuxième hypothèse…

Voici deux cas révélateurs. 1) Le renversement du fascisme au Portugal désigné sous le nom de révolution des œillets dans le Larousse et de révolution des Œillets, dans le Robert des noms propres. Le changement de régime survenu en Géorgie en 2004 est appelé aussi révolution des œillets dans les médias. 2) Le renversement du communisme en Tchécoslovaquie est appelé révolution de velours dans le Larousse. Des éditions antérieures écrivaient Révolution de velours, alors que le Robert donnait révolution de velours. Cette fois-ci sans majuscule.

Heureusement, les ouvrages spécialisés ne se gênent pas pour employer la majuscule initiale pour les noms de révolutions. Ce qui évite des confrontations gênantes entre la Révolution française, toujours avec la majuscule initiale, et la révolution anglaise ou la révolution américaine, qui apparaissent comme des événements secondaires, alors qu’ils ne le sont nullement.

Que faut-il conclure de tout cela? Peut-être que l’usage, tant pour les noms de guerres que pour les noms de révolutions, est en train de changer. Si les spécialistes commencent tranquillement à écrire Guerre froide, au lieu de guerre froide, la Détente, au lieu de la détente, c’est peut-être qu’ils sont en train d’ouvrir le chemin à une réforme qui, d’après moi, s’impose.