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Juridictionnaire

silence

  1. Le thème du silence comporte en droit de multiples manifestations : il y a le silence anxieux, forcé, opiniâtre dans lequel s’enferme, se mure, s’emmure, reste emmuré, se cantonne, se retranche le prévenu qui, invoquant la loi, refuse de répondre à toute question de la police hors la présence de son avocat, le silence absolu, complet, général, total, respectueux, rigoureux que demande, qu’exige, qu’impose, que commande à l’auditoire, que fait régner dans la salle d’audience l’huissier audiencier dès l’entrée du juge présidant le procès, le silence approbateur ou approbatif des membres d’une assemblée délibérante à qui la présidence demande s’il y a opposition à une motion, le silence recueilli, religieux, sacré, solennel qu’observent les parlementaires pendant la prière au début de la séance, l’ordre que donne le juge aux personnes qui troublent l’audience de garder le silence ou de sortir ou que donne le président de la Chambre à des députés tonitruants d’observer le silence sous peine d’expulsion de l’Assemblée.
  2. Peuvent être assimilés au silence l’abstention, l’inaction, la défaillance, la négligence, l’omission, la dissimulation, la réticence, la tromperie. C’est le silence en droit.

    Les personnes qui s’abstiennent de voter font acte de silence. De même en est-il de celles qui s’abstiennent de répondre à une offre ou de décider une question.

    Répondre, c’est donner à une demande, à une réclamation une suite expresse; mais la réponse peut consister en une suite donnée qui commande le silence. Ainsi l’Administration peut-elle par son silence donner suite à une demande présentée par un administré.

    En matière pénale, en principe, celui qui par son inaction, par son silence, laisse commettre une infraction ou se réaliser un préjudice qu’il aurait pu empêcher par son intervention échappe à toute responsabilité pénale, le silence n’étant pas la cause principale du délit. Toutefois, dans les cas où des motifs sérieux permettent de croire qu’un crime devait être commis, l’abstention ou le silence qui s’est réalisé à l’occasion d’une activité qu’il exerçait ou d’une situation particulière dans laquelle il se trouvait et qui lui imposait l’obligation d’agir pourra constituer une faute pénale [justifiant condamnation]. Tel est le cas de l’automobiliste qui, en n’annonçant pas son approche, est la cause d’un préjudice corporel à un tiers, tel celui du commerçant qui laisse entrer dans son établissement une personne grièvement blessée ou très malade et qui lui refuse, sous prétexte qu’il n’est pas médecin, de lui fournir des soins, ou tel encore le cas du propriétaire qui, par son silence, ne prend pas les précautions nécessaires pour que les choses dont il a la propriété ne causent pas d’accidents.

    Autres cas de silence emportant une responsabilité pénale : le juge qui ne fait pas cesser une détention dont il sait qu’elle est arbitraire, la défaillance d’un témoin de rendre témoignage en faveur d’un prévenu dont on peut prouver l’innocence, la lâcheté du témoin qui, par son silence, laisse condamner un innocent ou celle d’un juré de faire apparaître ce fait au cours des délibérations du jury, le refus de prêter main-forte à l’autorité policière ou de sécurité publique à la demande de celle-ci en cas de désordre ou de calamités publiques, le fait de taire un projet ou un acte de trahison, d’espionnage ou de terrorisme, le silence du pharmacien qui néglige d’avertir le médecin traitant d’une erreur commise dans la délivrance d’un médicament dangereux, alors que, par ses connaissances professionnelles, il est en mesure d’apprécier l’urgence de cet avertissement et qui choisit de s’embusquer dans un silence affreux, condamnable, effrayant. « De nombreuses infractions demeurent impunies, car peu de gens se plaisent à assurer les fonctions désagréables et périlleuses d’accusateur; les coupables riches et puissants peuvent acheter le silence des témoins ou paralyser les éventuels accusateurs par la crainte qu’ils inspirent. »

    Le silence peut aussi entraîner une responsabilité en matière contractuelle ou délictuelle. Ainsi en est-il du transporteur qui, par son silence intentionnel, omet de prendre toutes les mesures propres à assurer un transport sans danger, du dépositaire qui s’abstient de prendre toutes les mesures de garde nécessaires ou du médecin qui s’abstient de soigner ses patients. « L’officier de l’état civil ne doit mentionner dans les actes que les déclarations, même mensongères, des parties sans suppléer à leur silence par ses renseignements personnels. »

  3. Au regard de l’acte de volonté, le consentement se manifeste dans la formation de l’acte juridique sous une forme orale, écrite ou même gestuelle. L’acceptation est dite tacite dans le cas du silence injustifié de la partie à l’acte.

    Ce qui est implicite ou tacite est une forme de silence. Dans un contrat, l’obligation de divulgation par la partie la mieux informée est implicite; on dit qu’elle est passée sous silence, même si elle constitue un devoir implicite que les parties doivent respecter. Est implicite ou tacite ce qui est passé sous silence, ce qui n’est pas formellement, expressément exprimé, ce qui est tenu sous silence tout en manifestant une volonté. Le pacte, l’aveu 1, l’acceptation, l’offre, l’accord, l’acquiescement, le consentement, le contrat, le mandat, la permission, la promesse, la résiliation, la révocation tacites ou encore l’assertion, la condition, le covenant, la fiducie, la garantie, la concession, la réserve, la servitude implicites sont toutes des formes de silence qui emportent, d’une manière ou d’une autre, obligation. Par exemple, est tacite ce qui, dans le silence du contrat, est sous-entendu, ce qui se déduit des faits, du comportement, des déclarations des parties et est implicite ce qui renvoie à certaines clauses, lesquelles, étant non écrites, se rattachent à ce qu’on nomme le silence du contrat. « Il s’agit ici de dégager, dans le silence de l’acte de donation, une règle interprétative de volonté. »

    S’il y a obligation implicite de sécurité attachée à un contrat ou consentement implicite accordé à l’accomplissement d’un certain agissement, le silence est de rigueur, il est obligatoire. En outre, le silence gardé sur la notification du rejet d’une réclamation pendant le délai imparti par la loi vaut décision implicite de rejet. Une décision est dite implicite lorsqu’elle résulte du silence de l’Administration pendant le délai légal par elle fixée pour se prononcer à compter du dépôt de la demande.

  4. L’omission, pour sa part, peut être assimilée au silence. Ainsi, l’omission, volontaire ou non, de ne pas accomplir ce qui doit l’être, que ce soit une omission obligatoire dans un acte ou une omission dans une déclaration de revenu destinée au fisc ou l’omission de verser une pièce déterminante dans un dossier.

    En matière de dol, la dissimulation, soit le fait de cacher ce que l’on doit révéler, comportement qui peut être constitutif de fraude 2, de recel, de complicité, est assimilée au silence. Par exemple, le fait de dissimuler des revenus, des documents, des faits propres à éclairer la justice est qualifié de silence de leur auteur. De même, la réticence ou la tromperie est un silence gardé intentionnellement en vue de tromper l’autre partie.

  5. Le silence peut être interprété comme un consentement suivant l’adage Qui ne dit mot consent. Mais des tempéraments ont été apportés à cette règle. Le silence prudent de l’assureur qui reçoit une proposition d’assurance ne peut être interprété comme un consentement puisque la proposition n’engage ni l’assureur ni l’assuré. Cependant, son silence prolongé vaut acceptation dans le cas de la modification d’un contrat en vigueur, si la demande est présentée par l’assuré au moyen d’une lettre recommandée et dans le délai stipulé. Son silence est interprété comme l’acceptation par lui de la proposition de modification.
  6. Ce qui est énoncé, exposé, affirmé en tant que de raison est un procédé qui consiste à appliquer par transposition un raisonnement à un cas, à une règle ou à une matière, à l’appliquer et à l’étendre, dans le silence d’un cas, à une règle ou à une matière non spécifiées.
  7. Ce qui précède conduit au silence de la loi et au silence du droit, qui désignent l’absence de règle écrite visant une matière particulière. Le silence de la loi implique une lacune, un CREUX, une absence de norme ou de règle permettant de régir un cas donné, autrement dit un droit incomplet.
  8. Le silence entretient des rapports avec l’élaboration de la loi, sa mise en œuvre, son application, son exécution et son interprétation. Le silence de la loi peut se manifester de deux manières différentes : il peut être infra legem lorsque la lacune qu’il implique découle du fait volontaire du législateur, lequel fait appel à des notions floues, à des termes vagues. Cette technique, qui est, en vérité, un procédé, est appliquée de façon intentionnelle. De son côté, le silence praeter legem est involontaire; il résulte, dit-on, d’une imperfection de la loi. La loi est muette : le silence s’oppose aux paroles de la loi, à ce qui a été dit expressément.

    Le silence du législateur peut se manifester dans l’inaction ou l’abstention de ce dernier à ne pas édicter de disposition dont le besoin se fait sentir. La loi peut passer sous silence une clause ou une disposition importante d’origine jurisprudentielle ou doctrinale ou encore un régime juridique, tel le régime dotal ou le régime sans communauté de biens. C’est le contraire de la prévision législative. On appelle comblement, recomblement ou encore complètement le fait de combler pareille lacune législative, de remplir un vide législatif.

    Dans le discours législatif, les expressions Sauf disposition expresse contraire, Sauf disposition expresse de la présente loi signalent le silence de la loi, elles donnent à entendre qu’il y a silence de la loi.

  9. Dans le silence de la loi, dans le silence du législateur, le tribunal a pour mission de combler le vide en recourant à son pouvoir discrétionnaire pour compléter le droit ou pour produire, créer du droit.

    Il en est de même des parties à une convention : dans le silence du texte qui les gouverne (les formules courantes « Sauf stipulation expresse des parties », « À défaut de disposition contraire », « En l’absence de déclaration formelle des parties » signalent le silence de la convention), les parties doivent s’entendre ou soumettre leur cas d’espèce à l’autorité judiciaire, qui le réglera au regard des principes d’équité et de justice, dans l’esprit des conventions analogues et conformément au droit en vigueur.

    Le tribunal ou l’arbitre saisi du litige doit établir ce qu’on appelle une norme supplétive, laquelle est obligatoire et supplée au silence du texte en cause. « Dans le silence du contrat, le tribunal doit considérer que les risques commencent à courir à partir de la signature de la police ou de la remise à l’assuré de la note de couverture. » « Le droit communautaire prévoit, dans certains cas spécifiques, que le silence d’une institution a valeur de décision lorsque cette institution a été invitée à prendre position et qu’elle ne s’est pas prononcée à l’expiration d’un certain délai. »

  10. Il est interdit au juge de garder le silence lorsqu’il est saisi d’une affaire : il est tenu d’en connaître, de se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé, aux termes de l’article 5 du Nouveau Code de procédure civile de France. Son refus de juger sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi est considéré comme une illicéité, abstention illicite qui est cause d’annulation de la décision. « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » Le juge ne peut donc pas se prévaloir du silence de la loi pour refuser de statuer sur le chef de demande qui est soumis à son examen.
  11. Création, jurisprudence, solution prétorienne. Il arrive que la jurisprudence retienne une solution qui outrepasse une disposition de la loi – dans le cas où cette dernière est muette – et même, parfois, aille jusqu’à la contredire. On qualifie de prétorienne une solution émanant des tribunaux quand elle procède, dans le silence de la loi, d’une élaboration jurisprudentielle à défaut de l’application de la loi rendue impossible du fait de ce silence.
  12. Autres formes de silence (du point de vue du public) : dans le vocabulaire parlementaire et judiciaire, les documents frappés d’embargo et les ordonnances de huis clos, et, dans le vocabulaire de l’Administration, la non-divulgation des renseignements personnels et la confidentialité comme marque de respect de la vie privée des citoyens et de l’absence d’intrusion dans la vie privée et les affaires d’un individu. À ces formes particulières de silence, il convient d’ajouter le secret professionnel, la consigne du silence en matière de violence familiale et la présomption d’absence en droit successoral.