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Juridictionnaire

critère / norme / test

  1. Le critère (test) est la pierre d’assise de la logique juridique et du raisonnement judiciaire dans la confrontation des faits et des règles. La table ou la liste des critères paraît infinie à l’idée que chaque branche du droit, chaque domaine juridique et ses divers rameaux en comptent parfois un nombre incalculable.

    Tirés de la législation qui les édicte et d’une jurisprudence qui les construit et les produit, ils inspirent les tribunaux d’instance inférieure, prenant appui sur ceux qu’ont énoncés les juridictions supérieures pour soutenir les raisonnements qui s’articulent sur ceux-ci, alimenter leurs motifs et rendre leurs décisions.

    Le juge applique (correctement ou non) un critère après l’avoir pris en compte, en avoir tenu compte et l’avoir choisi, utilisé, y avoir recouru aux fins de l’analyse dans laquelle il est entré en jeu et a opéré.

    Il le conserve, le retient, le reconnaît, le confirme après en avoir contesté certains éléments, l’avoir remis en question, s’être élevé contre son application injustifiée ou critiquable, y avoir contrevenu, porté atteinte ou l’avoir enfreint. Il l’écarte, le supprime, l’abolit, le rejette ou y déroge.

    Le critère pourra n’exercer aucune influence sur le sort, sur le résultat définitif d’une espèce, d’une instance, ou, au contraire, permettre de statuer.

    Le législateur ou la jurisprudence l’élabore, le crée, le propose, le définit, le constitue, le fixe, le maintient, l’instaure ou le rétablit. On pourra le modifier, le changer pour l’assouplir, le renouveler, y ajouter, y retrancher, y apporter des ajustements, des tempéraments, l’améliorer, le moderniser, l’actualiser ou le resserrer, le renforcer ou le durcir.

    Une décision pourra reposer sur un critère, se fonder ou prendre appui sur celui-ci, y être assujettie ou soumise.

    On établit un critère, sous forme de condition ou d’exigence, puis on le met à l’épreuve, on lui fait subir le test du temps afin de déterminer s’il pourra devenir règle ou principe, comme il est advenu, par exemple, de la notion d’enrichissement sans cause. La notion pourra alors être conçue, selon le point de vue envisagé, comme un critère, mais aussi comme une allégation, un argument, un moyen, une prétention, un recours, une cause d’action, une action, un principe, une doctrine, un domaine du droit, mais non une [norme] en ce cas-ci. « Étant donné que ce volet du critère de l’enrichissement sans cause n’a pas été établi, il n’y a pas eu d’enrichissement sans cause. » « La Cour suprême a examiné dans l’arrêt Peel le volet ’avantages’ du critère de l’enrichissement sans cause. » « Le principe de l’enrichissement sans cause est au cœur de la fiducie par interprétation. » « L’enrichissement sans cause est une cause d’action en equity qui offre une grande souplesse dans les réparations susceptibles d’être accordées dans différentes circonstances selon les principes fondés sur l’équité et la bonne conscience. » « C’est précisément à ce type d’injustice que vise à remédier la doctrine de l’enrichissement sans cause. » Action pour enrichissement sans cause. Le droit de l’enrichissement sans cause.

    Une même observation pourrait être faite pour plusieurs critères, notamment pour celui de la norme sociale. Critère, norme de la personne raisonnable. Critère, norme du contrôle. Critère constitutionnel, norme constitutionnelle.

  2. La norme (standard) est une règle qu’arrête une autorité compétente, un tribunal ou un organisme professionnel pour régir, sous la forme dont elle est revêtue, une opération, l’expression d’une volonté ou une activité : norme de contrôle, norme d’examen, norme de conduite. Elle est exécutoire et, ayant été officiellement portée à la connaissance des personnes concernées ou des sujets de droit, elle peut faire l’objet d’une révision ou d’un contrôle.

    S’agissant du bien-fondé d’une décision, doit-on parler du critère ou de la norme du bien-fondé ? C’est le point de vue adopté ou le sens qui dicte le choix du terme juste. Le critère du bien-fondé permet au juge de décider, dans le cadre du contrôle judiciaire, si la décision contestée dont il connaît est bien fondée et si elle devra être révisée ou maintenue. La norme du bien-fondé l’oblige à rendre une décision bien fondée.

  3. La norme pourra régir, sous forme de prescriptions, une mission, un mandat, une fonction. Elle pourra aussi porter sur l’organisation et l’exécution du travail, sur l’encadrement du personnel ou sur la réalisation d’un produit (norme de productivité, de qualité, de rendement, d’évaluation). En ce sens, il y a lieu de distinguer la norme juridique de la norme technique.

    Certaines normes seront plus contraignantes que d’autres, étant même coercitives, parce qu’elles obligeront les destinataires à s’assujettir à des prescriptions qui paraîtront porter atteinte à leur liberté : on les qualifiera en ce cas de paternalistes. D’autres seront fondées sur les valeurs communément partagées par la société. Norme généralement reconnue dans le droit des délits civils en common law. De même, en est-il de la norme (et non du [critère]) de conduite dans cette branche du droit.

    Hiérarchie, pyramide des normes juridiques (de Kelsen). Norme à portée générale, norme à portée individuelle. « Le droit est un ensemble de normes générales et individuelles. »

    La portée des normes pourra être large ou restreinte. Des organismes seront chargés de rédiger des normes techniques ou de les codifier pour assurer, sur le plan international ou à l’échelle nationale, la sécurité ou l’équité parmi les États membres ou la santé et la protection du public ou encore l’uniformité des méthodes dans divers secteurs de l’activité humaine. La normalisation s’opère lorsque des normes, sous forme de règles ou de spécifications, sont établies et mises en application. Conseil canadien des normes. Association canadienne de normalisation. Organisation internationale de normalisation.

  4. Le test (test) est un essai auquel on procède pour vérifier la validité d’une hypothèse, l’état des connaissances et le degré d’efficacité d’une règle ou pour déterminer la possibilité de prendre une mesure. Contrairement au critère, qui est un principe ou un point de repère ou de référence, et à la norme, qui est une règle, le test est une épreuve. Test de la réception d’un droit étranger (sur un territoire nouvellement annexé ou conquis).

    Le test à passer, à accomplir pour reconnaître un droit consiste à déterminer qu’on est admis à fonder ce dernier pour en établir la validité et à préciser la norme ou la règle qui permet de se livrer à cet exercice. « La jurisprudence donne des indices pour extrapoler des critères d’évaluation de la validité des mesures pénologiques qui n’auraient pas encore subi le test de la norme constitutionnelle. »

  5. Il paraît intéressant didactiquement d’esquisser, de façon sommaire ici, une typologie des critères et des normes juridiques. Elle permet de les répertorier, dans un premier exercice grammatical de classement provisoire selon les régimes de droit dont ils relèvent, en critères et en normes notionnels, les mots critère et norme étant accompagnés de l’indication d’une notion juridique non qualifiée ni déterminée et reliés par la préposition de (élidée en d’ ou contractée en du ou en des) : critère (objectif) de causalité, du raisonnable, du possible, de prévisibilité, de témérité, d’obscénité, de recevabilité, de raisonnabilité, d’iniquité, du prochain, du sine qua non; norme d’exécution, de diligence, de compétence, de contrôle, de révision, de conduite, de négligence, de preuve, de prudence, de prévisibilité, de témérité, de renseignement ou d’information, marquant un rapport de genre ou d’espèce; en critères et en normes notionnels qualifiés ou déterminés (les mots critère et norme étant accompagnés de l’indication d’une notion juridique qualifiée ou déterminée sous la forme d’un adjectif ou d’un déterminant complément de nom) : critère de la conséquence directe, de la fin dominante, de l’envisagement raisonnable, de la témérité raisonnable, de la personne ou du patient raisonnable, du facteur important; norme de la diligence raisonnable, de la conduite raisonnable, de l’interprétation suffisante, de la raisonnabilité pure, de la qualité marchande, de la prudence raisonnable; en critères et en normes descriptifs (les mots critère et norme étant accompagnés de l’énoncé du principe ou de la règle qui en est le fondement) : critère de l’irrésistibilité, de l’insurmontabilité, de l’imprévisibilité, de l’inévitabilité, de l’extériorité de la force majeure, de la décision bien fondée, des limites du comté, de la validité du droit, des conséquences directes et prévisibles, de la crainte raisonnable de partialité, de la dérogation rationnelle et nécessaire, de l’intérêt de l’enfant, de la mesure du seuil de faible revenu, d’acceptabilité du bruit, de la pollution par le bruit; norme de vérification, de compétence généralement reconnue, de construction, de conception et de fabrication, de rendement, d’emploi, d’équipement, de salubrité et de sécurité, de prestation, de fonctionnement, de placement sûr, de soin plus élevée, relative à l’entretien des bâtiments, de connaissance et de compétence, de qualification professionnelle et d’exercice, de déontologie, norme applicable à l’enfant, à l’adulte.

    Dans cette typologie, on fera bien de mentionner pour chaque critère et chaque norme la branche de droit pertinente. Par exemple, pour le droit canadien : critère de pertinence vraisemblable (droit pénal), norme de la décision raisonnable, de contrôle applicable (droit administratif), de preuve (droit de la preuve), de diligence, de négligence (droit des délits civils), d’exécution (droit des contrats), critère de l’impartialité attendue du décideur (droit administratif), du crime grave (droit pénal), du facteur déterminant, de causalité objectif, d’humanité courante (droit de la responsabilité délictuelle), de la justice fondamentale, de l’action gouvernementale (droit de la personne), de la fiabilité raisonnable, de la compétence territoriale (dans le droit de la citoyenneté et de l’immigration) du situs (en droit successoral), de l’apparence de vraisemblance (dans la théorie du droit).

  6. Pour le juge appelé à trancher une affaire dont il est saisi, le critère comme la norme deviennent dans son analyse décisionnelle des balises, des lignes directrices. Ils pourront tirer leur source d’un régime juridique (critère, norme civiliste, de common law, d’equity), relever du droit (critère, norme juridique, judiciaire), d’une branche du droit (critère constitutionnel, norme administrative, critère civil, criminel, norme fiscale) ou d’un autre domaine ou d’une autre discipline de l’activité humaine (critère moral, norme éthique, critère religieux, norme philosophique, critère scientifique, statistique, politique, norme sociale, médicale, critère économique, commercial, psychométrique, géographique, norme environnementale).

    De par leur origine, le critère comme la norme relèvent des sources formelles du droit. Ils sont issus de la loi, de la jurisprudence ou de la doctrine : critère légal, législatif ou d’origine législative; norme légale, législative ou d’origine législative; critère (ou norme) jurisprudentiel, juridictionnel ou d’origine jurisprudentielle, critère (ou norme) doctrinal, d’origine doctrinale.

  7. Si le critère ou la norme ont été à une certaine époque écartés ou négligés, les juridictions pourront les rétablir en tenant compte de l’évolution jurisprudentielle ou de l’état actuel du droit, les reformuler et les adapter. « La Cour a reformulé et adapté le critère de la common law en matière de situation abusive pour tenir compte du caractère particulier des ententes matrimoniales. » « Il y a lieu d’écarter le critère de la véritable fin économique. »
  8. Le critère lui-même suit une évolution que les tribunaux ou les auteurs retraceront, tel le critère du bien ou du mal dans le droit de la responsabilité criminelle. « On ne peut retracer l’évolution du critère du bien ou du mal en matière de responsabilité criminelle dans la loi hébraïque, la philosophie morale grecque, le droit romain, les écrits de l’Église au moyen âge et la common law anglaise jusqu’à la forme qu’il a prise dans la jurisprudence américaine. »

    Ainsi en est-il de la norme. Évolution des normes juridiques et nouvelles formes de régulation de la famille. Évolution des normes en droit social.

  9. Le critère comporte des volets, des branches, il se répartit en éléments et se divise pour l’analyse en parties ou en composantes. Volet ’global’ du critère de l’objet global. Critère en quatre volets. Première partie du critère applicable. Répondre au premier élément du critère tripartite. Critère à deux étapes, à deux branches. « Cette règle ne satisfait pas à la deuxième branche du critère établi dans l’arrêt concerné. » « Dans ses motifs, le juge en chef expose les trois composantes du critère de la proportionnalité. »
  10. Un critère ne [stipule] pas, mais prévoit, énonce, prescrit. On ne [rencontre] pas un critère, on y satisfait, on le remplit. On ne peut pas [être d’accord avec] un critère, on y souscrit, on y adhère, on le respecte, on y répond, on y obéit ou on y échappe.

    Un critère n’étant pas une norme, on ne peut pas dire que la norme de preuve en matière civile est un [critère] réaliste; la prépondérance des probabilités renvoie non à une [norme], mais au critère descriptif dit de la prépondérance des probabilités.

  11. Lorsqu’il s’agit d’exprimer le déterminant d’un critère retenu dans une affaire ou dans un arrêt, le nom de la décision ne peut suivre immédiatement le substantif par imitation de l’anglais. Il est abusif de dire le [critère Oakes] ou le [critère de l’arrêt Oakes]; on dit plutôt le critère établi, le critère énoncé dans l’arrêt Oakes.

    On ne dit pas la norme de l’[ACNOR] quand on entend renvoyer à une norme de la CSA ou de l’Association canadienne de normalisation, l’accronyme ACNOR étant devenu CSA en 1987. Une norme que l’on considère valable est acceptée, admise, mais celle qui recueille l’assentiment ou le consentement de plusieurs ou qui est reconnue par des parties qui donnent leur agrément dans le cadre d’un accord est agréée, reconnue.

  12. Dans la phraséologie juridique, la jurisprudence et la doctrine qualifient comme ci-dessous le critère selon les contextes et le sens. Voici une liste non exhaustive des cooccurrents les plus fréquents relevés dans la documentation consultée.
    • Critère absolu ou relatif.
    • Critère acceptable ou inacceptable, non acceptable.
    • Critère admissible ou inadmissible.
    • Critère applicable, facile à appliquer ou inapplicable, non applicable, difficile à appliquer.
    • Critère approprié, convenable, adéquat, pertinent ou inapproprié, non approprié, non convenable, inadéquat, non pertinent.
    • Critère certain, sûr, clair, précis, spécifique, exact, véritable, infaillible ou incertain, vague, imprécis, obscur, non spécifique, inexact, flou.
    • Critère convergent ou divergent.
    • Critère déterminant, essentiel, décisif, fondamental, suprême, clé, prépondérant, incontournable, prédominant, ultime, majeur ou non déterminant, non essentiel, non décisif, non fondamental, non prépondérant, contournable, non prédominant, mineur, négligeable.
    • Critère efficace ou inefficace, non efficace.
    • Critère équitable ou inéquitable, non équitable.
    • Critère explicite ou inexplicite.
    • Critère formel ou informel, non formel.
    • Critère immuable, constant, fixe ou changeant.
    • Critère impartial ou partial.
    • Critère incontestable, indiscutable, irrécusable ou contestable, discutable ou récusable.
    • Critère juste ou injuste, discriminatoire, arbitraire, inique.
    • Critère justifié ou injustifié, non justifié.
    • Critère large ou limité, restreint, restrictif, étroit.
    • Critère légitime ou illégitime, non légitime.
    • Critère licite ou illicite.
    • Critère nécessaire, utile ou non nécessaire, inutile, non utile.
    • Critère nouveau ou ancien, habituel, usuel, ordinaire, courant.
    • Critère obligatoire ou facultatif.
    • Critère objectif ou subjectif.
    • Critère opérant ou inopérant.
    • Critère permanent ou provisoire.
    • Critère principal ou secondaire, complémentaire, connexe, accessoire.
    • Critère raisonnable ou déraisonnable, non raisonnable.
    • Critère réaliste ou irréaliste, non, peu réaliste.
    • Critère satisfaisant ou insatisfaisant, non, peu satisfaisant.
    • Critère simple, élémentaire, de base ou compliqué, complexe.
    • Critère suffisant ou insuffisant, non suffisant.
    • Critère technique ou non technique, général.
    • Critère unique, seul critère ou critère double, triple, quadruple, multiple.
    • Critère valable, valide ou non valable, invalide, non valide.
    • Critère vrai ou faux critère.