ACCEPTANT, ANTE/OFFRANT, ANTE/OFFRE/RÉTRACTATION/RÉTRACTER/RETRAIRE/RETRAIT/RETRAYANT, ANTE/RETRAYÉ, ÉE

  1. Dans le droit des contrats en régime de common law, une offre ayant été faite au destinataire de l'offre, ce dernier peut soit l'accepter inconditionnellement ou l'accepter sous conditions, soit la refuser ou la rejeter.

    L'acceptation de l'offre est le fait de l'acceptant, de l'acceptante, de la partie acceptante.

    L'auteur de l'offre, appelé l'offrant, l'offrante, peut, après l'avoir présentée, la retirer, la rétracter. Cette rétractation, forme de révocation, est un retrait. Le retrait de l'offre est exercé par son auteur, le retrayant, la retrayante, à l'encontre du retrayé, de la retrayée, soit la personne qui subit le retrait.

    Le fait d'opérer le retrait de l'offre s'exprime par l'emploi du verbe retraire. Il faut en ce sens éviter d'user du barbarisme [retrayer], né par contagion du substantif. Immeuble retrait (et non [retrayé]), retraire un immeuble.

    Le retrait peut être conventionnel (appelé aussi réméré en droit civil : faculté de réméré), lorsqu'il découle de la volonté des parties consignée dans l'accord d'offre, ou litigieux, lorsqu'il est source d'un litige entre elles.

  2. Dans le droit des contrats généralement, l'offre est une proposition ferme, distincte de la promesse de contrat. Elle émane de l'auteur de l'offre faite à une ou plusieurs personnes, le ou les destinataires de l'offre, de conclure un contrat assujetti à une simple adhésion pour assurer sa validité.

    L'offre est valable quand elle est en cours de validité et elle est valide quand, valablement formée, elle est conforme aux exigences légales et ne risque pas d'être frappée de nullité pour sa conclusion.

    L'offre peut viser une ou des personnes, désignées ou non déterminées : offre à personne déterminée, offre à personne indéterminée (au public, par exemple).

    Elle peut être expresse ou expressément faite, en termes exprès, ou tacite (c'est-à-dire faite par déduction), exclusive (c'est-à-dire faite uniquement au destinataire).

    Dans le droit des créances, l'offre est dite réelle quand le débiteur remet à son créancier la chose due dans le respect des délais et avec paiement libératoire.

    Le destinataire de l'offre, après l'avoir étudiée, examinée, soupesée, peut soit l'accepter, l'accueillir, l'agréer, soit la décliner, l'écarter, la refuser, la rejeter, la repousser.

    L'offre ferme n'est pas sujette à négociation. Elle n'est pas susceptible d'être modifiée, dans son prix notamment, sur consentement des parties à l'offre.

    L'offre peut être suivie d'une contre-offre, si elle n'est pas ferme, si elle est négociable. Cette dernière a pour objet de modifier les conditions et (ou) les modalités de l'offre. Le contrat est formé lorsque l'offrant primitif, l'offrante primitive accepte la contre-offre émanant du destinataire de l'offre en lui signifiant son acquiescement ou son consentement à l'égard du projet de modification de l'offre.

    L'offrant se réserve le droit à tout moment de la retirer. Retrait de l'offre par le retrayant, la retrayante.

    N'étant pas ouverte à la négociation, l'offre ferme est qualifiée de définitive. L'offre est dite finale quand il s'agit de marquer le fait qu'elle est la dernière dans la série d'offres, qu'elle marque la fin d'une suite d'offres qui ont été présentées dans le cadre de la négociation.

    Par rapport à l'offre initiale ou primitive, l'offre peut être modifiée sur proposition du destinataire. Ayant été acceptée et jugée avantageuse, elle peut être renouvelée, prorogée.

    Assortie de conditions, l'offre est conditionnelle; dans le cas contraire, elle est sans conditions ou inconditionnelle.

    Si la période ou le délai de réflexion préalable à l'acceptation expire sans qu'une décision ait été prise concernant l'agrément, l'offre devient caduque. La caducité de l'offre entraîne son retrait et la perte de tous ses effets juridiques.

  3. En droit commercial et en droit économique comme dans le droit des sociétés, par exemple s'agissant des sociétés civiles professionnelles, le retrayant est l'associé qui part, qui se retire, qui quitte la société et qui demande que sa part ou sa mise lui soit remboursée. Départ du retrayant. Associé retrayant. « Afin que le départ d'un associé ne puisse plus mettre en péril les sociétés civiles professionnelles, le délai de rachat des parts de l'associé retrayant par la société pourra être statutairement porté jusqu'à dix mois. » « Le retrayant exige le rachat de ses parts. » Rachat des parts du retrayant. Indemnisation du retrayant. Obligations fiscales de la retrayante.
  4. Au Canada, dans le vocabulaire de la procédure civile, la partie qui, avec la permission du tribunal, exerce le retrait de sa cause d'action, de sa demande reconventionnelle, de sa demande entre défendeurs ou de sa mise en cause, d'une demande ou d'une défense dans une instance qui est une action, ou encore d'un moyen dans une requête, un avis de contestation, une révision judiciaire, un appel ou une prétention s'appelle la partie retrayante.

    Il ne faut pas confondre la partie retrayante avec la partie qui se désiste d'une instance, qui l'abandonne.

CENTRALISATION/CENTRALISER/DÉCENTRALISATION/DÉCENTRALISER

Considérant l'emploi de ces mots, on constate que la difficulté réside dans le choix de la préposition ou de la locution prépositive correcte. On ne peut dire qu'une autorité publique centralise ou décentralise des services, par exemple, [à] une autre autorité ou [à] une région. Elle les centralise ou les décentralise vers une région ou au profit de celle-ci.

En matière de décentralisation, il ne faut pas confondre la décentralisation (purement) administrative et la décentralisation politique. Dans la première forme de gouvernance, un ministère délègue des pouvoirs à des institutions créées par l'État et relevant de lui, tandis que, dans la deuxième forme de gouvernance, l'État procède à la délégation de pouvoirs législatifs et réglementaires d'un État à un autre ou d'un État à des autorités provinciales.

Si le ministère de l'Éducation délègue à des conseils scolaires la responsabilité d'établir des écoles, de concevoir des programmes, il y a décentralisation administrative, bien qu'il se réserve des domaines où il conservera sa compétence (cas de la centralisation administrative). Si, en dépit de la compétence exclusive que la Constitution lui confère en matière fiscale, le gouvernement fédéral délègue à une province et aux territoires la responsabilité de former la main-d'œuvre et d'édicter les lois en ce domaine, il y a décentralisation politique; s'il se réserve la responsabilité de certains domaines de la fiscalité canadienne, il y a centralisation politique.

On appelle parfois du nom de déconcentration ce qui est une forme de décentralisation, les deux termes étant pratiquement synonymes.

CESSION/CESSIONNAIRE/CONCESSION/CONCESSIONNAIRE

  1. Dans le droit des biens, la cession est le transfert ou la transmission entre vifs d'un droit personnel ou réel. Elle se dit principalement à propos d'une créance, aussi bien en régime civiliste qu'en common law ("assignment" en anglais).

    L'auteur de la cession s'appelle le cédant, la cédante; c'est la personne qui cède ou transmet son droit ou son intérêt dans un bien. Son destinataire est le ou la cessionnaire, soit la personne qui acquiert le droit ou l'intérêt transmis par cession ou par acte de cession.

    On dit que le cessionnaire profite de la cession pour désigner le fait qu'elle s'opère à son profit.

    Cession de quelque chose à quelqu'un, par quelqu'un. Une cession se fait, s'opère, a lieu, intervient.

  2. L'acte de cession peut s'effectuer par la vente ou l'échange notamment. La cession de créance, par exemple, s'entend de la vente ou du transfert à un acheteur ou acquéreur, appelé cessionnaire, d'une dette que le cédant avait contre un débiteur ou d'une créance ou d'un droit personnel qu'il avait sur lui. « Dans le transport d'une créance, d'un droit ou d'une action sur un tiers, la délivrance s'opère entre le cédant et le cessionnaire par la remise du titre. »
  3. Le mot concession comporte une variété de sens dans les régimes civilistes, qui ont trait de façon générale à la transmission d'un avantage dans les domaines commercial ou immobilier.

    La common law en français lui donne, pour rendre le mot anglais "grant", deux sens bien précis, savoir celui d'une transmission immobilière par acte volontaire et celui d'une transmission mobilière à titre onéreux.

    On appelle concédant, concédante l'auteur de la concession et le ou la concessionnaire son destinataire. Le bien concédé est celui qui fait l'objet de la concession. Être titulaire d'une concession. S'aliéner, se transporter par concession.

    À l'article bail, la distinction a été établie entre la cession de bail et la cession à bail. La première est le transfert par le preneur à un cessionnaire du contrat de bail existant entre le bailleur et le preneur ainsi que de tous les droits et obligations qui résultent du bail, alors que la seconde est le transfert par le bailleur au preneur d'un bien visé au contrat de bail.

Syntagmes

COMMODITÉ

  1. Il y a commodité juridique lorsque le législateur adopte une classification particulière dans une matière où peut régner une confusion, compte tenu de la définition donnée à certains concepts. Cette catégorisation peut être l'œuvre de la jurisprudence ou encore celle de la doctrine. Par exemple, lorsque la jurisprudence, considérant que les actions mobilières et les actions personnelles représentent le droit commun, les range dans la catégorie des actions personnelles mobilières, elle adopte une solution de commodité et, même, de nécessité.

    La commodité juridique apparaît encore sur le plan de la compétence territoriale. En matière mobilière, il convient, en principe, de saisir le juge du lieu où demeure le défendeur. En matière réelle immobilière, c'est le tribunal de la situation de l'immeuble litigieux qui a seule qualité. C'est ce qu'on appelle la règle du forum conveniens.

    Dans d'autres cas, une formule d'application générale sera édictée par commodité juridique.

  2. Dans les textes de loi, les règles d'interprétation législative prévoient que les intertitres ou rubriques, sous-titres, annonçant chaque article de la loi ou du règlement ne servent qu'à des fins de commodité et qu'ils n'en font pas partie intégrante. Les fins de commodité s'entendent ici du rôle que jouent les intertitres : ils servent à orienter le lecteur dans la suite des articles et à lui donner une idée (parfois très générale en raison du caractère lapidaire des formules employées) de l'objet des dispositions.
  3. Dans l'Avertissement du recueil des Lois du Canada dont la codification a été réalisée par le ministère de la Justice, il est dit que la codification n'est préparée que pour la commodité du lecteur (et non la commodité [de la lecture]) et qu'elle na aucune valeur officielle.

    L'expression commodité du lecteur dont il s'agit se rapporte au besoin de celui-ci de faire renvoi aux lois du Canada ("for convenience of reference only"). La codification sert un but uniquement utilitaire en matière de référence, aussi n'a-t-elle pas valeur officielle.

    Le texte officiel des Lois du Canada est publié dans la Gazette du Canada. La Commission de révision des lois créée par l'article 3 de la Loi sur la révision des lois peut faire publier, en édition à feuilles mobiles, des parties de la codification pour la commodité des abonnés. La commodité des abonnés s'entend ici du besoin des abonnés qui ne veulent consulter que des lois choisies et qui ne désirent recevoir que certaines lois codifiées.

    En outre, la Commission a la faculté de compiler des lois ou des textes d'ordre constitutionnel ou quasi constitutionnel ou des lois d'intérêt local ou privé et d'en établir des éditions spéciales, lesquelles peuvent, pour des raisons de commodité, être présentées sous forme de codification.

    Il en est de même pour les notes explicatives et les tableaux qu'elle insère dans sa codification : ils ne font pas partie des Lois révisées et n'y figurent que pour des raisons de commodité. Le texte des décrets qu'elle y insère n'y paraît que pour des raisons de commodité, sans que le pouvoir d'abroger ou de remplacer ces décrets en soit atteint ou modifié.

  4. Une publication sur support électronique peut être différente d'une publication sous une autre forme pour des raisons de commodité, pourvu que les différences ne portent pas atteinte au fond.
  5. Le législateur peut désigner des districts, par exemple aux fins d'attribution des numéros d'assurance sociale, dans lesquels les personnes qui y résident peuvent présenter leur demande et, compte tenu de leur commodité pour le public, désigner dans chacun d'eux des lieux où elles pourront adresser leur demande.

    Une réglementation peut être édictée dans l'intérêt du public ou pour la protection ou la commodité du public. La loi pourra prévoir des arrangements dans l'intérêt des résidents canadiens ou pour leur commodité.

  6. Dans les textes de loi, lorsqu'il y a renvois descriptifs, c'est-à-dire lorsque des mots sont mis entre parenthèses dans un but purement descriptif d'une manière donnée, ces mots qui suivent un renvoi à une autre disposition de la loi ou de toute autre loi ne font pas partie de la disposition dans laquelle ils apparaissent et sont réputés y avoir été insérés pour la seule commodité de la consultation. Les dispositions semblables qui portent sur les renvois descriptifs et sur la commodité de la consultation sont qualifiées de purement indicatives par opposition, notamment, aux dispositions déclaratives ou impératives.
  7. Une règle de procédure peut prévoir que deux ou plusieurs candidats peuvent être défendeurs dans une même requête en annulation d'élection et leurs causes pourront, pour plus de commodité, être instruites concomitamment ou en même temps.

    Par ailleurs, en droit procédural, on considère, pour des raisons de commodité, qu'il y a tout intérêt aussi bien pour les plaideurs que pour la bonne administration de la justice à établir des règles de procédure qui facilitent l'expédition des affaires contentieuses et qui favorisent la célérité et le désengorgement des tribunaux, phénomène dit de la déjudiciarisation 1.

  8. Dans les contrats de marché public et de travaux publics, la clause de résiliation pour des raisons de commodité est une clause type. Elle figure en entier dans tous les contrats d'achat. Cette résiliation est dite « au gré du ministre » et a pour effet de faire cesser sur-le-champ tous les travaux entrepris dans le cadre du contrat et est sujette à une demande d'indemnités pour résiliation que pourra présenter l'entrepreneur contre le Canada, contre une province ou contre le ministre intéressé, selon le cas.
  9. Les locutions par souci de commodité et les variantes pour des raisons de commodité, pour plus de commodité, par commodité, à des fins de commodité exprimées dans un contexte de lisibilité juridique signifient toutes pour rendre la lecture plus simple et l'énoncé des idées plus clair. « Par souci de commodité, je désignerai 'période en litige' celle qui s'étend entre ces deux dates. » « Pour des raisons de commodité, je reproduis à nouveau le passage pertinent de cet article. » « Pour plus de commodité, ces dispositions sont reproduites dans l'annexe A. » « Par commodité, les dispositions pertinentes sont de nouveau reproduites ici. » « Pour la commodité du propos, je rappellerai les faits non contestés. » Commodité juridique, administrative. Considérations de commodité administrative. Commodité et nécessité publiques, commodité et protection publiques. Faire valoir des motifs de commodité. « Les motifs de commodité que fait valoir la défenderesse dans son argumentation ne tiennent en compte que ses propres intérêts. » Commodité d'un recours.

COMPÉTENCE/COMPÉTENT, ENTE 2/INCOMPÉTENCE/INCOMPÉTENT, ENTE/JURIDICTION

  1. Précédé immédiatement du verbe avoir, le mot compétence formateur de la locution avoir compétence se construit avec la préposition pour. « Le tribunal correctionnel ayant la saisine d'une action en contrefaçon n'a pas compétence pour apprécier les faits de concurrence déloyale. » « Le juge a compétence pour prononcer le divorce. » Toutefois, s'il est précédé de l'article défini et ne forme plus de ce fait locution, ce mot (que l'on peut remplacer mentalement par le mot pouvoir) se construit avec la préposition de « Le commissaire a statué qu'il n'avait pas la compétence d'instruire le différend. » Si, en revanche, il est déterminé en ce cas par un qualificatif ou autrement, il se construit avec la préposition pour. « Le commissaire a statué qu'il n'avait pas la compétence nécessaire pour instruire le différend. »

    La locution avoir compétence se construit aussi à l'aide de la préposition sur quand il s'agit d'exprimer l'objet de la compétence (« Ce tribunal a compétence sur les droits litigieux en cause. ») ou des locutions prépositives au regard de et en matière de (ou sa variante dans telle (ou telle) matière) : « La Cour a compétence au regard de toutes ces questions. » « L'autorité ainsi désignée a compétence en matière de délits et de contrats. » « Avant la Conquête normande en 1066, les tribunaux ecclésiastiques avaient compétence en matière de mariage, de séparation, de légitimité, de testament et d'administration successorale. » « Le tribunal de grande instance a compétence exclusive dans les matières déterminées par les textes. »

    En construction passive, être compétent ne se construit pas à l'aide de la préposition [à], comme à l'article 34 du Code de procédure civile, mais avec la préposition pour ou sur au sens de au regard de ou avec la locution prépositive en matière de. « Il est compétent pour instruire les causes en matière civile. » Être compétent pour statuer à titre préjudiciel. « La Cour d'amirauté est compétente en matière de collision de bateaux. » « La Chambre des lords est compétente pour statuer essentiellement sur des appels interjetés contre des décisions de la Cour d'appel et des cours divisionnaires de la Haute Cour de justice. » « Cet organisme est compétent sur un ensemble de régions. »

    Être de la compétence (de quelqu'un, d'une juridiction) est suivi de la préposition de. « Il est de sa compétence de juger ces affaires. » « Il est de la compétence de la juridiction civile de droit commun de connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. »

    Toutes ces constructions équivalent sémantiquement à la locution verbale connaître de, qui signifie qui a compétence pour juger, aussi peut-on dire à la place de chacune d'elles pour varier l'expression, connaître de la question, connaître de l'affaire.

  2. Si, alors, la compétence juridictionnelle se définit comme l'aptitude d'un tribunal à connaître d'une affaire et que cette locution signifie avoir compétence pour instruire l'affaire, on est fondé à se demander s'il y a pléonasme à dire que tel tribunal a compétence pour connaître d'une affaire. Par exemple, la Loi sur le divorce (Canada) définit la cour d'appel comme un tribunal compétent pour connaître des appels formés contre les décisions d'un autre tribunal.

    Il faut dire que la formule est si courante en droit qu'elle s'est figée avec le temps et que les juristes l'emploient abondamment, reprenant ce faisant le langage même de la législation. Les nombreuses occurrences dans les codes et chez les auteurs l'attestent : « La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. » « Le droit du Québec attribue à ses autorités une compétence exclusive pour connaître de l'action qui a donné lieu à la décision étrangère. »

    Le pléonasme léger ne doit pas donner lieu à proscription; cependant, pour effacer l'effet pléonastique, on peut dire que le tribunal a compétence pour instruire une affaire et pour en décider. On peut tourner aussi autrement : juridiction ayant vocation à connaître d'une affaire, tribunal ayant mission de connaître d'une matière, cour étant chargée de connaître d'une question. « La Cour suprême a vocation à connaître de toutes les affaires qu'elle a accepté de juger. »

    Autre tournure pléonastique : ressortir à la compétence d'un tribunal. Puisque ressortir à signifie être de la compétence de, on voit tout de suite pourquoi on cherche à éviter de recourir à cette façon d'exprimer l'idée. On peut dire simplement : cette affaire ressortit à la Cour d'appel plutôt que cette affaire [ressortit à la compétence de] la Cour d'appel.

  3. Le mot compétence s'entend de l'ensemble des pouvoirs que le droit reconnaît à un sujet de droit ou à une institution ou encore à un organe de sorte à lui conférer l'aptitude de remplir des fonctions déterminées et d'accomplir les actes juridiques connexes. Ainsi y a-t-il adéquation de sens entre la compétence et les pouvoirs, tous deux étant considérés dans cette acception et sous cet éclairage général : une compétence est un pouvoir qui permet d'accomplir certains actes, un pouvoir d'agir.

    Les emplois de ce mot sont multiples, aussi est-on forcé de les regrouper autour de catégories particulières pour organiser la matière : la Constitution distribue les compétences. La compétence peut être attribuée à l'État (compétence étatique : pouvoir de l'État de soumettre des personnes physiques ou morales, des biens et des activités à son système juridique) et à ses ordres législatif (compétence législative : pouvoir de légiférer, d'édicter des normes juridiques d'application générale ou limitée, d'intérêt public ou privé), exécutif (compétence exécutive : pouvoir de donner effet aux ordres émanant de son système juridique et de les exécuter) et judiciaire (compétence judiciaire ou juridictionnelle : pouvoir d'administrer la justice par le bras de justice, par l'intermédiaire de ses juridictions). Dans ce dernier cas, la compétence s'entend à la fois du droit et du pouvoir pour les tribunaux de juger des affaires.

  4. Les distinctions qui permettent de définir les sortes de compétence juridictionnelle s'expriment traditionnellement sous forme de locutions latines. La compétence s'apprécie selon divers points de vue. Elle peut être territoriale : elle renvoie au ressort du tribunal et est déterminée en fonction du domicile, lieu de situation du litige, le tribunal territorialement compétent est, règle générale, celui du domicile du défendeur ou du lieu de l'infraction ou du différend : c'est la compétence ratione loci. Elle peut être déterminée selon la nature de l'affaire ou de l'objet du litige ou selon la nature de l'accomplissement de l'acte juridique : c'est la compétence ratione materiae. Par exemple, le tribunal civil est compétent pour instruire les affaires de divorce, qui relèvent des affaires civiles; en France, la Chambre correctionnelle ou la Cour d'assise est compétente en matière de délits ou de crimes. En fonction du sujet de droit – personne physique ou morale –, l'habilité à saisir la juridiction est la compétence ratione personae. Celle qui résulte du fait de l'écoulement du temps ou de la situation temporelle de l'objet du litige est la compétence ratione temporis. « L'engagement figurant à l'article XXXI vaut ratione materiae pour les différends énumérés par ce texte. Il concerne ratione personae les États américains parties au Pacte. Il demeure valide ratione temporis tant que cet instrument reste lui-même en vigueur entre ces États. » « Un tribunal compétent dans une affaire criminelle est le tribunal compétent ratione personae (= sur les parties) et ratione materiae (= sur l'objet du litige) et qui a, en droit criminel ou pénal, compétence pour accorder la réparation demandée par le plaignant. »

    Au Canada, la compétence parens patriae est dévolue aux cours supérieures des provinces et des territoires. Elle est fondée sur le besoin d'agir pour assurer la protection des personnes qui sont réputées incapables de prendre soin d'elles-mêmes. Ce mécanisme juridique permet d'obtenir une subrogation personnelle pour des enfants ou des adultes négligés, maltraités ou réputés incapables.

  5. Autre point de vue permettant de qualifier les sortes de compétence : une compétence est dite d'attribution lorsqu'une norme juridique l'institue. Le titulaire de la compétence n'exerce que les attributions que lui confère l'autorité publique et il n'agit que dans les limites des compétences qui lui sont assignées.

    Une compétence est fonctionnelle lorsqu'elle trouve son fondement et ses limites dans les fonctions qui sont prescrites. Par exemple, s'il y a la compétence des juridictions, il y a celle aussi qui est propre à chaque magistrat. Le juge ne peut remplir que les fonctions qui s'attachent au grade qu'il occupe dans une hiérarchie judiciaire et il n'a compétence pour exercer ces fonctions que dans la juridiction à laquelle il est affecté, sauf exceptions, notamment celle qui permet à un juge d'une juridiction supérieure de remplacer un juge d'une autre juridiction.

    Enfin, la compétence peut être implicite ou explicite (ou expresse) selon qu'elle est reconnue ou attribuée implicitement ou expressément par un texte de l'autorité compétente.

    Du point de vue du droit international public, il convient d'ajouter à la compétence étatique celle qui est conférée aux organisations internationales et aux juridictions internationales.

    On dit de la compétence qu'elle est territoriale ou extraterritoriale selon que le sujet (l'État, le tribunal …) l'exerce dans les limites de son territoire ou de son ressort, selon le cas, ou hors ces limites. Elle est personnelle lorsque le sujet titulaire de la compétence applique son ordre juridique à une personne. En ce cas, on distingue la compétence personnelle active de la compétence personnelle passive selon qu'elle vise l'auteur des faits en cause ou la victime. Elle est réelle lorsqu'elle permet aux tribunaux d'un État d'incriminer et de juger des faits commis à l'étranger au préjudice de certains de ses intérêts. Cette compétence devient universelle lorsque les actes commis relèvent de crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, tels le terrorisme et le génocide.

    Ce sont les chefs de compétence qui permettent d'établir des distinctions en matière de compétence. S'agissant d'un État, le chef de compétence peut être l'autorité sur son territoire, l'autorité à l'égard de ses sujets et l'autorité à l'égard des pouvoirs publics.

    La compétence est discrétionnaire lorsque son titulaire l'exerce avec la faculté de se fonder sur des motifs abandonnés à son appréciation, tel le cas de la compétence souveraine du tribunal qui juge une affaire. On la qualifie d'exclusive lorsqu'elle relève de la seule autorité de son titulaire, lequel n'a pas à la partager avec quiconque. « La Cour jouit de la compétence exclusive de statuer en l'espèce. » L'exclusivité de la compétence d'une juridiction a trait aux affaires qui relèvent essentiellement de sa compétence en la matière. On dit alors que la compétence s'exerce dans la plénitude autorisée par le droit. Plénitude de la compétence.

    La compétence est nationale ou interne lorsque, s'agissant d'un État, celui-ci peut l'exercer sans aucune intervention extérieure. Les compétences concurrentes sont attribuées à plusieurs titulaires.

  6. La compétence s'applique aussi bien à une juridiction (à un tribunal judiciaire, quasi judiciaire ou administratif) qu'à une personne placée en situation d'autorité (un ministre, un officier public ou le président d'une commission habilitée à rendre des décisions) ou à une personne morale (une municipalité, un organisme ou un organe gouvernemental).

    Elle s'entend du droit que lui reconnaît la loi d'exercer un pouvoir (de statuer) ou d'accomplir un acte (ordonner une mesure). Le tribunal compétent (et non le [tribunal de juridiction compétente] : "court of competent jurisdiction") ou la juridiction compétente est légalement habilité à connaître de certaines matières. S'adresser, faire appel au tribunal compétent (pour qu'il statue sur une question). « Le recouvrement peut être poursuivi devant tout tribunal compétent. » « Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances. »

  7. Un tribunal administratif est un tribunal compétent lorsque sa loi habilitante lui donne compétence à l'égard des parties, de l'objet du litige et de la réparation sollicitée, par exemple en matière de relations de travail ou de discrimination fondée sur un motif quelconque.

    Il y a équivalence de sens entre les termes tribunal compétent (ou cour compétente) et juridiction compétente. « La dénonciation est déposée à (ou auprès de) la Cour supérieure compétente de la province. » (= qui est la juridiction compétente). Le tribunal de juridiction ou d'instance compétente est celui qui relève d'un ordre de juridiction qui a compétence pour juger certaines questions. Ainsi, la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick est le tribunal compétent au Nouveau-Brunswick pour instruire des causes dont l'appel a été interjeté en première instance. Du point de vue du degré de juridiction ou du degré de compétence, elle se trouve à l'échelon intermédiaire entre la Cour provinciale et la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick.

  8. La compétence arbitrale ou compétence des arbitres soulève la question de l'arbitrabilité des litiges. Dans le cas d'une instance arbitrale, les parties peuvent, comme objection préliminaire, demander à l'arbitre s'il peut légalement être saisi d'une cause, s'il peut en connaître, autrement dit, si la loi lui confère le pouvoir (la compétence) de juger le différend. Question préjudicielle en matière de compétence arbitrale. L'arbitre ne peut être saisi d'une cause que si la loi lui confère compétence de l'instruire. Des questions telles que l'état et la capacité des personnes, le divorce, les honoraires d'un avocat, les contestations intéressant l'ordre public sont hors de son champ de compétence, elles sont exorbitantes de son domaine de compétence.

    La juridiction arbitrale doit se prononcer sur sa propre investiture lorsque la contestation porte sur le principe de sa compétence juridictionnelle ou sur son étendue, sa portée. Portée de la compétence ratione materiae des arbitres. « En attribuant une compétence juridictionnelle aux arbitres, l'arbitrage conventionnel exclut la compétence habituelle de l'ordre judiciaire. »

    Au Canada, les conflits de travail représentent le domaine privilégié des tribunaux arbitraux. Au Nouveau-Brunswick, les arbitres ("adjudicators") rendent des sentences arbitrales sous le régime de la Loi sur les relations industrielles, laquelle leur attribue la compétence pour statuer sur des litiges ayant trait soit à diverses questions relatives aux conflits entre employeurs et employés ou entre employeurs et syndicats, soit à l'interprétation de dispositions de conventions collectives.

    Lorsque l'arbitre décide qu'il a compétence pour instruire une affaire, il a statué sur sa compétence à la demande des parties. S'il juge que l'affaire n'est pas de son ressort, il se désiste. S'il estime, enfin, que les parties risquent de ne pas s'entendre sur les modalités d'exécution de sa sentence, il énonce dans le dispositif de la sentence qu'il conserve sa compétence pour le cas où les parties jugeraient nécessaire de s'adresser à lui de nouveau pour qu'il tranche certaines questions demeurées irrésolues entre elles.

    Des règles particulières régissent la compétence des arbitres en droit international et les matières qui gouvernent leur compétence. L'arbitre international conserve une certaine autonomie dans l'appréciation de sa propre compétence.

  9. Au sens de pouvoir rendre justice et de devoir la rendre en statuant, le mot compétence tend à entrer en vive concurrence avec le mot juridiction, voire à le supplanter le plus souvent. On continue de dire, mais de moins en moins, que tel juge ou que tel tribunal a juridiction dans une certaine matière, préférant rendre la même idée par la locution verbale avoir compétence dans une matière. « En raison des dispositions de la Loi sur la concurrence et du Code criminel, telles qu'elles ont été interprétées et appliquées par la Cour suprême du Canada dans deux décisions récentes, la Cour d'appel fédérale n'a pas juridiction (= n'a pas compétence) pour vérifier le bien-fondé d'un jugement de révision d'une ordonnance prévoyant la délivrance d'un mandat de perquisition. » « Le rejet opposé par le juge à la demande de révision ne saurait être assimilé à un refus d'exercer sa juridiction (= d'exercer sa compétence) sous l'autorité de cette règle. » « En rendant cette décision, il a agi tout à fait dans le cadre de sa juridiction » (= dans le cadre de sa compétence).
  10. En plus de l'acception rendue en français par le mot compétence, le mot anglais "jurisdiction" s'entend aussi d'une entité géographique, territoriale ou politique, qui correspond en français, selon le contexte, à l'État, au territoire ou à l'autorité territoriale, mais non à la [juridiction], terme considéré en ce sens comme un anglicisme.

    On ne peut concevoir le Canada, la France, le Québec ou l'Union européenne comme étant des [juridictions], le mot étant réservé aux tribunaux. Cependant, il faut s'empresser d'ajouter que, en droit international public, l'emploi en ce sens du mot juridiction est très répandu. On considère, en effet, que ces autorités politiques ont le pouvoir, à l'instar des tribunaux, de statuer sur diverses questions par la voie de leurs organes parlementaires.

    Par conséquent, il n'est pas exact d'affirmer péremptoirement que le mot juridiction ne s'applique qu'aux tribunaux. Les assemblées législatives, nationales ou autres, et les parlements sont investis d'attributions judiciaires qui font de ces autorités dans des cas particuliers des juridictions, notamment quand ils doivent enquêter sur des incidents survenus dans leur enceinte et réprimer sommairement des faits tels les voies de fait, insultes ou diffamations à l'endroit de députés au cours d'une séance, la subornation de témoins devant déposer devant eux ou devant l'un de leurs comités, la production de preuves contrefaites, et ainsi de suite.

    Ainsi usera-t-on de circonspection dans l'emploi des mots compétence et juridiction. Au Canada, pour désigner une province, un territoire, le gouvernement fédéral ou une municipalité, on ne dira pas [juridiction] ni [ressort], ce dernier terme désignant le territoire de compétence d'un tribunal, mais, selon les contextes, compétence ou autorité législative, compétence territoriale, territoire de compétence ou autorité compétente. « Le régime cadastral Torrens est en vigueur dans les juridictions suivantes » (puis suit la liste des provinces et des territoires au Canada qui ont adopté ce régime). Dans cet exemple, il eût fallu dire : les territoires de compétence, les compétences législatives, l'emploi du mot territoire ou de son dérivé adjectival territorial ne risquant pas dans ce contexte de créer une ambiguïté du fait que le Canada est formé de provinces et de territoires.

    En outre, ces autorités législatives n'ont pas [juridiction] dans certains domaines, mais elles sont investies d'une compétence d'origine constitutionnelle. Une matière ne peut être [de] ou [sous juridiction] fédérale, provinciale ou territoriale, une société d'État, un aéroport ou une activité non plus. Dans un système fédéraliste, le développement économique n'est pas une [juridiction] partagée, mais un domaine, un secteur de compétence commune, conjointe ou concurrente.

  11. Dans la fonction qu'il occupe et qui est définie par son acte de nomination, lequel renvoie au statut de la magistrature, le juge exerce dans le cadre de sa charge judiciaire un pouvoir circonscrit par la loi et par les règles de procédure : c'est sa compétence.

    Préalablement à tout débat, tel qu'il a été mentionné précédemment, le juge saisi doit se demander si, du fait du domicile des parties, de la nature de l'affaire et d'autres considérations, il a compétence pour instruire l'affaire et si l'objet porté devant lui est de ceux à la solution duquel la loi lui donne la compétence de rendre une décision.

    Si tel n'est pas le cas, l'une ou l'autre des parties pourra exciper 1 et 2 de son incompétence ou, pour le dire autrement, soulever son incompétence, son défaut de compétence. Les parties pourront refuser de reconnaître la compétence du juge : elles la contesteront, la déclineront en invoquant le moyen déclinatoire de compétence. Ne croyant pas que sa compétence est fondée, elles exciperont de son incompétence.

    En pareil cas, de même qu'une partie par le ministère de son avocat décline la compétence du juge saisi, de même que l'adversaire qui soutient que la demande n'est pas régulière soulève une exception d'incompétence, de même le juge lui-même, ayant considéré la question de sa compétence, peut décliner sa compétence, soit reconnaître qu'elle n'est pas fondée et refuser de l'exercer.

    Dans l'hypothèse où la règle définissant son pouvoir relève de l'ordre public, le juge doit déclarer d'office son incompétence. Si elle ne se trouve pas en jeu, les parties auront la faculté de proroger la compétence du tribunal. La prorogation de compétence leur permet d'étendre la compétence du tribunal à une matière dont il n'a pas généralement à connaître. « Au civil, la prorogation de compétence suppose toujours la volonté concordante des parties, mais est subordonnée à certaines règles et à certains cas précis. » Prorogation légale de compétence (en droit pénal français).

    Par ailleurs, si le juge doit examiner des questions dont il n'est pas saisi ou traiter de questions exorbitantes de sa compétence, on dit qu'il atteint sa compétence, au sens où atteindre sa compétence signifie la perdre. Il sort de sa compétence, il se trouve hors de sa compétence (dans le cas contraire, il serait dans sa compétence), il excède, il outrepasse (les limites) de sa compétence s'il procède malgré tout et erronément à l'instruction de l'affaire.

    Son excès de compétence constitue une erreur liée à son incompétence, c'est-à-dire non pas à son [manque] ou à son [défaut de compétence], mais plutôt à son inaptitude à accomplir un acte juridique parce qu'il méconnaît les règles de sa compétence. Son incompétence étant soulevée par les parties, elle est relevée d'office. C'est dans ce contexte qu'on appelle exception d'incompétence le moyen de défense que les parties peuvent invoquer comme question préjudicielle, avant toute défense au fond. Le juge dont l'incompétence est prétendue 1 et 2 (et non [présumée]) doit se prononcer sur cette exception avant de pouvoir statuer (s'il a compétence) sur le fond du litige.

    Élargir la compétence signifie interpréter la compétence dont on se croit investi. « C'est le fait d'un bon juge d'élargir sa compétence », suivant la maxime latine Boni judicis est ampliare juridictionem.

    Au lieu d'attendre que les parties soulèvent l'exception d'incompétence et lui demandent de se désister, le juge qui a à cœur l'intérêt des parties et qui se soumet sans réserve aux exigences de sa charge élargit sa compétence en l'interprétant de façon extensive. Par exemple, avant même d'accepter la saisine, il se demandera si la compétence de la juridiction dans laquelle il siège (juridiction de première instance, juridiction contentieuse, juridiction d'appel) existe depuis qu'elle lui a été conférée et peut être exercée, autrement dit si sa compétence est ab initio (littéralement, si elle existe depuis le début). Il risque d'atteindre sa compétence s'il décide de tenir l'audience, de présider l'instance, d'être saisi, alors qu'il n'a pas compétence en l'espèce, qu'il est incompétent. « Le juge a perdu sa compétence en tenant l'audience de la façon qu'il l'a fait. » En ce cas, on pourra lui retirer sa compétence.

  12. Si, dans son emploi juridictionnel, la compétence est l'aptitude à être saisi d'un litige, à l'instruire et à le juger, l'incompétence se définit comme l'inaptitude du tribunal à examiner une question, à en être saisi, à en connaître.

    Pour le sujet de droit, la distinction est la même : elle est du même ordre. La compétence est l'aptitude à accomplir des actes juridiques et l'incompétence, l'inaptitude à cet égard.

    S'agissant d'une juridiction, l'incompétence la rend inapte à exercer sa vocation, à dire le droit. Normalement, étant saisie d'une question, elle aura elle-même à s'en dessaisir, sur constatation de son incompétence (et non de son [manque de compétence]). Elle déclinera sa compétence, excipant de son incompétence.

    Il ne faut pas hésiter, dès lors, à user de formules comme : le tribunal s'est dit incompétent, a jugé qu'il était incompétent. Dans le langage du droit et en contexte, il n'existe aucun risque de confondre cette acception avec celle de la langue courante, qui conçoit l'incompétence comme le manque de connaissances ou d'habiletés dans une matière.

  13. Dans le droit des contrats en régime de common law, une règle prévoit que les parties peuvent, par l'insertion dans leur contrat d'une clause compromissoire, renoncer à s'en remettre à la compétence du juge et décider que tout différend survenu entre elles serait jugé par voie d'arbitrage. Si la saisine du juge est obligatoire en vertu des lois et des règlements, le juge ne pourra se dessaisir; dans le cas contraire, il remettra la compétence à l'arbitre. Les parties auront alors invoqué une clause attributive de compétence, une clause attribuant compétence, pour confier la saisine à un tribunal d'arbitrage.

COMPTER/DATER/PARTIR

  1. Le verbe dater s'emploie transitivement au sens de mettre, d'apposer une date sur un acte, un écrit, une pièce, de les revêtir d'une date. Dater un contrat, un acte sous seing privé, une déclaration, un testament. « L'acte de cession est daté du 8 décembre dernier. »
  2. Il convient de noter l'emploi de la locution à dater de, laquelle renvoie à un jour ou à un mois en particulier et s'avère d'un usage beaucoup plus restreint que les locutions à partir de et à compter de, qui s'accommodent de n'importe quel moment. « À dater du 1er juillet prochain, les droits s'élèveront à 20 $. » À dater du jour où survient le droit à faire valoir par une action en justice. « Le délai d'appel est de un mois à compter du prononcé de la décision. » « À partir de maintenant, il est interdit de fumer dans l'établissement. »
  3. La tournure à compter de (…) et se poursuivant par la suite est pléonastique : à compter de suffit. Prendre effet, produire tous ses effets à compter de telle date.
  4. La locution à compter de marque le début d'une durée  : pour cette raison, elle s'emploie avec des verbes qui marquent l'idée d'un progrès dans le temps. « L'ordonnance de la Cour prend effet à compter du moment où elle est rendue. » « Le délai court à compter de la date de réception de la signification. »

    Il faut l'éviter dans le cas où le verbe marque une action qui se produit à une date déterminée : une loi, par exemple, n'entre pas en vigueur [à compter d']une date en particulier, mais à la date marquant le début de son application dans le temps. « La présente loi entre en vigueur à la date fixée par proclamation. » (et non [à compter de] la date de sa proclamation). Toutefois, on peut dire : « Le contrat a force obligatoire à compter de la date de sa passation. »

  5. À la fin d'un acte, on appose la mention Fait (et non [Daté]) suivie du nom du lieu où a été passé l'acte et de l'année. Fait reste au masculin, même si l'appellation de l'acte est du genre féminin. « Fait (ou FAIT) à Moncton, le 15 octobre 2012. »

CONSIGNATAIRE/CONSIGNATEUR, CONSIGNATRICE/CONSIGNATION/CONSIGNER

  1. Dans le droit des biens et en droit commercial, la consignation est une sorte de dépôt (se reporter au point 2). Dans l'opération de consignation, le consignateur, la consignatrice agit comme le ferait le déposant ou l'expéditeur : il confie à une autre personne, le ou la consignataire agissant à la manière d'un dépositaire (ou d'un commissionnaire, en droit français), des marchandises, cargaisons ou objets de toutes sortes (les marchandises en consignation). Le consignateur en demeure propriétaire jusqu'à ce que le ou la consignataire les ait vendus à son nom ou pour son compte (vente en et non [de] consignation) contre rémunération convenue calculée sur le produit de la vente et dans le respect des conditions dont tous deux conviendront dans une convention, une entente ou un contrat de consignation. Demande, mesure de consignation. Procès-verbal de la consignation. Consignation assortie d'une échéance. Effectuer, opérer une consignation. Y avoir consignation. Recevoir en consignation. Retirer une consignation. Le débiteur ne peut retirer sa consignation au préjudice de ses codébiteurs ou de ses cautions. »

    Conformément aux stipulations convenues, il reste entendu que le consignateur demeurera propriétaire des marchandises remises ou reçues, selon le point de vue, en consignation tant que la vente n'aura pas eu lieu. Compte rendu des opérations de consignation. Rapport sur les ventes en consignation. Validité de la consignation. Consignation déclarée bonne et valable.

  2. Il ne faut pas confondre la consignation et le dépôt. Dans cette dernière opération, le déposant, propriétaire des biens, confie à la garde du tiers dépositaire ses biens, ce dernier s'engageant à les lui remettre (il ne les vendra pas, comme dans l'opération de consignation) au moment où le déposant les réclamera.
  3. Il ne faut pas confondre non plus la consignation et le cautionnement ou dépôt de garantie par lequel des fonds ou des titres sont remis à un tiers comme caution versée en garantie de l'exécution d'un contrat ou d'une obligation, ce dernier ne les lui retournant qu'au moment de la réalisation d'une condition stipulée dans une convention de cautionnement.
  4. Il faut savoir distinguer aussi la consignation des opérations que constituent en régime de common law le baillement et l'entiercement. Dans le droit du transport terrestre, aérien ou maritime, l'expédition doit être distinguée de la consignation.
  5. En droit judiciaire, la consignation est une opération ordonnée par le tribunal (ordonnance de consignation) par laquelle une somme d'argent ou une valeur mobilière est déposée ou consignée au greffe de ce tribunal par un débiteur,généralement, en garantie d'un engagement de payer ou à titre conservatoire. À la consignation volontaire, qui s'opère par la seule volonté d'un débiteur, on oppose la consignation forcée, ordonnée par le tribunal ou prescrite par la loi. Faire une consignation. Consignation régulière.

    La consignation de sommes au tribunal, appelée aussi consignation judiciaire, a lieu dans des cas, notamment, de créances impayées, de provision à valoir sur la rémunération de l'expert et de dépôt de garantie permettant d'obtenir le paiement d'une obligation du débiteur ou la mainlevée d'une mesure de saisie. Le greffier peut être appelé en ces cas à consigner les jugements rendus à la demande de la partie lésée. Procédure de consignation. « Le demandeur peut demander la consignation par le greffier d'un jugement contre le défendeur constaté en défaut. » « Une fois que le débiteur défendeur a été constaté en défaut, le créancier demandeur peut requérir le greffier d'effectuer la consignation d'un jugement de forclusion immédiate. » Consignation d'amende.

  6. Le verbe consigner se prend en deux acceptions. Dans la première, il désigne l'acte consistant à opérer une consignation entendue au sens exposé ci-dessus. Consigner une somme au tribunal. « L'ordonnance concernait une caution de dix mille dollars qui avait été consignée à la Cour. » Plus précisément, le débiteur ne consigne pas une somme à la Cour proprement dite, mais au greffe de la Cour. Consigner une provision pour frais. Somme consignée en excédent. Fonds consignés entre les mains du greffier.

    Dans la seconde, il désigne l'acte consistant à noter, à mentionner, à enregistrer, à constater, à rapporter par écrit des faits, des observations, des déclarations dans un acte ou dans un document officiel. En ce sens, [consigner par écrit] est tautologique et constitue un pléonasme vicieux. « Les constatations sont consignées par écrit, à moins que le juge n'en décide la présentation orale. » (= sont consignées ou sont consignées au procès-verbal).

    Il faut éviter de caractériser ainsi l'acte de consignation en précisant le mode de consignation (par écrit ou autrement), même dans un contexte où la constatation ou le rapport se fait par voie électronique.

    Consigner au ou dans un registre, dans un testament, dans un ou au procès-verbal, sur une pièce, sur une fiche, dans un fichier, au cadastre. « Le juge a fait consigner aux notes d'audience les dires précis du témoin. » Faire consigner des déclarations, des observations. Consigner un verdict de culpabilité.

  7. Il convient de rapprocher les verbes consigner et constater, ce dernier désignant, dans un sens large, l'acte consistant à procéder à une constatation et, dans un sens étroit, celui consistant à dresser un constat.

DÉCIDEUR/DÉCIDEUSE/DÉCISIONNAIRE

Les mots décideur, décideuse et décisionnaire sont des substantifs et des adjectifs. Leur acception est la même quand ils servent d'adjectifs, aussi n'y a-t-il lieu que de souligner la nuance sémantique qui les distingue comme substantifs.

L'emploi de décideur, décideuse et de décisionnaire est constaté dans des contextes généralement similaires relevant du droit administratif et de l'arbitrage 1. Comme le décideur, la décideuse, le ou la décisionnaire est une personne physique ou morale ou un groupe dont la fonction consiste à prendre des décisions sur les activités qui relèvent de sa charge. Ces personnes sont appelées à établir des politiques ou à fixer des orientations générales.

Il importe de noter, cependant, que l'on tend à réserver l'emploi du mot décideur ou décideuse à la personne qui prend des décisions en toutes matières et du mot décisionnaire à l'organisme (l'organisme décisionnaire, le décisionnaire) ou au groupe qui prend des décisions de nature politique et administrative. Par exemple, le décisionnaire fédéral est l'autorité fédérale qui délivre les autorisations nécessaires à la réalisation d'un projet ou l'autorité qui est chargée de la gestion d'une exploitation quelconque ou qui en est le promoteur. Ce pourra être le ministre ou son représentant. « Le comité de direction notifie au ministre de l'Environnement toute proposition qui lui est soumise visant un projet de développement qui relève d'un décisionnaire fédéral. » Décisionnaires d'un projet de développement.

Souvent, dans le cadre de l'élaboration ou de la formation des décisions ou du processus décisionnel, on constate, au regard des occurrences retenues, que la prise de décision qui constitue une étape dans la décision définitive revient au décisionnaire et que le décideur ou la décideuse sera alors la personne dont la décision est insusceptible de modification ou d'appel. Pour cette raison, on appellera, par exemple, décideur le législateur lui-même (et non [décisionnaire]). L'organisme décisionnaire s'appelle aussi, dans une terminologie plus traditionnelle, l'organisme décisionnel (ou l'organisme de décision). Puisque son rôle est de préparer les décisions qui seront prises, on préférera l'appeler décisionnaire plutôt que décideur : on le conçoit beaucoup plus comme un soutien au processus décisionnel ou un intervenant dans la structure de prise de décision.

Au sein des organismes privés, l'agent décideur aura le dernier mot dans la décision prise. Ce qui n'est pas le cas de l'arbitre qui préside un tribunal administratif, lequel s'appelle lui aussi agent décideur. « Il s'agit d'une demande d'autorisation formée à l'encontre de la décision de l'agent décideur de ne pas faire droit à la demande dont il était saisi. »

DÉFINITIF, IVE/DÉFINITIVEMENT/FINAL, ALE/INTERLOCUTOIRE/SOUVERAIN, AINE 2/SOUVERAINEMENT 2

  1. Il ne faut pas confondre les adjectifs définitif et final : le premier signifie qui s'effectue de telle sorte à ne plus avoir à y revenir, qui se fait une fois pour toutes, tandis que le second se dit de ce qui met fin à ce qui a été commencé, souvent dans une série d'étapes, ou de ce qui se trouve à la fin, en dernier; par exemple, le rapport définitif est celui qui met fin à la mission confiée à l'expert, tandis que le rapport final est le dernier rapport, celui qui suit le rapport préliminaire ou le rapport provisoire.

    La confusion s'explique par le fait que les deux termes, qui ne sont pas proches par le sens, sont toutefois formés sur le même mot : fin. En contexte de traduction, le mot anglais "final" se rend souvent par définitif, mais, dans bien des cas, il invite à la solution facile et erronée du sosie.

    L'acte juridique qualifié de définitif est établi, fixé et réglé une fois pour toutes, irrémédiablement (et non irrévocablement); s'agissant par ailleurs d'un accord final, on comprend qu'étant le dernier il complète et achève l'accord préliminaire, celui qui est intervenu en premier lieu. Par conséquent, on ne peut qualifier un règlement conclu entre les parties de [final]; il faut dire définitif puisque les parties se sont mises d'accord sur les termes du règlement de manière à considérer qu'il ne sera plus nécessaire d'en discuter la teneur ni les modalités ou les conditions, sauf à y apporter plus tard, si besoin est, les modifications jugées nécessaires.

  2. Un jugement est dit définitif (on parle du caractère définitif d'un jugement) quand il a pour effet de terminer la contestation, quand il la tranche de telle sorte que le juge étant dessaisi de ce fait n'aura plus à revenir sur le point qu'il a réglé et qui portait sur l'objet même de la demande. « Par le prononcé du jugement définitif, le tribunal se trouve dessaisi et sa juridiction est épuisée. » En ce sens, le jugement définitif est encore appelé jugement sur le fond (il statue sur le fond du litige). Au Canada, on l'appelle aussi jugement au mérite (la demande présentée étant jugée au mérite, c'est-à-dire au fond ou sur son bien-fondé).

    Que le juge ait statué sur le fond du droit ou sur un incident 2 de procédure, qu'il ait décidé une question de compétence, il reste que le jugement est définitif parce qu'il met fin à l'instance. Revêtu de ce caractère, on dit qu'il a l'autorité de la chose jugée; il acquiert force de chose jugée quand il est insusceptible d'appel ou d'opposition. Par exemple, le jugement contentieux est investi d'un caractère définitif et de l'autorité de la chose jugée entre les parties. Il est irrévocable quand il ne peut plus être attaqué, toutes les voies extraordinaires de recours ayant été épuisées ou leurs délais impartis ayant expiré. Ainsi, ce n'est pas nécessairement parce qu'un jugement est dit définitif qu'on se trouve fondé à le qualifier d'irrévocable.

  3. On oppose au jugement définitif (et non [final]) le jugement préparatoire qui ordonne une mesure d'instruction sans préjuger le fond et qui est susceptible d'être rétracté ainsi que le jugement provisoire par lequel une mesure pendante ou d'attente est prise au cours de l'instance et qui ne dure qu'autant que n'ont pas changé les circonstances l'ayant motivé. On eût dit final, si le jugement dont s'agit fût le dernier d'une série de jugements découlant d'une même affaire, ce qui n'est pas le cas ici.

    Le jugement rendu en cours d'instance est qualifié d'interlocutoire pour cette raison, le préfixe inter marquant l'idée de ce qui survient entre le début et la fin de l'instance.

  4. Au Canada, le jugement définitif est parfois appelé jugement final quand il convient de mettre en évidence le fait qu'il marque la fin de l'instance et qu'il est le dernier à être rendu par rapport au jugement de première instance. Dans l'exemple qui suit tiré de la Loi sur la Cour suprême du Canada, les adjectifs final et définitif sont correctement employés et illustrent on ne peut mieux la distinction qu'il convient d'établir entre eux. Toutefois, la disposition comporte une tautologie. « La Cour suprême possède, détient et exerce, à titre exclusif, la juridiction finale d'appel en matière civile et criminelle à l'intérieur du Canada et pour le Canada, et le jugement de la Cour est, dans tous les cas, définitif et péremptoire. »

    En dépit du style douteux causé par le souci de l'équivalence parfaite avec la version anglaise de la disposition, le texte use correctement de l'adjectif finale, puisque la Cour suprême est la dernière juridiction après la Cour d'appel, et l'adjectif définitif, puisque l'arrêt de la Cour est insusceptible d'appel.

    En revanche, c'est commettre un truisme que de dire que le jugement définitif est aussi [péremptoire]; plutôt que d'ajouter l'idée du caractère définitif de la décision rendue, péremptoire ne dit rien de plus que ce que signifie l'adjectif définitif : le jugement définitif étant un jugement sur le fond (la Cour suprême ne statuant pas sur les faits mais sur le droit), il est péremptoire de ce fait.

    Dans une perspective complémentaire, il est bon d'ajouter que le législateur canadien définit le jugement définitif comme s'entendant de « tout jugement, règle, ordonnance ou décision qui détermine en totalité ou en partie un droit absolu d'une des parties en cause dans une procédure judiciaire. »

  5. En droit canadien, on oppose les adjectifs définitif et interlocutoire quand il s'agit de déterminer si des décisions rendues par le tribunal durant l'instance sont définitives ou interlocutoires afin de savoir si elles sont susceptibles d'appel. La jurisprudence a établi, non sans de longues tergiversations, que seules les décisions définitives, c'est-à-dire celles qui statuent sur les droits contestés des parties ou celles qui tranchent la question principale objet du litige, sont susceptibles d'appel, et que les décisions interlocutoires, c'est- à-dire celles qui sont rendues en cours d'instance et qui ne portent pas sur l'objet principal du litige, mais qui sont soulevées à titre subsidiaire (et non [dans l'alternative]), ne peuvent être portées en appel.

    Ces questions se posent notamment en matière de recevabilité d'un appel interjeté à l'encontre de décisions rendues dans le cadre d'une instance judiciaire. Par exemple, les décisions rendues au procès concernant l'admissibilité de la preuve ou d'un certain témoignage sont insusceptibles d'appel, comme le sont les décisions relatives aux dates d'audience, les décisions sur des requêtes en ajournement, les décisions concernant l'ordre d'audition des parties, les décisions rendues sur des objections à des questions posées à l'interrogatoire ou au contre-interrogatoire et les décisions concernant l'autorisation sollicitée de présenter une argumentation écrite ou orale.

    Si une décision tranchant des questions de preuve est incorporée dans le jugement définitif, les parties pourront la contester par appel de ce jugement, la décision pouvant constituer un moyen d'appel invoqué pour que soit annulé le jugement définitif.

    De là la réticence des tribunaux à instruire des appels interlocutoires : les procès deviendraient incohérents et traîneraient en longueur, si les parties étaient en droit de former des appels interlocutoires concernant la grande diversité de décisions qui sont inévitablement rendues dans le cadre d'un procès. « Le résultat de la requête interlocutoire aura pour effet de disposer de l'action à titre définitif. »

    Ainsi oppose-t-on les décisions définitives aux décisions interlocutoires. « La question de savoir si une ordonnance ou une décision est interlocutoire ou définitive doit être tranchée en considérant l'ordonnance ou la décision même : si la nature de l'ordonnance ou de la décision rendue établit définitivement les droits des parties ou en décide de façon substantielle, elle doit être considérée comme définitive. Sinon ou si le fond de la cause reste à déterminer, il s'agit d'une ordonnance ou d'une décision interlocutoire. »

    Une décision est définitive quand elle statue sur le bien-fondé d'un appel. Dès qu'elle a, acquiert, présente, revêt un caractère définitif, elle devient exécutoire. « L'intérêt public consiste à assurer le caractère définitif des litiges. » Principe du caractère définitif des décisions, des instances, des jugements, des litiges.

  6. Dans le droit des contrats en régime de common law, le contrat solennel ("formal contract"), distinct du contrat formaliste ("specialty contract"), est un contrat définitif (l'offre ou la promesse ayant été acceptée) régulièrement établi dont les parties sont convenues de tous les éléments liés à sa formation en bonne et due forme.
  7. En droit administratif, la sentence arbitrale est qualifiée de finale pour marquer le fait qu'elle est rendue en dernier ressort. Une mesure administrative prise par les hauts fonctionnaires d'un ministère revêt un caractère définitif dès qu'elle est entérinée par le ministre responsable.
  8. Dans le droit de la faillite, le dessaisissement des éléments d'actif, au profit du syndic, des successions et des donations peut être partiel ou relatif, mais il peut être aussi actuel et définitif, et, en ce dernier cas, il devient irrévocable de par son caractère définitif.
  9. Définitif se dit aussi par opposition à provisoire (brevet provisoire) ou définitif, partage provisionnel et partiel ou définitif de l'héritage, réexamen provisoire et réexamen définitif, résultats provisoires ou définitifs des élections, mise sous scellés provisoires ou définitifs de l'inventaire, arrêt provisoire des débats (les clôturer, c'est-à-dire les suspendre temporairement) ou arrêt définitif (les clore), règlement provisoire ou définitif d'un contrat, d'un différend, d'une transaction, d'une affaire.

    Définitif s'oppose également à conditionnel (jugement conditionnel ou définitif de divorce, divorce conditionnel, divorce définitif) ou, dans la procédure pénale française, à introductif d'instance, s'agissant du réquisitoire que prononce le procureur de la République : réquisitoire définitif.

  10. L'arrêté ministériel est une décision à portée générale ou individuelle que prend un ministre. On dit qu'il est définitif (et non [final]) pour souligner le fait qu'il est insusceptible d'appel.
  11. S'il s'agit de marquer le fait que le président d'un organisme ou que le juge saisi se prononce sur une affaire qu'il a instruite, on dit ou bien qu'il se prononce définitivement ou à titre définitif sur l'affaire ou sur une question soumise à son examen, les deux tours étant tout à fait corrects, ou bien qu'il se prononce souverainement, l'adjectif souverain, en ce sens, signifiant qui juge sans possibilité d'appel, qui échappe au contrôle d'un organe supérieur. Pouvoir souverain d'appréciation. Droit souverain. « Le président se prononcera souverainement sur la question de compétence. » Définitivement acquis, acquitté, adopté, déclaré coupable et puni, établi, levé, réglé. Apprécier, arrêter, compromettre, conclure, confirmer, consacrer, décider, disposer, éliminer, établir, fixer, juger, rejeter, réfuter, renoncer, répondre, résoudre, statuer, trancher définitivement, souverainement.

    La décision du juge souverain est sans appel et ne peut être soumise à la révision ou au contrôle judiciaire. Une assemblée (législative, nationale) est souveraine dans la mesure où elle n'est subordonnée à quiconque dans l'exercice de ses pouvoirs et de ses activités.

  12. L'adverbe définitivement veut dire pour toujours. L'employer au sens de absolument, assurément, certainement, évidemment, exactement, immanquablement, inévitablement, précisément, sûrement ou vraiment est commettre un anglicisme. « La Cour ne peut donner suite à cet argument car le tribunal est définitivement mieux placé pour statuer sur des questions de fait. » (= assurément) « Il serait définitivement trop tard si le défendeur voulait changer d'avis à ce moment-ci. » (= certainement) « Ce n'est là définitivement ni le sens ni la portée de la condition. » (= sûrement) « La question de savoir qui, de la Cour fédérale ou de l'arbitre des griefs, a compétence, n'est pas définitivement résolue. » (= précisément) « Son statut fait définitivement de lui une partie intéressée. » (= inévitablement)

DÉFINITIONNEL, ELLE/DÉFINITOIRE

  1. Dans l'usage courant, l'état actuel de l'évolution de la langue place les néologismes définitionnel et définitoire en concurrence directe lorsqu'ils signifient ce qui constitue une définition, ce qui sert à définir.

    Il faut s'empresser d'ajouter que, au seul titre des occurrences, définitoire l'emporte aisément sur définitionnel.

    L'usage n'étant pas définitivement fixé, il est impératif de les distinguer dans un second sens. Tandis que définitoire tend à privilégier l'acception de ce qui donne ou formule ou sert à donner ou à formuler la définition d'un mot (par exemple, le dictionnaire se présente toujours sous une forme définitoire), définitionnel préfère quant à lui se cantonner généralement dans l'acception différente de ce qui concerne la définition, ce qui s'y rapporte (phrase, structure définitionnelle).

    Ainsi, l'expression énoncé définitoire n'évoque aucunement l'idée que transmet l'expression énoncé définitionnel. La première a pour objet de proposer une définition, alors que l'énoncé définitionnel s'entend de ce qui relève, par l'expression, l'aspect ou la tournure, du domaine de la définition. Pour cette raison, le mot ordre, par exemple, entendu comme d'une espèce, d'un domaine particulier au sens abstrait, ne pourra être qualifié, par pure logique et si tel demeure le cas dans l'évolution terminologique, que par l'adjectif définitionnel, à l'exclusion de définitoire. Aussi ne peut-on parler que d'ambiguïtés d'ordre définitionnel et non d'ordre [définitoire].

  2. Dans le langage du droit, l'adjectif définitoire a vite occupé presque à lui seul tout le terrain ouvert. Le suffixe en -oire, qui sert à marquer un objectif, à viser une fin à réaliser, plus évocateur et plus répandu dans le vocabulaire juridique que le suffixe en -el, qui ne porte pas en lui la même force créatrice, offre à définitoire l'occasion de s'imposer à l'esprit dans l'expression de l'activité propre au droit. Citation, contexte, exemple définitoire.

    Les textes, surtout les lois, les règlements, les actes, les conventions et les traités, notamment, comportent des sections entières consacrées aux dispositions définitoires. Celles-ci ont pour objet de définir juridiquement les termes employés dans ces documents.

    Deux règles, parmi de nombreuses autres, régissent la rédaction des définitions. La première veut que, dans le document entier, partout où le terme défini apparaîtra, il conservera le sens donné dans l'article définitoire et ne pourra être employé dans un autre sens. La deuxième vise à éviter le recours aux définitions circulaires et au mot défini dans la disposition définitoire. « Je dois souscrire à l'avis exprimé par le premier juge : il est pour le moins maladroit d'employer dans une disposition définitoire le mot qui y est défini. »

    Voici un exemple de procédé définitoire critiquable puisqu'il mène tout droit à la tautologie : « 'substance nocive' Toute substance qui, si elle était ajoutée à une eau, la dégraderait de façon à la rendre nocive pour le poisson. »

  3. Les dispositions définitoires sont généralement coiffées du titre ou de la rubrique Définitions dans le cas où la disposition unique ne prévoit que des définitions. Il faut y ajouter le mot interprétation lorsque la disposition est suivie d'une ou de plusieurs dispositions interprétatives, dites aussi dispositions d'interprétation. « Les dispositions définitoires ou interprétatives d'un texte n'ont d'application qu'à défaut d'indication contraire et s'appliquent, sauf indication contraire, aux autres textes portant sur un domaine identique. »

    La formulation de la phrase introductive de la disposition définitoire varie, la plus fréquente dans les textes canadiens étant celle-ci : « Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi. » (au présent règlement, à la présente convention, au présent traité, au présent acte).

    DÉFINITIONS ET INTERPRÉTATION

    Définitions

    2(1) Sauf indication contraire du contexte, les définitions qui suivent s'appliquent aux présentes règles.

    « action » Instance introduite au moyen d'un exposé de la demande. « avocat » Avocat plaidant ou procureur.

    Interprétation
    2(2) En cas d'incompatibilité, les dispositions de la règle 20 l'emportent sur toute autre disposition des présentes règles.

  4. On appelle périphrase définitoire la séquence de mots servant de développement explicatif du contenu notionnel du terme défini. « 'céans' S'entend du lieu où l'on se trouve. » Cette séquence est censée contenir la même information que l'unité de signification que comporte le mot défini, ce qui est le cas dans cet exemple.
  5. Dans les études de légistique, la technique définitoire renvoie aux règles qui gouvernent la portée et l'emploi d'expressions et de formulations usuelles en matière de rédaction législative.
  6. Dans l'ordre administratif, l'arrêté ou le décret définitoire, tout comme le bulletin définitoire (ou d'interprétation), a pour but de circonscrire le plus étroitement possible le sens à donner à certains mots et à certaines locutions employés dans les textes de loi.

DÉPENS

  1. Le substantif dépens n'a pas de singulier. Issu du latin dispensum, il signifie littéralement dépensé. Aucuns dépens. Sous peine de tous dépens. Les entiers dépens. La masse des dépens. « Le procès ne m'a occasionné aucuns dépens. » « Le preneur d'un bien rural est tenu, sous peine de tous dépens, dommages et intérêts, d'avertir le propriétaire des usurpations qui peuvent être commises sur les fonds. »

    Dépens ne s'écrit jamais avec la lettre d à l'avant-dernière lettre.

    On évitera de qualifier les dépens d'[onéreux]; ce qualificatif s'entend de ce qui occasionne des frais et, par définition, les dépens sont des frais occasionnés par un procès. Ils sont plutôt élevés, coûteux, ruineux.

    Le mot dépens renvoie à la partie des dépenses légales qu'entraîne un procès. Ce sont des frais de justice ou des frais judiciaires.

  2. Il faut se garder de confondre les débours et les dépens. On appelle débours (ou déboursés dans la langue usuelle) les frais que l'avocat de la partie qui a gain de cause a engagés ou exposés (et non [encourus] ni [assumés]). On dit débours parce que ce sont des frais que l'avocat a avancés et qu'il entend bien récupérer ou recouvrer quand l'action en justice sera terminée. Les débours font partie des dépens.
  3. Les dépens, qui sont comme tous les frais irrépétibles des frais de justice, comprennent, outre les débours, les honoraires judiciaires, lesquels sont des frais obligatoires. On dit judiciaires parce qu'ils sont prévus, au Canada, au tarif figurant dans les Règles de procédure. Ils seront calculés, fixés, déterminés, évalués en fonction d'un montant clé.

    Il ne faut pas confondre les dépens avec les frais extrajudiciaires, soit les honoraires ou les frais que l'avocat peut réclamer pour ses services professionnels ou en sus des frais judiciaires et qui découlent de l'exercice de sa profession.

  4. Les dépens étant des frais, on évitera d'user de la formule redondante [frais et dépens], lui préférant celle, plus logique, des dépens et autres frais.
  5. La défaite en justice entraîne des conséquences sur les dépens. Un des principes maîtres qui régissent le droit procédural en la matière établit que l'adjudication des dépens représente un compromis entre l'indemnisation de la partie gagnante et l'application d'une charge non excessive à l'endroit de la partie perdante.

    En ce sens, on dit que les dépens constituent le sort de la succombance, la condamnation aux dépens étant une conséquence de la défaite.

  6. Les dépens sont alloués, accordés, attribués au plaideur victorieux et il appartient au plaideur succombant de les payer, de les supporter, de les mettre à sa charge. Étant une charge financière, on dit de la charge des dépens qu'elle est supportée par le perdant (et non [assumée]). « En raison de sa succombance, l'appelante supportera la charge des entiers dépens. » L'expression entiers dépens signifie l'intégralité des dépens, leur montant entier. Mitiger, compenser les dépens. « La partie succombante supporte les dépens, à moins que, par décision motivée, le tribunal ne les mitige, ne les compense ou n'en ordonne autrement. » « Chacune des parties les supporte par moitié quand toutes deux ont succombé sur quelques chefs. »
  7. Il faut se garder de confondre la mitigation des dépens et la compensation des dépens. La première, abandonnée à l'appréciation souveraine du tribunal, est un mécanisme qui permet d'atténuer le montant élevé des dépens dans des circonstances qui s'y prêtent. « Le tribunal peut, par décision motivée, mitiger les dépens relatifs aux expertises faites à l'initiative des parties, notamment lorsqu'il estime que l'expertise était inutile, que les frais sont déraisonnables ou qu'un seul expert aurait suffi. » Le tribunal se charge de la compensation des dépens, c'est-à-dire de leur répartition, de leur partage, si les parties à l'instance succombent respectivement sur certains chefs. Compensation totale (ou simple), compensation proportionnelle (ou partielle) des dépens.
  8. Le juge qui déclare qu'il fait masse des dépens ou qui emploie la tournure impersonnelle il est fait masse des dépens entend que tous les dépens, les entiers dépens sont réunis en une seule masse qui est attribuée ou adjugée au gagnant et que le perdant devra supporter.

    Il convient de remarquer que le juge n'emploie pas le futur en ce cas; il n'écrit pas que le tribunal [dit] qu'il [sera] fait masse des dépens; il déclare, en statuant sur les dépens, qu'il est fait masse des dépens. « En raison de la succombance des parties, il est fait masse des dépens de première instance et d'appel que chacune supportera par moitié. » En faisant masse des dépens, il établit le total des frais constituant les dépens, qu'il partagera ensuite selon le sort ou l'issue de l'instance. Faire masse des dépens pour les défendeurs.

  9. On appelle adjudication des dépens l'acte consistant pour le tribunal à adjuger les dépens, à les allouer, à les accorder, à les attribuer. Ils sont adjugés à l'occasion ou au cours de l'instance.

    Le tribunal adjuge les dépens au gagnant, lequel pourra se les faire rembourser par le perdant, sauf décision juridictionnelle contraire. Les dépens sont par conséquent récupérables, recouvrables auprès de la partie perdante, laquelle se trouve de ce fait à être condamnée aux dépens.

    La condamnation aux dépens, c'est-à-dire la condamnation au paiement des frais de justice, constitue un principe fondamental du droit procédural. Selon ce principe, toute partie qui succombe ou qui perd son procès est condamnée aux dépens. Le perdant subit les dépens parce qu'il doit les payer. Cette obligation aux dépens de l'action permet de dire que les dépens incombent au perdant. Il appartient à celui-ci de rembourser les dépens engendrés, occasionnés, entraînés par le procès. C'est pour cette raison qu'on l'on parle de la charge des dépens. Les dépens sont à la charge du perdant, ils sont mis à sa charge.

    On dit qu'une partie a droit aux dépens pour signifier qu'elle a le droit de les recouvrer sur la partie perdante.

  10. Il arrive souvent qu'une ordonnance sollicitée par les parties n'entraîne pas l'adjudication de dépens. En ce cas, le tribunal se sert à cette fin de diverses formules. « Il n'y aura aucune ordonnance quant aux dépens » (ou relative aux dépens). « L'ordonnance est rendue sans dépens » (ou avec dépens).

    Le fait pour le tribunal de n'adjuger aucuns dépens ne signifie pas que l'instance n'a pas engendré de dépens : il n'existe pas d'instance sans frais. Le fait de ne rendre aucune ordonnance quant aux dépens signifie plutôt que le tribunal décide que les dépens resteront à la charge des parties qui les ont exposés.

  11. Perdre sa cause avec dépens. Un appel peut être accueilli ou rejeté avec ou sans dépens. On ne met pas la virgule après le participe passé ou le verbe. Pourvoi accueilli avec dépens. « Je suis d'avis de rejeter le pourvoi avec dépens. »
  12. Dans la dernière partie du dispositif, généralement à la dernière phrase de la décision, le juge règle le sort des dépens, il statue sur les dépens. Il est habituel de souligner brièvement la cause de la condamnation aux dépens et de préciser, s'il le faut, comment ils seront recouvrés. « Condamne X aux dépens, qui seront recouvrés conformément à la loi. » Il pourra déclarer faire masse des dépens et ajouter, si nécessaire, qu'ils seront supportés, par exemple, par tel ou tel à concurrence de moitié chacun.
  13. Le tribunal réserve les dépens lorsqu'il ordonne la réouverture des débats à l'audience à telle date aux fins qu'il aura exposées précédemment. Il réservera le surplus des dépens en cas d'excédent des demandes et de nécessité de commettre un expert afin de pouvoir être en mesure de statuer définitivement.
  14. En principe, le montant des dépens est indiqué dans le dispositif du jugement. Mais, s'il arrive que le montant global des dépens (et non le [montant total], expression pléonastique puisque le montant est, par définition, un total) ne sera connu qu'après l'exécution du jugement, ce montant ne pourra être liquidé (c'est-à-dire calculé ou chiffré) dans le jugement, aussi appartiendra-t-il à l'avocat de la partie qui les a avancés ou au greffier de dresser les frais du procès que le gagnant récupérera sur le succombant. La liquidation des dépens relève du liquidateur des dépens.
  15. Les frais deviennent des dépens une fois qu'ils sont taxés soit par l'officier taxateur, dit le taxateur des dépens ou le fonctionnaire chargé du calcul des dépens, soit par le juge lui-même. Les dépens afférents à l'instance seront taxés sur une base : dépens taxés sur la base des honoraires réclamés par un avocat à son client (ou dépens taxés sur la base procureur-client), dépens taxés sur la base des frais entre parties (et non [frais taxés entre parties]). Taxation des dépens récupérables.

    Aux fins de taxation des dépens, le taxateur des dépens prend en compte le calcul des dépens dans l'établissement du mémoire de dépens ou de l'état des frais.

  16. Toujours dans le dispositif du jugement, le tribunal pourra employer une formule pour signifier que les dépens seront déterminés ou fixés en fonction du résultat de l'action. Relevant du style judiciaire, cette formule n'est pas figée, elle connaît des variantes, mais le verbe suivre, souvent au futur, y figurera presque constamment : les dépens suivront le sort de l'action, les dépens suivront l'issue de l'instance, les dépens suivront le sort du principal (en cas de pluralité de demandes). « Les dépens qui suivent la demande principale incomberont à la demanderesse, qui sera déboutée de sa demande. »
  17. En matière de règlement des dépens, la distraction des dépens (distraire les dépens) est un mécanisme par lequel, à la demande de l'avocat du plaideur gagnant, le tribunal l'autorise à recouvrer directement sur la partie perdante les frais qu'il a exposés pour son client. Par la distraction des dépens, le tribunal adjuge à l'avocat distractionnaire les dépens qu'il dit avoir avancés pour le compte de son client.En ce sens, la distraction est un droit de recouvrement des dépens. Prononcer la distraction des dépens au profit de l'avocat de la partie gagnante. Exécutoire de dépens. « Le greffier en chef liquide les dépens dont distraction a été ordonnée au profit des avocats-défenseurs. » « La société défenderesse sera condamnée aux dépens, sans distraction, la représentation par avocat n'étant pas obligatoire. »

DICTUM/OBITER DICTUM/RATIO DECIDENDI/RATIO LEGIS

Les latinismes dictum, obiter dictum, ratio decidendi et ratio legis ne sont pas francisés; ils se mettent en italiques dans un texte en caractère romain et vice versa. Il ne faut pas les guillemeter. Dictum et obiter dictum sont du genre masculin et ratio decidendi et ratio legis, du genre féminin. Le masculin [le] ratio dans ces deux derniers termes est à proscrire.

Quoique la tendance actuelle soit de ne pas traduire les locutions ratio decidendi (par le terme motif déterminant) et ratio legis (par l'expression raison d'être de la loi), il convient de souligner que les latinismes dictum et obiter dictum sont de plus en plus souvent traduits par remarque, observation incidente, commentaire ou équivalents semblables. « Il s'agit là d'une remarque incidente du juge en chef plutôt que de la ratio decidendi de l'arrêt. » Remarque faite en obiter dictum. Concilier la ratio decidendi d'une décision et les obiter dicta d'autres décisions.

Dans le système de la common law, le terme ratio decidendi, signifiant littéralement la raison de la décision, se dit en droit judiciaire du motif essentiel ou des motifs déterminants d'une décision de justice, de son fondement même, de sa substance, de son fond. Tout motif qui tranche le point litigieux d'une instance constitue la ratio decidendi de la décision ou en fait partie.

En cas de pluralité de motifs révélant ce caractère, on dit les rationes decidendi. Si le motif de jugement n'est pas essentiel mais accessoire ou incident, il est appelé dictum ou obiter dictum. En cas de pluralité des motifs incidents, on dit des dicta ou des obiter dicta.

Il arrive que des obiter dicta repris, appliqués et suivis dans une jurisprudence constante deviennent la ratio decidendi de plusieurs décisions subséquentes.

Des juges privilégient la forme abrégée ratio. Ils estiment qu'ils ne risquent pas, même à défaut de contexte clair et non équivoque, de créer une confusion terminologique puisque le mot français homonyme ratio, qui s'entend notamment du cœfficient ou du rapport de deux grandeurs, est du genre masculin. L'emploi de l'article féminin suffit pour dissiper tout risque d'ambiguïté.

En droit législatif, la ratio decidendi du droit judiciaire devient la ratio legis, forme abrégée de la maxime Ratio legis est anima legis (La raison d'être de la loi révèle l'esprit de la loi.)

Il ne faut pas confondre la raison d'être de la loi, qui est le but principal de son adoption, son objet déterminant, avec son esprit (et sa lettre) de même qu'avec son économie (et son régime).

Si la ratio decidendi s'entend du raisonnement essentiel qui fonde les motifs de jugement dans une décision de justice, c'est dire nécessairement qu'elle est dotée d'une autorité impérative ou obligatoire et qu'elle se conçoit par conséquent comme la règle de droit telle qu'elle est appliquée, dans une décision faisant autorité, au cas d'espèce.

Il convient dès lors de considérer la ratio decidendi comme étant étroitement liée au principe du stare decisis, encore appelé principe ou règle du précédent, lequel contraint les tribunaux inférieurs, assujettis à la force de la chose jugée ou res judicata, à être liés sur un point de droit par les décisions comportant la même ratio decidendi émanant des juridictions supérieures. Ratio decidendi des motifs de jugement. Cerner, dégager, faire apparaître la ratio decidendi d'un arrêt. Applicabilité de la ratio decidendi en l'espèce, aux faits de l'espèce. Fondement de la ratio decidendi. Bien comprendre, interpréter, appliquer la ratio decidendi. Limites de la ratio decidendi. Considérer une question en ratio decidendi.

ERREMENTS/ERRER

  1. Au sens figuré de faire erreur, commettre une erreur, tomber dans l'erreur, se tromper, se méprendre, s'écarter ou s'éloigner de la vérité, avoir une fausse opinion, le verbe intransitif errer a quitté l'aire où le tenait cantonné l'usage traditionnel. Il ne s'emploie plus que dans la langue littéraire.

    Commettre une erreur ayant supplanté errer au point que des dictionnaires du français d'aujourd'hui n'attestent plus ce sens primitif du verbe, on a voulu le bannir de la langue du droit, dont l'un des attributs, d'ailleurs, est qu'elle se plaît à émailler son discours de termes ou expressions sortis de la langue usuelle.

    En outre, sous le vain prétexte de la promotion du langage simple et de la lisibilité, lesquels font à juste titre la chasse aux termes et aux tournures inutilement compliqués dans leur sens et leur maniement, on s'empêchera d'écrire, par exemple, que la Cour a erré en statuant comme elle l'a fait. « L'arbitre a erré dans la compréhension du litige dont il était saisi. » « Étant donné la protection offerte par la clause privative, la Commission a le droit d'errer et pareille erreur ne sera pas susceptible de révision. »

    L'emploi de ce verbe permet de varier l'expression quand l'accumulation de l'erreur risque d'entraîner une répétition de mots. « La Cour d'appel a-t-elle erré en droit en décidant à l'unanimité que le premier juge avait commis une erreur de droit dans l'interprétation qu'il a donnée de cet article. » « Il n'a pas été établi que la Régie avait erré en droit ou avait commis une erreur manifeste et dominante en fait. »

    On dit errer en droit, errer en fait, mais commettre une erreur de droit (et non [en] droit), commettre une erreur de fait (et non [en] fait).

  2. Le verbe errer s'emploie absolument (« Ce faisant, le juge a erré. ») ou dans diverses constructions : errer sur quelque chose (« La Cour a erré sur les faits. » « La Cour d'appel a erré sur le poids à accorder au concept de turpitude morale. »), errer à l'égard de quelque chose (« Le testateur a erré à l'égard d'un fait ou d'une situation. »), errer dans quelque chose (« La Cour a erré dans son application du principe d'accession. »), errer quant à (« L'appelante reproche au premier juge d'avoir erré quant à la définition de l'intention coupable requise. »), errer en faisant quelque chose (« La Cour d'appel a erré en jugeant que la saisine des exécuteurs ne s'étendait pas aux fruits et revenus des biens qu'ils administrent. »), errer sous un chef, sous un rapport (« Au cours de sa plaidoirie, l'avocat du ministère public a fait valoir que la Cour d'appel avait erré en droit sous trois rapports distincts, savoir (…). ») et errer au sujet de quelque chose (« Le ministre a erré au sujet de l'exactitude de ce nom de marque. »).
  3. En somme, errer au sens de commettre une erreur se rencontre surtout dans le discours juridictionnel; il désigne l'erreur commise par un tribunal dans son appréciation des faits ou du droit. Par exemple, des plaideurs feront valoir dans le cahier d'appel et des avocats plaidants prétendront dans leurs plaidoiries que le premier juge, que le tribunal d'instance inférieure ou de grande instance, et même que la Cour suprême ont erré en statuant comme ils l'ont fait.

    Toutefois, l'usage actuel tend de plus en plus à remplacer errer par des verbes ou des locutions verbales plus modernes (commettre une erreur, se méprendre, méconnaître, se tromper) ou encore par des tournures qui rendent l'idée de l'erreur commise (motif erroné, interprétation mal fondée).

    En outre, errer dans la déclinaison verbale présente des difficultés d'emploi qui forcent à le remplacer avantageusement par un autre verbe.

  4. L'emploi du substantif errement, presque exclusivement au pluriel, afin de désigner le fait pour une autorité juridictionnelle de s'être trompée en statuant comme elle l'a fait ou dans l'énonciation de ses motifs mène tout droit au barbarisme. C'est affirmer que son habitude ou sa manière habituelle de comprendre le droit et de l'interpréter, de raisonner ou de statuer est fondée sur l'erreur! Il faut parler plutôt d'erreur ou de méconnaissance, de méprise, d'égarement, de confusion, d'inexactitude, de fausseté en l'espèce.

    L'erreur judiciaire ne se conçoit jamais comme le fait d'[errements] d'une autorité de justice. On est victime d'une erreur judiciaire et non d'[errements] judiciaires.

FONCIER, IÈRE

L'adjectif foncier est issu du latin fundus ou fonds de terre, qui a donné en ancien français fons, dont le mot fonds, devenu une variante graphique, a permis de créer tréfonds (le sous-sol) au XIIIe siècle, foncier au XIVe siècle et bien-fonds au XVIIIe siècle.

  1. Au sens de ce qui constitue un bien-fonds, foncier est adjectif (la possession foncière, la propriété foncière ou possession et propriété de la terre) et substantif (le foncier, c'est-à-dire le droit foncier ou droit de la terre). L'adjectif permet de qualifier celui qui possède une ou des terres, le propriétaire foncier, la propriétaire foncière, et tout ce qui se rapporte à la terre : l'enregistrement foncier, l'impôt foncier, la publicité foncière, la vente foncière.
  2. L'adjectif foncier qualifie au premier chef une des divisions du droit des biens appelée le droit foncier. Par ellipse, on dit aussi, simplement, le foncier. Il convient de signaler sa variante graphique très répandue, le Foncier (avec la majuscule). « Le droit de la terre, les droits sur les terres, ensemble, constituent le Foncier. » Le droit foncier s'intéresse au rapport qu'entretient la personne avec la terre, au droit de la terre, ce mot étant entendu au sens du fonds et du bien-fonds. Il réunit l'intégralité actuelle des règles qui régissent les terres : le droit de la terre ou des terres et les droits sur les terres, et se divise en droit foncier rural (Loi fédérale sur le droit foncier rural de la Confédération suisse) et droit foncier urbain. « Juridiquement, le foncier émerge du statut du fonds (terre ou fonds de terre), immeuble par nature, qui ne circule pas. Ainsi, le sol et sa fixité sont les attributs fondamentaux du foncier. »

    Le terme droit foncier est polysémique : il s'entend aussi du droit sur sa terre dont le propriétaire foncier est titulaire (et non détenteur).

Syntagmes

JUDICIARISATION/JURIDICISATION

Les néologismes quasi homonymes judiciarisation et juridicisation, qui envahissent le vocabulaire de la sociologie du droit, provoquent parfois une certaine confusion qu'il convient de lever.

La juridicisation (et non [juridisation]), dérivé du mot juridique, désigne le phénomène alarmant de la propagation du droit et des solutions juridiques à un plus grand nombre de domaines de la vie sociale et économique. Elle conduit notamment, par voie de conséquence, à la judiciarisation, dérivé du mot judiciaire, qui est le prolongement du bras de justice, la multiplication des mécanismes judiciaires, l'intervention accrue des tribunaux dans les différends qu'occasionne nécessairement la vie collective. « Il s'agit de lutter contre un mal qui prend tantôt la forme de la juridicisation, tantôt celle de la judiciarisation de la vie sociale. » « La juridicisation est l'extension du droit et des processus juridiques à un nombre croissant de domaines de la vie économique et sociale (…) et la judiciarisation est la tendance des justiciables à confier au système judiciaire la gestion de tous leurs différends et le règlement de tous les problèmes sociaux. »

L'inflation législative dans plusieurs domaines du droit, dont le droit social et le droit du travail, l'état actuel du droit, l'activisme de certains juges, la montée en puissance du contentieux et l'intervention croissante des juridictions dans des affaires qui pourraient se régler rapidement par les modes extrajudiciaires de règlement des différends, parmi de nombreuses autres causes, favorisent la juridicisation de la société et provoquent une explosion des recours devant les tribunaux, d'où découle leur engorgement.

Essor de la judiciarisation. Judiciarisation des populations itinérantes, des patients psychiatriques, des rapports économiques, des rapports sociaux. « La judiciarisation peut se définir comme le processus au cours duquel un traitement juridique et judiciaire se substitue à un autre mode de régulation sociale. » « L'une des dérives de la judiciarisation apparaît lorsque la responsabilité judiciaire, et notamment pénale, tend à se substituer à la responsabilité politique des autorités publiques, comme l'illustre l'affaire du sang contaminé. » Judiciarisation des litiges.

On oppose à la judiciarisation la déjudiciarisation 1, ou le droit dit préventif, et à la juridicisation la déjuridicisation 1.

LÉGER, ÈRE/LOURD, E

Hormis en droit pénal les cas de la peine (lourde ou légère), de la pénalité (lourde ou légère), de l'amende (lourde ou légère) et de la sanction (lourde ou légère), la lourdeur et la légèreté au sens figuré s'attachent principalement à la notion de faute.

En droit civil, le concept de lourdeur exprime le degré d'extrême gravité ou de flagrance de la faute par opposition au caractère de légèreté de celle que commet non intentionnellement une personne insouciante dans des circonstances atténuantes 1. Est lourd ce qui est extrêmement grave ou flagrant. Du point de vue du degré de gravité de la faute, la faute lourde est l'antonyme de la faute légère ou vénielle, l'un des deux types de faute simple avec la faute sérieuse. « Les indemnités de préavis et l'indemnité de licenciement ne sont exclues, suivant la convention collective, qu'en cas de faute lourde, mais l'employeur a invoqué la faute grave dans la lettre de licenciement. »

Dans le droit des obligations de même que dans les droits de la responsabilité civile et de la responsabilité contractuelle notamment, la qualification de la faute lourde, du latin religieux culpa lata, découle de la notion de responsabilité. C'est celle que la doctrine définit comme la faute que ne commettrait pas même la personne la moins prudente. Elle procéderait d'un comportement anormalement déficient.

L'article 1054.1 du Code civil du Québec et les dispositions pertinentes des lois sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, par exemple, permettent de comprendre que c'est l'ampleur exceptionnelle de l'écart constaté entre la conduite reprochée et celle à laquelle il y aurait eu lieu de se conformer qui distingue la faute lourde de la faute légère, aussi bien en matière délictuelle que contractuelle. Faute lourde, faute légère du débiteur. Plainte pour faute lourde. Être victime d'une faute lourde. Preuve de la faute lourde. Pénalités pour faute lourde. Fautes lourdes de carence.

Dans le droit du travail, la gradation de la faute du salarié comprend la faute simple, la faute grave et la faute lourde. Les deux dernières fautes entraînent le licenciement. La faute grave découle d'un fait qui est imputable au salarié (cas d'indiscipline, d'insubordination, de non-respect de ses devoirs) : sa conduite viole les obligations de son contrat de travail. La faute lourde est commise par le salarié dans l'intention de nuire à son employeur ou à l'entreprise ou de lui porter préjudice; elle comporte des conséquences pénales (cas de vol, de fraude 2, d'abus de confiance, de détournement 1 et 2 de fonds, de conflit d'intérêts, de concurrence déloyale).

Dans le droit du transport public, la faute lourde du transporteur découle d'un acte de négligence d'une extrême gravité. « Attendu que la faute lourde s'entend d'une négligence d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur, maître de son action, à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée; (…) » La faute dolosive ou intentionnelle est assimilée à la faute lourde.

Il importe d'établir ici une distinction entre la négligence et la faute. Les deux termes ne sont pas des synonymes. La négligence est constitutive de faute, cette dernière se caractérisant notamment par la commission d'un acte de négligence. La faute lourde comporte un degré extrême de négligence. Ainsi trouve-t-on dans le champ sémantique de la faute lourde la notion de négligence lourde.

En common law, s'il est question de négligence en droit délictuel, notion proche de celle de faute, on ne parle pas de négligence [lourde] par opposition à la négligence légère ("slight negligence"), mais de négligence grave ("aggravated negligence").

Le concept anglo-américain de la "gross negligence" correspond à celui de la faute lourde en droit civil. La terminologie française de la common law a normalisé le terme négligence grossière ("gross negligence") pour le distinguer de la négligence grave.

MANDANT, ANTE/MANDAT/MANDATAIRE/PROCURATION

  1. Le mandat est un contrat unilatéral par lequel une personne, le mandant, la mandante, donne à une autre, le ou la mandataire, le pouvoir de la représenter pour accomplir des actes juridiques. Pour cette raison, on appelle aussi cette entente de représentation contrat de mandat ou convention 1 et 2 de mandat. Dans un lien contractuel, il réunit ces deux personnes : la première donne le mandat, la deuxième le reçoit. Il confère au mandataire pouvoir et mission d'agir au nom ou pour le compte du mandant dans certaines affaires.

    Dès acceptation du mandat, le mandataire est tenu contractuellement d'agir pour le mandant, condition essentielle à la formation du mandat. Devenir mandataire. Constitution de mandataire, se constituer mandataire. Agir comme mandataire, en qualité de mandataire.

    La mission du mandataire, ses pouvoirs et ses devoirs, autrement ait ses attributions, sont portés dans le mandat.

    L'objet du mandat vise l'accomplissement, non de travaux ou de projets comme dans le cas du contrat de travail ou du contrat de louage de services, mais d'actes juridiques, exclusion étant faite des actes personnels tels tester (faire un testament), prêter serment ou affirmer solennellement, attester ou certifier sur l'honneur, comparaître personnellement en justice, recevoir les avis et significations qui doivent être remis en mains propres. Donner mandat de dresser un acte. Exécuter un mandat.

    Le mandat est établi par écrit ou il est exprimé verbalement. Sa preuve testimoniale est régie par les règles qui gouvernent les contrats et les obligations contractuelles. Si le mandataire le révoque ou y renonce ou que le mandant ou lui meurt ou encore s'ils se trouvent en état d'insolvabilité, on dit que le mandat finit, qu'il cesse, expire, prend fin, se termine, s'éteint.

    Il y a extinction de mandat lorsque a été accomplie la mission que le mandant a confiée au mandataire. Dès que le pouvoir qu'il a conféré a été exercé ou exécuté, le mandat s'éteint de lui-même. On peut recourir à deux catégories de moyens pour y mettre fin : soit ceux qui émanent de la volonté des parties (il y a alors accord d'extinction du mandat, révocation du mandat, renonciation au mandat ou répudiation du mandat), soit ceux qui découlent de l'effet de la loi (cas de l'extinction normale ou ordinaire du mandat, de la survenance d'événements matériels ou physiques ultérieurs à la création du mandat). « Le mandat cesse naturellement par la survenance d'une impossibilité d'exécution, par l'arrivée du terme ou par la réalisation d'une condition résolutoire, par la consommation de l'affaire. Par ailleurs, le mandat peut être résolu judiciairement en cas d'inexécution fautive de la part d'une des parties. » Résolution du mandat, résoudre judiciairement un mandat.

  2. Le mandat légal est conféré par la loi, le mandat judiciaire est décerné ou lancé par le tribunal et le mandat conventionnel est issu d'une convention passée par les deux parties.

    C'est dans ce dernier type de mandat que l'on assimile au mandat la procuration. Le mandat est le contrat donnant pouvoir de représentation, tandis que la procuration est ou bien ce pouvoir de représentation lui-même que reconnaît ou que confère le mandat, ou bien le document qui le constate.

    Les deux termes sont apparentés. Ils ne sont pas synonymes comme le donne à penser la définition légale du mandat que l'on trouve dans les codes civils. C'est à juste titre que l'on peut affirmer que la formulation de la définition n'est pas heureuse puisqu'elle crée une ambiguïté qui conduit auteurs et lexicographes à parler de synonymie.

    De même, quand on dit que mandataire et procureur (en ce sens, ce dernier terme est vieilli en droit) sont synonymes, l'affirmation doit être nuancée. Les deux termes ne peuvent s'employer indifféremment dans tous les contextes sous peine de confusion. Par exemple, on donne une procuration, on la signe, dans le cas d'une assemblée générale où il y aura lieu de voter sur des résolutions et à laquelle on ne pourra pas assister en personne. Celui qui est nommé dans la procuration s'appelle fondé de pouvoir. Autrement dit, la procuration est, effectivement, non un [mandat] stricto sensu, mais un des effets du mandat. Elle est générale quand elle s'applique à l'intégralité des affaires du mandant, elle est spéciale quand elle se limite à une affaire en particulier.

    Comme pour le mandat entendu au sens d'écrit juridique attestant l'existence d'un mandat, la procuration est l'écrit constatant l'attribution du pouvoir de représentation ou l'offre que fait le mandant au fondé de pouvoir, sorte de mandataire.

  3. Lorsque les pouvoirs du mandataire ne sont pas précisés dans le mandat, on dit que ce dernier est conçu ou exprimé en termes généraux. Selon un point de vue contraire, le mandat est exprès lorsque le pouvoir et la nature des actes que doit accomplir le mandataire sont clairement énoncés.

    Le mandat est dit effectif quand le mandataire a effectivement la qualité de représentant et qu'il dispose de pouvoirs suffisants pour réaliser la mission qui lui est confiée.

    Ces sortes de mandats se rangent dans la catégorie des mandats véritables, que l'on oppose aux mandats apparents, ainsi qualifiés parce que le mandant a tout lieu de croire, de bonne foi et se fondant sur des motifs raisonnables, que le mandataire est tenu de le représenter. Dans cette qualification, le représentant n'a pas fait connaître sa qualité et on ne sait s'il détient les pouvoirs suffisants pour réaliser sa mission. Les tiers peuvent légitimement croire qu'il a agi en sa qualité de mandataire pour le compte du mandant. Dans le contrat de mandat, le mandat est transparent parce que les tiers connaissent le mandant et le mandataire. La représentation dans cette sorte de mandat est dite parfaite. Elle est imparfaite, par exemple, dans la commission : il y a opacité du commettant parce que les tiers ne le connaissent pas.

    Dans le mandat clandestin, encore appelé mandat dissimulé ou mandat occulte, qui est un contrat de prête-nom, le mandataire, tout en agissant pour le compte du mandant et en son nom, laisse croire qu'il agit pour lui-même et assume personnellement les charges du mandat. L'entente conclue entre le mandant occulte et le mandataire (appelé, dans la circonstance, prête-nom) n'est pas portée à la connaissance des tiers : le prête-nom agit en son propre nom (d'où son appellation de prête-nom) et sans représentation (d'où le caractère clandestin, au sens de dissimulé, secret, occulte du mandat).

    Dans le mandat ostensible, au contraire, la convention de mandat est révélée aux tiers. Dans le mandat gratuit, le mandant ne peut obliger le mandataire à accepter le mandat, c'est-à-dire à le représenter, à agir pour lui, sauf si le contrat qui les lie est scellé.

  4. En droit commercial, le mandat d'intérêt commun, son nom le dit, intéresse aussi bien le mandant que le mandataire. Le mandat est dit salarié lorsque le mandataire, personnellement intéressé, reçoit du mandant un salaire pour ses services de représentation.
  5. Dans une autre acception, le mandat est une fonction élective et représentative, tels les cas des mandats de président, de premier ministre, de député, de maire, de conseiller municipal et, aux États-Unis, de sénateur, de juge, de shérif. Mandat parlementaire ou législatif, mandat présidentiel ou sénatorial, mandat juridictionnel, mandat municipal.

    Au Canada, le procureur de la Couronne – qu'on appelle aujourd'hui dans une langue modernisée le substitut du procureur général ou le procureur du ministère public – et le procureur général (au fédéral et dans quelques provinces, c'est le ministre de la Justice chargé d'agir ou d'intervenir en justice au nom de l'État) portent ce titre puisque, ayant reçu mandat de représenter l'État, ils ont obtenu, du fait de ce pouvoir de représentation, une procuration.

  6. Dans un sens proche, le mandat est la charge ou la fonction attribuée par un corps, par un groupe, par une société, par un conseil à un comité choisi par lui. Arrêter un mandat. « Le comité de direction ou le conseil d'administration peut arrêter le mandat du comité consultatif. »
  7. Le mandat peut être aussi la durée des pouvoirs conférés. « Le mandat du comité est d'une durée de deux ans. »
  8. S'agissant plus particulièrement de la profession juridique, le mandat de représentation, terme non redondant, est, par définition, un contrat qui oblige l'avocat mandataire à représenter son client mandant dans tout acte que doit accomplir ce dernier. Mandat de l'avocat.

    Lorsqu'il est spécifiquement un mandat de représentation en justice, il comporte le pouvoir et le devoir d'accomplir pour le compte du client les actes de la procédure ainsi que mission d'assistance en justice, soit de conseiller la partie mandante et de présenter sa défense sans l'obliger. « Le mandat de représentation emporte mission d'assistance, sauf disposition ou convention contraire. »

    La nature et l'étendue de ce mandat varient selon la convention conclue entre l'avocat et son client. Lorsqu'il porte sur la défense des intérêts de ce client devant la justice, on l'appelle plus précisément mandat de représentation en justice. Étant ad litem, il est conféré par le tribunal pour assister un plaideur dans la défense de ses droits. Au Canada, le mandat ad litem est le mandat de représentation en justice, aussi peut-il être donné à une personne de sorte à conférer au mandataire le soin de la représenter en justice et d'accomplir tous les actes nécessaires pour assurer la défense de ses droits.

    Ce mandat ad litem se distingue du mandat ad agendum, qui est, lui aussi, un mandat de représentation. Il a pour objet l'exercice des actions et la conduite du procès. Le mandataire reçoit un pouvoir d'initiative et de direction aussi bien pour la demande que pour la défense d'une action. « Par le mandat ad agendum, un des sujets de l'action en justice confie à un tiers mission de le représenter pour demander ou pour défendre; ainsi le mandat donné par des indivisaires à l'un d'eux. »

    Les mandats de ce type sont judiciaires. Quand la représentation en justice est exclue de la portée du mandat, celui-ci est un mandat juridique, un mandat de représentation juridique.

  9. En common law, la branche du droit qui s'intéresse au mandat conçu comme un contrat s'appelle le droit des mandats ("law of agency"), et non [du mandat], parce que, conformément à la conception générale touchant les différents domaines juridiques, il est plus juste de considérer la diversité et la pluralité des mandats que de considérer l'existence d'un principe unificateur dans cette branche du droit qui permettrait de dégager une notion uniforme et de justifier l'emploi du singulier. Il en est de même, du reste, pour le droit des contrats, le droit des fiducies, le droit des testaments, le droit des successions, le droit des sociétés par actions, et ainsi de suite. Théorie des mandats (et non [doctrine]).

    Dans le droit des biens en régime de common law, le baillement-mandat ou mandat-baillement ("mandate") est un mandat non rémunéré ou gratuit ("gratuitous agency" ou "agency not for reward") qui vise soit le baillement de biens devant être transportés d'un lieu à un autre, soit l'accomplissement de certains actes les concernant.

    La common law distingue notamment les mandats gratuits, les mandats (purement) consensuels ("(purely) consensual agency"), les mandats contractuels ("contractual agency") ou onéreux ("agency for reward"). Contrat de mandat ("contract of agency" ou "agency contract").

    Dans la convention de mandat ("agency agreement"), le mandataire est autorisé à établir une connexité contractuelle entre son employeur mandant et un tiers; il peut, suivant les stipulations de la convention, être destinataire d'une promesse, explicite ou tacite, de ne pas le priver d'une décision portant qu'il recevra une commission dans le cadre d'opérations futures.

  10. La common law établit une nette distinction entre le mandat ("agency") et la fiducie ("trust"). Contrairement à cette dernière, le mandat trouve sa source entière dans un contrat conclu entre le mandant ("principal") et le mandataire ("agent"), lequel n'est pas titulaire, comme l'est le fiduciaire ("trustee"), d'un droit de propriété sur les biens objet du mandat. Quant au fiduciaire, il est le véritable propriétaire en common law des biens de la fiducie.

    Les mandataires ont pour rôle d'administrer les biens des mandants ou de représenter ces derniers; les fiduciaires jouissent d'une plus grande liberté, pouvant même, sous certaines conditions, aliéner les biens à leur gré.

  11. Dans le droit des sociétés par actions ("business corporation law"), la société par actions ou société d'affaires ("business corporation" ou "company limited by shares") est une entreprise dans laquelle une ou plusieurs personnes, appelées actionnaires, détiennent un intérêt.

    Dotée de la personnalité morale, la société est distincte de ses actionnaires, administrateurs, dirigeants, préposés et employés. Investie du pouvoir de conférer, même implicitement, à la personne qui détient l'autorité réelle le pouvoir d'agir en son nom ou pour son compte, elle est donc mandante et elle investit le mandataire, avant ou après l'opération ou la transaction projetée, de l'autorité réelle d'agir comme mandataire. Le mandat qu'elle accorde peut être explicite (émanant de l'acte constitutif de la société, d'un contrat d'emploi conclu ou d'une résolution adoptée du conseil d'administration) ou implicite (indiquant au mandataire par son comportement qu'elle détient l'autorité réelle voulue pour agir en son nom et pour son compte et le représenter).

    Le mandat pourra être apparent quand ce type de société laisse croire au tiers, par ses assertions ou son comportement, que le mandataire agit censément en son nom et pour son compte et est investi de l'autorité nécessaire pour conclure une transaction ou pour procéder à quelque opération et que le tiers agit sur la foi de ces assertions ou de ce comportement. Le mandat ordinaire ou usuel découle du poste occupé ou des fonctions exercées par le prétendu 1 et 2 mandataire. Mandat par préclusion.

  12. En droit pénal, le mandat est un ordre donné par une autorité de justice. En France, le Code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction est habilité à décerner et à délivrer (on dit aussi à donner) les mandats de comparution, d'amener, de dépôt 1 et 2 ou d'arrêt (et non d'[arrestation], l'arrêt renvoyant à la maison d'arrêt comme le dépôt renvoie au lieu de dépôt). Au Canada, selon les textes, on dit aussi bien mandat d'arrestation que mandat d'arrêt. Lancer un mandat contre quelqu'un.

    Le mandat de comparution met l'inculpé en demeure de se présenter devant le juge mandant aux lieu, date et heure y indiqués. Le juge donne l'ordre à la force publique d'amener, de traduire immédiatement l'inculpé devant lui au moyen du mandat d'amener. C'est par le mandat de dépôt qu'il donne l'ordre au surveillant-chef de la maison d'arrêt de recevoir et de détenir l'inculpé, ou de le rechercher ou encore de s'assurer de son transfèrement (et non de son transfert). Par le mandat d'arrêt, il est ordonné à la force publique de rechercher l'inculpé et de le conduire à la maison d'arrêt y indiquée, où il sera reçu et détenu. Exécuter, mettre à exécution un mandat. Être muni, sans être muni d'un mandat. Être porteur d'un mandat. Exhiber un mandat. Se rendre au mandat.

    Le mandat précise l'identité de l'inculpé; il est daté et signé par le juge mandant, puis est scellé ou muni, revêtu de son sceau 1 et 2. La nature de l'inculpation et les articles de loi applicables figurent sur les mandats d'amener, de dépôt et d'arrêt. Diffusion, délivrance, exhibition, exécution, notification du mandat. « Le mandat d'amener ou d'arrêt est notifié et exécuté par un officier ou agent de police judiciaire ou par un agent de la force publique, lequel en fait l'exhibition à l'inculpé et lui en délivre copie. » « L'original du mandat doit être transmis à l'agent chargé d'en assurer l'exécution dans les délais les plus rapides. » « Les mandats d'amener et d'arrêt peuvent, en cas d'urgence, être diffusés par tous moyens. » « Les mandats sont exécutoires dans toute l'étendue du territoire de la République. » Inculpé arrêté, saisi en vertu d'un mandat d'amener. Réquisitions contenues dans un mandat.

    Le mandat est donc un ordre, non une [ordonnance], judiciaire dirigé contre un prévenu ou un inculpé. Cet ordre peut porter sur la personne même de l'individu ou sur sa comparution en justice. Ordonner par mandat.

    Le Code criminel du Canada prévoit qu'un mandat peut être délivré (non [émis]) pour l'arrestation d'un prévenu (cas du mandat d'arrestation) ou pour le dépôt ou l'internement ou la détention sous garde du prévenu (cas du mandat de dépôt).

    Le télémandat est décerné par téléphone, par télécopieur ou par tout autre moyen de communication. Il est ainsi délivré pour accélérer l'obtention du mandat par un policier incapable de se présenter personnellement et immédiatement devant le juge mandant. Il n'est autorisé que dans les cas d'actes criminels. Demande de télémandat. Télémandat d'entrer dans une demeure. Télémandat de perquisition.

    La personne qui fait l'objet d'un mandat, qui est visée par le mandat d'arrestation tombe sous le coup du mandat d'entrée dans une maison d'habitation, lequel autorise la force publique à l'arrêter avec ou sans mandat. Le mandat d'arrestation peut être lancé également contre un témoin qui s'esquive. Mandat de main-forte. Validité constitutionnelle du mandat de main-forte.

    Dans le mandat de dépôt, le mot dépôt, employé par extension, désigne dans la terminologie de la pratique la prison, le lieu d'internement destiné à accueillir les personnes recherchées en vertu de ce mandat. Cet ordre enjoint à un agent de la paix d'appréhender le prévenu et de le conduire à une prison (= le lieu de dépôt) pour qu'il y soit interné jusqu'à sa remise entre d'autres mains selon le cours régulier de la loi.

    Il existe plusieurs types de mandats de dépôt : le mandat de dépôt contre un témoin qui refuse de prêter serment ou de témoigner, le mandat de dépôt sur déclaration de culpabilité, le mandat de dépôt sur une ordonnance de payer une somme d'argent, le mandat de dépôt pour omission de fournir un engagement de ne pas troubler l'ordre public, le mandat de dépôt d'un témoin pour omission de contracter un engagement, le mandat de dépôt pour outrage au tribunal, le mandat de dépôt en l'absence du paiement des frais d'appel et le mandat de dépôt pour déchéance d'un engagement.

    Le mandat de conduire un prévenu devant un juge de paix d'une autre circonscription territoriale est dirigé contre un prévenu qui est inculpé d'avoir commis une infraction et qui se trouve dans une autre circonscription territoriale que celle du juge mandant; il est délivré aux agents de la paix de cette circonscription.

    Le mandat d'amener un témoin est décerné contre un témoin qui est probablement en état de rendre un témoignage essentiel pour le poursuivant ou pour la défense et qui ne comparaîtra pas sans y être contraint, se soustrait à la signification d'une assignation, ne s'est pas présenté aux jour, heure et lieu indiqués dans l'assignation ou était tenu, sous les conditions d'un engagement, de se présenter et de témoigner et a négligé de le faire.

    Le mandat de renvoi d'un prisonnier enjoint aux agents de la paix d'une circonscription territoriale d'arrêter et de conduire en prison une ou des personnes dont les noms sont énumérés dans un tableau figurant au mandat, dont chacune a été renvoyée. Il ordonne aussi au gardien de prison de recevoir ces personnes sous sa garde dans la prison et de les détenir sûrement jusqu'à l'expiration du renvoi, puis de les amener devant lui ou devant tout autre juge de paix afin qu'elles répondent à l'inculpation et qu'elles soient traitées selon la loi.

    Le mandat de perquisition est l'autorisation donnée par ordre d'un juge de paix à un agent de la paix ou à une personne qu'il désigne d'effectuer une perquisition dans un lieu en vue d'y trouver des objets ayant servi ou pouvant servir à la commission d'une infraction ou qui constituent des éléments de preuve établissant la perpétration d'une infraction. Mandat de fouille, mandat de saisie. Mandat de saisie-exécution.

    Le visa du mandat est une formule signée par le juge de paix; il répond à la demande qui lui est adressée concernant l'arrestation d'un prévenu visé par un mandat d'arrestation ou l'exécution du mandat joint au visa. Viser un mandat. Apposer un visa sur le mandat. Mandat valide. Mandat révocable, irrévocable. Mandat nul.

MOTIONNAIRE/PROPOSEUR, RE

Plutôt que de recourir à une périphrase pour désigner la personne qui présente une motion et l'appeler l'auteur, l'auteure de la motion, il vaut mieux recourir au mot juste et la dénommer le, la motionnaire.

  1. Dans le vocabulaire parlementaire canadien, on appelle motionnaire le député ou la députée qui présente ou qui propose une motion à la Chambre. Dans le vocabulaire des réunions et des assemblées délibérantes, on appelle motionnaire la personne qui participe à une assemblée ou à une réunion et qui présente une motion. Dans les deux cas, le ou la motionnaire est le parrain, la marraine de la motion.

    Le mot proposeur réussit tant bien que mal à entrer dans l'usage : le proposeur, la proposeure d'une motion. On considère que le ou la motionnaire intervient dans le débat ou dans les travaux pour soulever une question aussi bien de procédure que de fond, tandis que le proposeur ou la proposeure n'entendrait soulever qu'une question d'ordre procédural. On réserve généralement le nom de proposeur ou proposeure à l'auteur ou à l'auteure d'une proposition et celui de motionnaire à l'auteur ou à l'auteure d'une motion.

  2. Au Canada, on aurait tout intérêt à dénommer motionnaire en droit judiciaire la personne appelée couramment dans les règles de procédure l'auteur de la motion. On écrirait ainsi : « La motion se fait par écrit et est signée par le motionnaire ou par son représentant autorisé; elle renferme un exposé clair et concis des faits pertinents, de la décision ou de l'ordonnance sollicitée et des motifs à l'appui. »

    Le ou la motionnaire présente à la cour une motion, appelée aussi demande (émanant de la partie demanderesse) ou requête (émanant de la partie requérante) selon les diverses autorités législatives. Si la motion est présentée à la cour hors la présence des parties, ou l'appelle motionnaire ex parte, sinon, motionnaire inter partes.

    Le ou la motionnaire demande notamment un amendement, une annulation, une déclaration de nullité, une autorisation, un cautionnement 2, une sûreté, la cessation d'occuper pour une partie, une nomination ou une désignation, un déboutement, un désistement.

    Lorsqu'il obtient l'acquiescement de l'avocat ou de l'avocate de la partie adverse pour présenter sa motion, on dit que la motion est faite ou présentée sur consentement; dans le cas contraire, elle est contestée.

    Le ou la motionnaire demande, sollicite, prie la cour, la saisit, conteste ou dénonce.

  3. Le député ou la députée qui appuie la motion présentée se nomme comotionnaire. On désigne aussi tant le ou la motionnaire que le ou la comotionnaire par le mot motionnaire mis au pluriel ou par le mot parrains. Dans le cas d'une proposition, le proposeur ou la proposeure trouve un appui dans le second, la seconde, c'est-à-dire la personne qui seconde la proposition.
  4. On dit du ou de la motionnaire parlementaire qui décide d'abandonner sa motion qu'il ou qu'elle se désiste. Celui qui persiste dans sa motion, la présente pour différents objets : par exemple, ce peut être une demande d'abrogation, d'approbation, d'adoption, d'adhésion, d'autorisation, de censure, de blâme, de consentement, de lecture d'un document, de retrait d'une proposition ou d'un amendement, d'ajournement des débats ou de suspension des travaux, ou encore une simple recommandation faite au président de l'Assemblée.

    Le ou la motionnaire du gouvernement est l'auteur ou l'auteure d'une motion émanant du gouvernement; quand elle émane d'un parti d'opposition, elle est présentée par le ou la motionnaire de l'Opposition.

    La motion du ou de la motionnaire peut être principale ou distincte, accessoire, auxiliaire, subsidiaire ou secondaire, multiple (on dit aussi mixte ou complexe), régulière ou réglementaire (ou irrégulière, imparfaite ou antiréglementaire), indépendante, de fond ou motion proprement dite.

NOTABILITÉ/NOTABLE/NOTABLEMENT/NOTOIRE/NOTOIREMENT/NOTORIÉTÉ

  1. La notoriété s'entend de ce qui, étant porté à la connaissance de plusieurs, devient par sa diffusion chose connue, avérée, réputée authentique. Ainsi dit-on dans la formule figée Il est de notoriété publique, c'est-à-dire on sait ou on devrait savoir qu'il est reconnu et incontestable que telle chose est vraie ou s'est produite.

    On donne par conséquent pour notoire ce, qui, par son authenticité et son caractère manifeste, appartient au domaine de la notoriété, l'adjectif publique, d'ailleurs, servant à mettre en relief l'idée complémentaire de la connaissance par plusieurs et n'étant pas, dès lors, tautologique. Il n'y a ni redondance ni pléonasme vicieux à qualifier de publique ce qui est de notoriété. Vérité notoire et publique. Constater la notoriété publique du contenu d'un document, d'un acte juridique largement diffusé, d'un fait, d'un comportement.

    La notoriété se dit aussi bien d'une personne que d'une chose. Notoriété d'un juge, notoriété d'un arrêt 1 de principe, notoriété d'une interdiction, notoriété du droit de passage.

  2. On appelle acte de notoriété le fait pour une personne placée en situation d'autorité par rapport à un témoignage à rendre de témoigner de l'existence ou de l'inexistence d'un fait connu par plusieurs. Lui est assimilé le document lui-même servant à recueillir ce genre de témoignage, à défaut d'une autre preuve. Le fait connu doit passer pour être conforme à l'opinion générale dans un milieu ou au sein de la population, d'où sa notoriété.

    En droit successoral sous le régime civiliste, l'acte de notoriété, dressé exclusivement par un notaire depuis peu, permet d'attester la dévolution successorale du défunt.

    Pour libérer les avoirs successoraux qui leur reviennent de droit, les héritiers doivent produire aux établissements bancaires qui ont bloqué les fonds du défunt des documents qui font foi de leur qualité d'héritiers. Dans ce certificat, les témoins choisis par ces derniers attestent solennellement leur connaissance personnelle du fait du décès et la notoriété publique de l'existence de la qualité d'héritiers des ayants droit. « La preuve de la qualité d'héritiers peut résulter d'un acte de notoriété que seul un notaire peut dresser à la demande des ayants droit. » Se prévaloir de l'acte de notoriété. Héritiers désignés dans l'acte de notoriété.

    Il existe plusieurs types d'actes de notoriété. Acte de notoriété destiné à suppléer l'acte de naissance en vue du mariage, un acte d'état civil détruit par la guerre, établissant la possession d'état en matière de filiation, dressé en cas d'absence, dressé en matière d'adoption ou d'accident du travail de fonctionnaires de l'État, constatant les qualités héréditaires ou l'identité d'une personne.

  3. En matière criminelle, des lois ont été édictées en vue d'empêcher les criminels de tirer financièrement profit de la notoriété de leurs crimes en concluant des contrats d'utilisation du récit de leurs actes criminels. Loi sur les profits découlant de la notoriété en matière criminelle.
  4. Le droit des biens connaît la notoriété de la possession ou de l'occupation d'un bien-fonds. Dans l'une des qualités attachées à l'élément corporel de la possession ou de l'occupation, les auteurs mentionnent le caractère notoire ou public de la possession ou de l'occupation par opposition à leur caractère clandestin. Par exemple, la possession est juridiquement notoire ou publique lorsque les actes de possession ou d'occupation sont accomplis sans mystère ni dissimulation, au grand jour, au vu et au su des tiers, de façon apparente et normale. Cette notoriété constitue l'un des critères de la possession ou de l'occupation légales. Occupation ouverte et notoire d'un bien-fonds.

    Dans le droit des biens en régime de common law, s'agissant de possession et d'occupation foncières ou de prescription, la règle de droit prévoit que le titre possessoire s'acquiert par suite d'une possession de fait qui comporte des attributs propres à ne pas vicier la possession. « On concédera ou on transférera les terres de la Couronne à quiconque présente une preuve satisfaisante qu'il a occupé ou que ses prédécesseurs en titre ont occupé de façon continue, ouverte, notoire et exclusive un secteur précis de terres de la Couronne pendant plus de 60 ans ou pendant plus de 20 ans avant que les terres soient rétrocédées à la Couronne. » Preuves historiques appuyant la revendication d'une occupation notoire, ouverte, continue et exclusive pendant la période pertinente.

  5. Toujours dans le droit des biens en régime de common law, la jouissance d'un bien se conçoit par rapport à la possession d'un domaine, d'un bien réel ou d'une servitude de même qu'à l'occupation du lieu objet de la jouissance. La jouissance est qualifiée notamment de jouissance comme de droit ("as of right") parce que la possession et l'utilisation ne sont subordonnées à aucune autorisation devant être sollicitée régulièrement, qu'elles s'exercent de façon notoire, publique, continue et ininterrompue par une personne qui ne risque pas d'être considérée comme un intrus, la jouissance étant de plein droit.
  6. En dépit du phénomène de la paronymie et du fait que, dans un sens non juridique, notoire s'apparente à notable et, comme lui, signifie évident, il faut savoir distinguer sans difficulté ces deux adjectifs.

    Le mot notoire vient du latin juridique notorius signifiant qui fait connaître. Le mot notable a pour origine latine l'adjectif notabilis signifiant qui est digne d'être noté. Une conduite, une inconduite, un acte de bravoure, de bon samaritain, un fait notoire est ce que l'on connaît, ce qui est reconnu, ce dont nul ne peut contester l'authenticité ou l'existence et qui comporte, pour cette raison, une valeur juridique ou une force probante.

    Le fait notoire est à ce point reconnu et accepté sans conteste, notamment par la science et les progrès des connaissances et de la technologie, que les tribunaux l'accepteront sans exiger qu'il soit prouvé. Un fait dit de commune renommée est de notoriété publique; c'est un fait notoire qui constitue un mode de preuve. Fait manifeste et notoire. État notoire d'immoralité (suivant le casier judiciaire du proxénète), d'insolvabilité (le débiteur est déjà sous saisie). « Lorsque a été démontrée la probabilité de confusion avec une marque de commerce notoire ayant droit à une protection étendue, il devient on ne peut plus difficile, sinon impossible, de réfuter cette preuve. » Preuve d'expert notoire. Absence de moralité notoire d'un témoin. Il est notoire que (…), Il est de connaissance notoire que (…) « Il est notoire que cette organisation a commis des actes de terrorisme. » « Il était de connaissance notoire que le travail d'un vérificateur comptable dans un bureau de comptables agréés comprenne l'administration financière. »

  7. C'est commettre un barbarisme que de prendre pour notoire ce qui est notable. On ne qualifiera pas de notoire un fait notable, c'est-à-dire important, digne d'être signalé. Une faute, un abus notoires, donc certains, prouvés, établis, évidents, entraînent répression, sanction. La faute, l'abus notables devront être établis en justice pour devenir notoires.
  8. La notabilité se dit des personnes et des choses. La personne notable s'est fait remarquer par quelque action hors du commun; sa notabilité vient du fait que sa conduite est hors de l'ordinaire, normalement elle la grandit aux yeux de tous. Les notables sont, d'ailleurs, des personnes dont le rang et la profession confèrent une autorité dans un domaine particulier de l'activité sociale. Pour les choses, est notable ce qui mérite d'être souligné. Affaire, amélioration, antécédents, avantage, conséquence, différence, effet, exception, incidence, loi, modification, progrès, projet, réalisation, réduction, règlement, réserve, situation notable.
  9. L'adverbe notablement signifie grandement, énormément, dramatiquement, largement, profondément, sensiblement, considérablement, substantiellement, de beaucoup, de façon appréciable, marquée, nette, significative, tandis que notoirement signifie au su de plusieurs. Le fait notablement connu l'est d'une façon remarquable, qu'il convient de signaler, qui mérite d'être relevé, mais le fait notoirement connu est fondé sur le bon sens, sur le sens commun, ou encore sur les connaissances personnelles, scientifiques et technologiques acquises généralement. Ampleur et complexité notoirement intimidantes des dispositions d'une loi, budgets notoirement suspects, concept notoirement vague, détermination notoirement imprécise, entreprise notoirement risquée, expressions notoirement difficiles à retenir, problème notoirement complexe, procédure notoirement lourde, secteur notoirement litigieux, tâche notoirement difficile.

OBJECTER

  1. C'est par analogie avec le verbe s'opposer qu'on en est venu à dire [s'objecter] dans l'ancien parler du Canada français. Encore de nos jours, d'ailleurs, l'emploi d'objecter à la forme pronominale est fort répandu et persistant, comme l'attestent les nombreuses occurrences de cette forme vicieuse dans notre langue, tant parlée qu'écrite.

    En plus d'être un barbarisme (le mot [s'objecter] n'existe pas en français), c'est un solécisme (objecter étant syntaxiquement construit à la forme pronominale) et un anglicisme (c'est sous l'influence de "to object" que l'on prête à objecter le sens anglais de s'opposer à quelque chose, de protester contre quelque chose). On le remplacera, selon les contextes d'emploi, par des locutions verbales telles que s'opposer à, être contre, différer d'opinion, s'inscrire en faux contre, s'élever contre. « L'avocat s'est opposé avec véhémence à la procédure irrégulière. » « La députée a déclaré qu'elle était contre cette motion. » « Le juge a dit qu'il différait d'opinion quant à cette interprétation de la règle de droit. » « Je m'inscris en faux contre de tels propos. » « Nous nous élevons contre pareils agissements. »

  2. Le verbe objecter signifie contester, affirmer ou déclarer son opposition à quelque chose, se déclarer en désaccord avec quelqu'un, opposer une objection en réponse à une opinion, à une prise de position, à une affirmation, à un argument, s'élever contre quelque chose, trouver à redire, se plaindre, protester.

    Le verbe modifie une suggestion, une opinion; en ce cas, il peut évoquer soit l'idée de réfutation, de contradiction, signifiant alors opposer une raison, un fait, une idée, un argument en réponse à une demande, à une affirmation, à une proposition, à une autre raison : « Il a objecté la règle 33 à (ou contre) l'opposition soulevée par la partie interrogeante », soit l'allégation, la contestation, signifiant alors opposer à quelqu'un une raison pour l'empêcher de dire, de faire valoir quelque chose : « Le tribunal lui objecte les moyens mêmes qu'elle avance. » « Il ne trouve rien à objecter à cet argument. »

    Le verbe modifie une demande; en ce sens, il peut évoquer l'idée de prétexte, signifiant opposer une excuse, une raison à une demande, à une offre : « Il a objecté la défaillance de mémoire pour ne pas avoir à répondre à la question. » « Le candidat-juré a objecté la maladie pour ne pas faire partie du jury. »

  3. Le verbe objecter suivi d'une proposition complétive introduite par le pronom relatif que a un sens affaibli; il prend le sens de répondre, de rétorquer, de répliquer, de faire valoir. « D'aucuns pourront objecter que cette conception est périmée. » « Il a objecté qu'il avait été ainsi dépouillé de son droit. »

    Dans ce sens faible, le verbe objecter s'emploie alors en incise pour mettre l'accent sur le sujet de la proposition principale. « L'avocat de la partie adverse, a-t-il objecté, a eu amplement l'occasion d'interroger mon client. »

  4. Dans la langue du droit, objecter s'emploie intransitivement. Cet usage n'est pas attesté dans la langue usuelle. « Les parties ont le droit d'objecter » (= elles peuvent soulever des objections).

OBJECTION

  1. Dans le cadre d'un procès, les objections ne peuvent être soulevées qu'à certains moments au cours de l'instance. La prudence commande de ne pas faire objection quand l'adversaire présente ses observations préliminaires (même s'il présente des arguments fondés sur le droit ou sur les faits, qu'il fait allusion à des éléments de preuve inadmissibles ou qu'il exprime son opinion personnelle) ou expose ses conclusions (même s'il invoque erronément la preuve produite ou des règles de droit, résume une argumentation sur un point litigieux non fondé sur la preuve ou présente son opinion personnelle). Certes, des objections légitimes pourront être émises durant l'exposé de cause, les plaidoiries et les conclusions, mais le véritable terrain réservé aux objections est ailleurs.

    L'avocat de la partie interrogée ne manquera pas d'occasions, avec l'expérience professionnelle, pour faire valoir opportunément, efficacement et promptement des objections aux questions posées par l'avocat de la partie interrogeante ou aux réponses données à ces questions à l'interrogatoire préalable, à l'interrogatoire, au réinterrogatoire ou au contre-interrogatoire de son client et des témoins favorables à son client.

    Pour bien maîtriser l'art de la formulation des objections, il est impérieux de connaître à fond la technique des objections. Il conviendra d'avoir toujours présents à l'esprit la liste de contrôle des objections fondées sur les règles de preuve ou sur les points de droit et les mots clés qui correspondent à chacun des types d'objections tout en reconnaissant sur-le-champ toutes les situations qui se prêtent à l'énoncé d'une objection.

  2. Les règles de procédure régissent la présentation des objections. Au Nouveau-Brunswick, la règle 33.10 des Règles de procédure porte exclusivement sur les objections.

    Par ailleurs, le mode de présentation des objections et l'énumération des types d'objections se trouvent dans les manuels consacrés aux techniques de plaidoirie. L'avocat de la partie interrogée fera bien de se lever, par respect et déférence, pour soulever son objection. Devant certains tribunaux, on pourra se contenter de rester assis et de lever la main. Ce qui importe de toute manière est d'attirer l'attention du juge et du témoin interrogé, avant même que ce dernier ne réponde à la question objet de l'objection, tout en s'adressant au tribunal au moyen de la formule interjective consacrée (ou de ses variantes) : « Objection, monsieur le juge !», « Objection, madame la juge ! » ou « Objection, Votre Honneur ! ».

    Il y aura lieu d'indiquer dans une phrase courte la raison pour laquelle il convient d'intervenir pour formuler une objection, surtout lorsque le motif de l'objection n'est pas apparent. Dans des circonstances évidentes pour le tribunal, on fera connaître son opposition par le seul mot exclamatif et d'une voix forte : « Objection ! », sans avoir à expliquer la nature de l'objection. Généralement, l'énoncé de l'opposition à une question ou à une réponse ou à l'intention de la partie adverse de déposer une pièce comportera le motif de l'objection.

    Si la question posée au témoin n'a aucun rapport avec l'objet du litige, il sera impératif de faire objection pour que l'avocat de la partie interrogeante reformule l'énoncé de sa question.

    La décision relative à la pertinence, à la validité, au bien-fondé, à la légitimité, à la justification de l'objection appartient au tribunal. Statuer sur le bien-fondé de l'objection. Essentiellement, le tribunal doit s'assurer que l'objection est raisonnablement fondée, qu'elle est conforme aux règles de preuve et de droit et qu'elle ne vise en rien à nuire à l'interrogatoire de la partie adverse. Objection jugée fondée, légitime, raisonnable, valable.

    Lorsque l'objection est soulevée, le juge décide de l'admettre, de l'accueillir, de la retenir (et non de l'[accorder] ni de la [maintenir]); dans le cas contraire, il la rejette, la repousse, l'écarte. « L'objection est dénuée de tout fondement : objection rejetée. »

    Le tribunal pourra décider aussi que l'objection est prématurée ou non pertinente, et on sera tenu de la retirer.

    Les règles de procédure prévoient que la partie qui formule une objection a le droit d'obtenir une décision sur chaque objection. Le tribunal doit se prononcer sur toute objection présentée.

  3. Des manuels de plaidoirie ont recensé une trentaine d'objections fondées sur les règles de preuve et les règles de droit. Elles portent sur la question posée au témoin, sur la réponse donnée à la question ou sur la production d'une pièce jugée inadmissible. Les plus courantes sont les suivantes.

    Objection contestant la pertinence d'une question posée au témoin (« Objection, monsieur le juge, cette question n'est pas pertinente : elle n'a rien à voir avec le meurtre qui a été commis ! »)

    Objection concernant une communication privilégiée (« Votre Honneur, nous faisons objection à cette question. Il s'agit là d'une communication privilégiée qui relève du secret professionnel. »)

    Objection à une question violant la règle de la meilleure preuve (« Objection ! Ce document ne constitue pas la meilleure preuve du contrat. L'original se trouve entre les mains de notre adversaire, qui ne l'a pas déposé après mise en demeure. »)

    Objection entraînant du ouï-dire (« Objection, madame la juge ! Cette question entraînera du ouï-dire. » « Objection ! Cette réponse constitue du ouï-dire. »)

    Objection à une question suggestive (« Je m'oppose à la question, monsieur le juge. Dans sa question, la partie interrogeante suggère au témoin la réponse à donner. C'est une question suggestive. »)

    Objection à une question hypothétique (« Objection ! La question est hypothétique : on demande à la témoin d'échafauder des hypothèses. »)

    Objection à une question tendancieuse (« Objection ! Mon confrère prête des intentions au témoin. »)

    Objection portant sur le préjudice que cause la production d'une pièce par rapport à sa valeur probante (« Monsieur le juge, objection ! L'effet préjudiciable de cet élément de preuve l'emporte sur sa valeur probante. »)

    Objection à un témoignage d'opinion (« Objection ! Le témoin n'a pas été reconnu comme témoin expert. »)

    Objection portant sur la crédibilité du témoin (Objection ! Madame la juge, on attaque de cette manière la crédibilité de notre témoin. »)

    Autres types d'objections. Objection au témoignage rendu à l'encontre d'un écrit, objection sur le défaut de désignation d'un document, objection à une réponse narrative, à une supposition fondée sur un élément de preuve non prouvé, sur des faits incorrectement rapportés, sur des témoins mal cités. Objection à une question trompeuse, ambiguë, vague, inintelligible, multiple, répétitive, redondante, exorbitante de l'objet du litige ou de l'interrogatoire, à une série de questions visant à intimider la témoin, à l'ennuyer injustement, à la gêner, à l'accabler.

  4. Lorsque l'avocat soulève une objection, on ne peut pas dire qu'il [s'objecte], faute courante, puisque le verbe objecter n'a pas de forme pronominale. Dire, par exemple, [Je m'objecte] à cette question, à cette décision, à ce dépôt 1 et 2 est commettre un barbarisme. On dit plutôt : Je m'oppose à cette question, à cette décision, à ce dépôt.

    L'avocat qui ne souhaite pas faire une objection répond à la question qui lui est posée concernant l'opportunité d'une objection en disant, par exemple : « Je n'ai pas d'objection à faire valoir » ou « Je n'ai rien à objecter ».

  5. L'objection à une question est une forme d'opposition et d'intervention. L'objection élevée comme moyen invoqué pour faire écarter la demande sans faire apparaître le principe juridique sur lequel elle s'appuie s'appelle exception (exception préliminaire (et non [objection]), exception d'irrecevabilité, exception d'incompétence), celle qui vise à écarter un témoin, un candidat-juré ou un arbitre, une récusation 1 et 2, celle qui forme opposition à une interprétation, une contestation, et celle, enfin, qui conteste la prise d'une mesure, une protestation.

Syntagmes et phraséologie

QUITTE

Emprunté au latin quietus signifiant tranquille, exempt d'inquiétude, le mot quitte est un adjectif, aussi s'accorde-t-il en genre et en nombre. Il est, elle est quitte. Nous sommes quittes. L'acheteur et le vendeur sont quittes.

  1. En matière d'obligations et de responsabilités, de charges financières, être quitte s'entend du fait de ne plus avoir de dettes. Est dit quitte celui qui est libéré d'une dette, d'une obligation, d'un devoir, d'une responsabilité. Être quitte de tous frais.

    On est quitte de quelque chose, le substantif désignant généralement une réalité financière. On est quitte envers quelqu'un. « Je suis quitte envers vous de toutes dettes, de toutes charges. » (= Je ne vous dois plus rien.) Tenir quelqu'un quitte de ce qu'il nous doit signifie qu'il ne nous doit plus rien. « Je vous tiens quitte de la somme d'argent que vous me deviez. » Puisque les parties ne se doivent plus rien, elles sont quitte à quitte. Bien franc et quitte de toute charge.

  2. Par extension, le complément du mot quitte peut relever de toute réalité affectant l'état d'un bien. Être quitte de tout intérêt, de tout grèvement. « Le produit de consommation est quitte et continuera d'être quitte de tout intérêt et privilège. » Devoir de l'acheteur de restituer le produit quitte de toute réclamation, de tout droit (= exempt de toute réclamation, de tout droit).

    En ce sens, celui qui est quitte de quelque chose en est délivré, débarrassé. Être quitte d'un litige, d'un procès.

    L'expression en être quitte pour signifie n'avoir à subir que l'inconvénient de quelque chose. « Il en a été quitte pour un blâme. » En être quitte pour une réprimande.

  3. L'acte qui constate que l'on est quitte au sens 1) énonce le règlement entier et définitif d'une dette; c'est une quittance.

SATISFACTION/SATISFAIRE

  1. Le mot satisfaction s'emploie surtout dans le droit des créances. Il vient du latin satisfactio, qui signifie paiement d'une dette.

    Du point de vue du débiteur, la satisfaction du créancier s'opère par le remboursement de la dette à lui remettre et, du point de vue du créancier, elle s'effectue par le règlement de la créance que le créancier a sur le débiteur.

  2. Au degré zéro de l'écriture, c'est-à-dire dans le cas d'omission de l'article, ici lorsque les locutions verbales dans lesquelles le verbe et le complément satisfaction ne sont pas reliés par l'article défini, la notion de satisfaction se conçoit dans la perspective du bénéficiaire de la satisfaction (avoir, obtenir, réclamer satisfaction) ou de l'agent de la satisfaction (accorder, donner, procurer satisfaction).
  3. Les expressions à la satisfaction de et pour la satisfaction que ne doivent s'employer que dans le sens que le français leur donne, à savoir pour satisfaire à quelque chose, pour répondre à un besoin. Le complément de nom est souvent le mot intérêt. « La cellule familiale est ordonnée à la satisfaction des intérêts du groupe familial et à celle des intérêts de la collectivité entière. » « Le droit objectif est ordonné à la satisfaction des intérêts particuliers » (= pour répondre aux intérêts particuliers). « Le droit subjectif est une prérogative reconnue à une personne par le droit objectif pour la satisfaction d'un intérêt personnel. » Procurer la satisfaction individuelle d'un intérêt personnel.

    On ne peut pas dire, au sens anglais de l'expression, établir un fait, le prouver [à la satisfaction] du tribunal. On ne prouve pas un fait pour satisfaire aux intérêts du tribunal, mais pour le convaincre, pour lui fournir un élément de conviction. Il est impossible de concevoir que la preuve d'un fait constitue un sujet de satisfaction pour le tribunal. Le verbe établir suffit pour exprimer l'idée que la preuve a été produite d'une façon jugée acceptable ou satisfaisante par le tribunal. La preuve dont on dit qu'elle a été établie a nécessairement été jugée acceptable ou satisfaisante par le tribunal, sinon il ne l'aurait pas retenue.

    Par conséquent, l'expression preuve établie d'une manière jugée acceptable ou satisfaisante est tautologique, l'idée qui exprime la manière dont la preuve a été reçue étant comprise dans le sens même du verbe établir.

    Les verbes démontrer et prouver sont du même ordre. Il va de soi que les faits, les éléments de preuve qui sont démontrés, établis ou prouvés convainquent de leur véracité.

    Le seul contexte dans lequel l'expression pourrait être justifiée serait dans celui où on entend préciser que, tout en l'acceptant, le juge a posé des conditions.

  4. La tournure [être satisfait que] n'est pas française. Le tribunal est convaincu par la solidité, par le bien-fondé de la preuve. On ne prouve rien [à sa satisfaction] : on présente, on produit une preuve suffisante pour le convaincre, pour l'amener à telle conclusion.

    Le verbe satisfaire vient du latin satisfacere : littéralement, faire (facere) et assez (satis); il signifie s'acquitter d'une obligation, faire ce qu'on demande.

    Le verbe peut être transitif direct (satisfaire ses créanciers, des besoins, des intérêts, des engagements, des promesses, des offres, des attentes, des dispositions 1 et 2, des stipulations, des buts, des suppositions, des aspirations, une idéologie). « Les droits-créances sont une catégorie de droits de l'homme qui supposent que l'individu est en droit d'exiger une action effective de l'État ou de la société pour satisfaire ses besoins. Ils s'opposent aux droits-libertés. »

    Le verbe satisfaire est aussi transitif indirect (satisfaire à des conditions, à des devoirs, à des exigences, à des critères, à des obligations, à des normes, à des prescriptions, à des règles, à des principes, à des politiques, à des lignes directrices, à une échéance, à un mandat). « Le montant est insuffisant pour satisfaire à toutes les réclamations. » Satisfaire aux saisies-exécutions. « Le juge peut ordonner au shérif de prélever un montant suffisant pour satisfaire à une réclamation litigieuse. »

    Ce verbe peut s'employer à la forme pronominale. Se satisfaire de lois inefficaces, d'une application jurisprudentielle précaire, du statu quo, de moins, de si peu.

    La difficulté réside dans le fait qu'un même mot peut être complément direct ou complément indirect du verbe satisfaire : tout dépend du sens que l'on entend donner à l'idée à exprimer. Satisfaire des besoins, satisfaire à des besoins; satisfaire des intérêts, satisfaire à des intérêts.

    La construction transitive directe permet d'énoncer l'obligation (ce qui est attendu, ce qui est exigé, ce que l'on doit faire pour contenter), tandis que la construction transitive indirecte permet d'énoncer l'exécution 1 (ce qui est fait, ce qui est réalisé). Dans le premier cas, l'accent est mis sur ce qui vient à soi : satisfaction réclamée; dans le second, ce qui doit sortir de soi pour accorder satisfaction.

    Ainsi, on peut satisfaire des conditions (l'esprit conçoit que la satisfaction s'opère du fait qu'elles ont été arrêtées, définies, dictées, établies, fixées, imposées, indiquées, posées, prescrites, requises, signifiées, qu'on les a fait connaître, qu'on les a énoncées) comme on peut satisfaire à des conditions (l'esprit conçoit que la satisfaction s'opère en y répondant, en les remplissant, en les exécutant).

    De même en est-il dans tous les autres cas : satisfaire une exigence (que l'on a fait connaître, que l'on a fixée, formulée, manifestée, motivée, relevée) et satisfaire à une exigence (y accéder, y céder, y obtempérer, s'y plier, s'y soumettre); satisfaire un objectif (dont l'atteinte, la réalisation est réclamée pour obtenir satisfaction) et satisfaire à un objectif (on l'atteint, on le réalise, on le remplit en y donnant réponse ou solution pour accorder satisfaction). Satisfaire une demande, une requête, une revendication.

    Du point de vue des occurrences, la construction transitive indirecte est la plus courante. Ainsi, on relève six occurrences de satisfaire dans le Code civil français et toutes illustrent le cas de la construction transitive indirecte : être contraint de satisfaire à une obligation (trois occurrences), satisfaire à des exigences précises et déterminées à l'avance, satisfaire à des conditions de forme, satisfaire à son engagement.

SOURCES DU DROIT

Les juristes entendent par sources du droit, non pas ses sources historiques, mais les textes qui sont à l'origine de la production du droit de même que les usages qui forment chez un peuple sa coutume. Les sources sont, par conséquent, des normes et des règles de droit, écrites ou non, qui animent un système juridique par opposition aux règles générales de la conduite sociale et de la bienséance et aux règles morales.

En ce sens, les sources du droit d'un pays ne seront pas nécessairement celles qui régissent le système de droit d'un autre pays. Par exemple, les sources du droit canadien ne sont pas les mêmes que les sources du droit français.

En outre, les sources du droit dans l'optique de la théorie et de la philosophie du droit varieront selon les théories juridiques : la conception diffère suivant l'idéologie, suivant l'adhésion que l'on donne à telle école ou à telle pensée juridique. Pour les positivistes, ces sources sont le droit établi, la loi, les règlements, le précédent, l'interprétation du droit législatif, tandis que, pour les sociologues du droit, c'est la coutume et la doctrine, pour les jusnaturalistes, c'est la loi divine révélée par les prophètes, la loi naturelle et les lois humaines.

Les sources formelles du droit sont la législation, la jurisprudence, la doctrine et la coutume. Par hiérarchie des sources formelles du droit, il faut entendre la place qu'accordent les différents systèmes de droit à ces sources formelles : pour la common law, la jurisprudence est la source formelle principale du droit, alors que, pour les systèmes romanistes, la législation domine la hiérarchie.

Aux sources formelles des juristes s'ajouteront les sources réelles (événements historiques), les sources documentaires (codes, journal officiel) et les sources matérielles (les trois ordres de pouvoir étatique). S'agissant d'un système de droit en particulier, des classifications diverses apparaissent. Pour le droit de l'Union européenne, les sources se regroupent sous trois titres : les sources primaires ou droit primaire (les traités fondateurs et constitutifs), les sources dérivées ou droit dérivé (les actes unilatéraux et les actes conventionnels) et les sources de droit subsidiaire (la jurisprudence de la Cour de Justice, le droit international et les principes généraux du droit).

Dans la perspective des branches du droit, on parle des sources du droit public et du droit privé, du droit du travail, du droit constitutionnel, du droit parlementaire, du droit administratif, du droit fluvial, du droit de la mer, du droit fiscal, et ainsi de suite. Les sources pourront aussi être qualifiées de directes et d'indirectes, de nationales et d'internationales, d'internes et d'externes. Des chercheurs s'intéresseront à l'histoire et à la filiation des sources du droit.

STAMUS DECISIS/STARE DECISIS

Les locutions latines stamus decisis et stare decisis ne sont pas francisées; elles se mettent en italiques dans un texte en caractère romain et vice versa. Il ne faut pas les guillemeter. Elles sont du genre masculin.

  1. Dans le système de la common law, le stare decisis, forme abrégée de la maxime Stare decisis et non quieta movere (Il faut s'en tenir à ce qui a été décidé et ne pas modifier ce qui existe) signifie littéralement rester sur la décision, s'en tenir à ce qui a été décidé. Il permet de formuler un principe juridique fondamental en droit judiciaire : les règles de droit qu'énoncent les décisions émanant de juridictions de degré supérieur ou de juridictions du même degré lient les tribunaux d'instance inférieure. Aussi font-elles autorité; elles ne peuvent être contestées tant qu'elles n'auront pas été modifiées ou abandonnées par ces juridictions. « En raison de la règle du stare decisis, je suis lié par l'arrêt de la Cour suprême. »

    Cependant, par pure courtoisie judiciaire, ces décisions ne lient pas les tribunaux qui appartiennent à la même cour.

  2. Le stare decisis n'est ni, proprement, une [doctrine] ni une [théorie]; c'est un principe, celui du précédent, encore appelé règle du précédent. La décision juridictionnelle antérieure servant de norme autorise les juges à fournir sur un point de droit la solution pour tous les cas similaires soumis à leur examen. Cette solution durable se trouve revêtue de la qualité ou du pouvoir, le cas échéant, de l'obligatoriété (ou du caractère obligatoire) en droit judiciaire interne et s'apparente étroitement au principe de l'autorité de la chose jugée ou res judicata.
  3. Le principe du stare decisis (et non [principe] ou [règle] stare decisis) ne s'applique ni dans l'ordre international, ni dans les systèmes civilistes, ni en matière d'arbitrage 1, ni aux tribunaux administratifs. Il a été établi à l'origine pour des raisons de nécessité : il fallait assurer l'uniformité et la certitude des règles jurisprudentielles. Encore aujourd'hui, les juges qui déclarent rendre une décision conforme à une jurisprudence constante peuvent invoquer la maxime latine complémentaire stamus decisis : elle signifie littéralement nous nous en tenons aux décisions déjà rendues.
  4. Par l'opération du stare decisis, les juges se trouvent assujettis au principe du précédent et à la règle de la ratio decidendi. Ils doivent s'incliner devant le stare decisis.

    Par exemple, saisi de la question litigieuse concernant l'inhabilité d'un cabinet d'occuper pour un ancien client de son avocat récemment recruté, lequel possède des renseignements confidentiels privilégiés cruciaux pour la partie adverse, le tribunal canadien sera tenu de retenir le principe du stare decisis et examinera le cas à la lumière du précédent établi par un arrêt 1 clé, dit aussi arrêt de principe, arrêt faisant jurisprudence ou arrêt fondamental, que la Cour suprême du Canada a rendu en 1990 dans Succession MacDonald c. Martin. Il motivera sa décision en prenant appui sur des considérations d'intégrité de l'administration de la justice et de nécessité de préserver la confiance du public dans cette intégrité.

    En somme, le principe du stare decisis ne s'applique qu'à la ratio decidendi de l'arrêt.

  5. Il faut dire que ce principe souffre des exceptions. Il a perdu une partie de son obligatoriété; des règles, notamment d'ordre constitutionnel et procédural, sont venues apporter des tempéraments, poser des conditions d'application réfléchie, autrement dit, en atténuer la rigueur excessive. Pour assouplir la rigidité de ce formalisme juridique, des moyens d'éviter l'application aveugle du stare decisis ont été proposés, des distinctions ont été établies et la ratio decidendi pertinente a été adoptée par souci de modernisation du droit; en outre, des circonstances ont été ajoutées en vue d'habiliter les juges à s'affranchir des décisions antérieures dans des cas particuliers. Dérogation au principe du stare decisis. « Il ne fait aucun doute que notre Cour a le pouvoir d'infirmer l'un de ses arrêts, s'il existe des raisons impérieuses de déroger au principe du stare decisis. » Limites du principe du stare decisis. « Depuis 1966, la Chambre des lords est explicitement dégagée de l'obligation créée par le stare decisis, ce qui permet, très exceptionnellement, de révoquer des précédents devenus manifestement inadaptés ou injustes. »
  6. La technique des distinctions permet à un tribunal judiciaire de s'écarter du principe du stare decisis, non pas pour en supprimer l'application stricte, mais pour le compléter. « Tout l'art du juriste de common law consiste à savoir déterminer quand deux cas sont identiques ou quand ils sont différents. Cela peut mener à de longues discussions (…) lorsqu'on souhaite s'écarter du [stare decisis] encombrant sans pour autant le renverser. Sur un plan plus positif, cela fait du juriste anglo-saxon un juriste subtil et apte à discerner si l'application d'une solution traditionnelle mènerait à une absurdité. » « Les tribunaux inférieurs sont libres d'analyser la ratio decidendi énoncée par le tribunal supérieur et de décider si, à la lumière des faits de la contestation dont ils sont saisis, il faut appliquer un précédent ou établir une distinction d'avec la règle que pose ce dernier pour le motif qu'une distinction entre les faits des deux causes permet de s'écarter du stare decisis. »

STIPULANT, ANTE/STIPULER

Le mot stipulation vient du latin stipulatio, dérivé du verbe stipulare, mots relevant strictement, en droit romain, du domaine contractuel. Il s'entend du fait pour une ou plusieurs personnes de fixer par écrit, de consigner, la nature de son ou de leur engagement et d'énoncer les conditions dont il sera assorti.

Comme mot technique du droit, le verbe stipuler désigne par conséquent l'acte consistant à prévoir sous forme de stipulations ou d'énonciations l'objet même de la convention 1 et 2, de l'accord, de l'entente de même que les modalités et les conditions de cet engagement.

On peut stipuler pour soi comme on peut stipuler pour autrui, pour un tiers. Ainsi stipule-t-on tant dans un acte unilatéral que dans un acte bilatéral ou multilatéral. Stipuler dans un testament, dans un traité.

En revanche, seule une personne – physique ou morale – peut stipuler. C'est par une extension du langage que le verbe en est venu à avoir pour sujet un nom de chose. À l'origine, on ne concevait pas qu'un inanimé, qu'un contrat pût stipuler. Avec le temps, l'aire verbale de stipuler s'est élargie et on dit depuis longtemps maintenant que le contrat stipule.

Cependant, c'est par un abus de langage qu'on dit, commettant de ce fait une impropriété grossière, qu'une loi, qu'un article de loi, qu'un code, qu'un règlement, qu'un décret, qu'un arrêté, qu'un arrêt ou qu'un jugement, qui ne sont aucunement des actes contractuels, [stipule]. Le législateur, l'officier ministériel, le juge, n'étant nullement parties à des conventions, ne peuvent [stipuler]. Le juge statue, décide, le lieutenant-gouverneur en conseil décrète, prend des règlements, le législateur édicte, l'arrêt décide, la loi dispose.

Les parties qui stipulent sont appelées parties stipulantes ou, à la forme substantive, les stipulants. Le stipulant, la stipulante est la personne – physique ou morale – qui énonce expressément les conditions du contrat. Dans le droit des obligations, le débiteur s'engage et promet, tandis que le créancier stipule, c'est-à-dire obtient l'engagement du promettant. En ce sens, stipuler s'emploie par opposition à promettre.

Le verbe stipuler est transitif direct. Il peut s'employer absolument. Stipuler les conditions des versements échelonnés, les modalités de la fourniture des approvisionnements, les conditions de l'exécution 1 des clauses testamentaires, les précisions relatives à l'échange de prestations réciproques, les termes qui régiront des relations futures, le régime du traité, les réserves auxquelles seront subordonnés les droits ou les avantages attachés à l'objet du contrat. Stipuler une garantie, une caution, un cautionnement 2, une attribution de parts, des intérêts à payer, le paiement de loyers, des arrhes, une faculté de dédit, la solidarité, l'indivisibilité. Stipuler au profit d'autrui. «  On peut stipuler au profit d'un tiers lorsque telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même ou d'une donation que l'on fait à un autre. »

La construction stipuler que commande logiquement l'emploi de l'indicatif puisque l'idée exprimée est celle d'une certitude. Ce qui est stipulé fera nécessairement l'objet, du moins dans la rencontre des volontés des stipulants, d'une réalisation ou d'une exécution certaines.

Puisque la stipulation est une prévision contractuelle, les termes stipulation contractuelle et stipuler contractuellement constituent des redondances dont le langage du droit peut fort aisément se passer du fait de l'inutilité de la répétition : la stipulation est par définition contractuelle et on ne peut stipuler que par contrat ou que par des actes qui sont des formes de contrat.

SUS

  1. La locution adverbiale en sus employée sans la préposition de signifie en plus, par-dessus le marché. Elle est vieillie, sauf les cas qui n'excluent pas la notion d'argent, de chiffre ou de calcul (taxes et frais en sus. La TPS en sus). Cet archaïsme se remplace par des locutions plus modernes telles que de plus ou en plus, de surcroît ou par surcroît, au demeurant, ou par un changement de tournure. « Une prorogation a été accordée en sus de la première. » (= en plus de la première, s'est ajoutée à la première). « Nous avons ajouté une modification en sus » (par surcroît). La vérification a été effectuée en sus des rapports préliminaires. » (= la vérification est venue s'ajouter à la production des rapports préliminaires) En sus du rôle évident des parties durant les campagnes électorales,… » (= Outre le rôle (…)) « En sus, l'étude prévoit que (…) » (= Au demeurant, l'étude prévoit que) « Nous sommes d'avis que le Code criminel et, en sus, toute la législation pénale en vigueur (…) » (=  nous sommes d'avis que le Code criminel et, au demeurant, toute la législation pénale (…))
  2. Règle générale, la locution prépositive en sus de s'emploie dans un contexte d'argent, de chiffre, de nombre ou de calcul. Par exemple, dans une instance relevant de la responsabilité civile, la partie perdante paiera des dommages en sus des frais de justice et des dépens.

    En sus d'une allocation, d'une amende, d'un apport, des arrhes, des coûts, d'un délai, des dépenses, des dettes, des émoluments, des frais, de la franchise, des heures, d'une indemnité, d'une majoration, d'un montant, d'une obligation alimentaire, d'une pénalité, d'une pension, d'une période, d'un préavis, d'une prestation, des redevances, d'une rente, du salaire, d'une somme, de tant de jours, de la valeur marchande.

    Toutefois, il n'est pas rare de la trouver dans des emplois qui excluent l'idée d'argent, de chiffre ou de calcul. « Les gardes chargés de la conservation des bois peuvent exercer, en sus de leurs fonctions, les attributions dévolues aux gardes champêtres par l'article L.132.2. » En sus de ce qui précède, de ce qui est normal et nécessaire, de ce qui est prévu. En sus de ce qui a été dit. Travaux effectués en sus du régime normal. En sus d'une obligation légale, d'un recours, d'une mesure de réparation. En sus de la requête, de la notion de perpétration d'une infraction, des observations présentées, de la jurisprudence pertinente, des déclarations rapportées, d'une disposition 1 et 2, d'une peine, d'une sanction.

    En la matière, tout devient affaire de style et de choix personnel, la locution en sus de produisant un effet dont sont dépourvues la locution prépositive en plus de et la préposition outre, qui sont des synonymes.

  3. Lorsqu'il sert de préfixe pour construire des termes qui servent à renvoyer à ce qui a été dit plus haut, le mot sus 1 et 2 signifie plus haut (et non le barbarisme [ci-haut]), ci-dessus, précédemment. Il se joint, généralement sans trait d'union dans la graphie moderne, au participe passé et se prononce ou bien su, ou bien susse, selon les usages phonétiques nationaux et les constatations divergentes des dictionnaires, la prononciation susse étant la plus fréquente : susdésigné, susdit, susénoncé, susindiqué, susmentionné, susnommé, susrelaté et susvisé. Il convient d'ajouter que l'adjectif précité ne peut remplacer dans cette énumération que le mot susmentionné puisqu'il signifie ce qui a été cité ou mentionné précédemment. Le ministre susdésigné, l'arrêt susdit, les susdits, les motifs susénoncés, l'article susindiqué, l'affaire susmentionnée, les accusés susnommés, les faits susrelatés, le délai susvisé.

TENU, UE

  1. Il faut éviter l'incorrection courante qui consiste à dire d'une personne qu'elle a été [tenue responsable] de l'acte qu'on lui reproche d'avoir commis. En ce sens, le participe passé tenu signifie qui est considéré comme, qui est cru, et il s'emploie obligatoirement avec la préposition pour. « La complicité par association s'entend du fait qu'un individu peut être tenu responsable (= tenu pour responsable) d'actes commis par d'autres en raison de son association étroite avec les auteurs principaux. » « Celui qui apporte son aide ou son encouragement à la perpétration d'un crime ou qui, volontairement, monte la garde pendant que ce crime est perpétré est normalement tenu pour responsable. » Tenir des accusations pour fort suspectes. Tenir (et non [prendre]) pour acquis. Tenu pour accessoire, véridique, inviolable, certain. Dans un autre sens, être tenu pour signifie valoir, avoir force de, comme dans la maxime. La coutume est tenue pour le droit ou la loi, c'est-à-dire qu'on la considère, qu'on le reconnaît comme ayant force de loi. « Le secret des communications entre client et avocat est tenu pour règle de fond. »
  2. Au sens de ce qui est astreint à un devoir, à une obligation légale, le participe passé tenu se construit avec la préposition à ou de suivie d'un substantif ou d'un infinitif. Être tenu des dommages, des vices. À l'impossible nul n'est tenu. « Celui qui est tenu à la garantie d'éviction est repoussé, s'il agit, par l'exception de garantie. »

    La construction la plus fréquente quant aux occurrences relevées est celle qui comprend la préposition de et qui a le sens de être responsable, être débiteur, ne pas être lié par quelque chose. « Le successeur particulier n'est pas, de plein droit et comme tel, directement tenu des obligations personnelles de son auteur. » « L'acquéreur de l'actif mobilier d'une société n'est pas tenu des dettes de celle-ci. » « L'acquéreur d'un fonds de commerce n'est pas tenu de plein droit de la clause de non-concurrence consentie par son vendeur à l'égard d'un tiers. » Être tenu des obligations du bail. Être tenu d'une dette envers son créancier.

  3. Si on est tenu de faire ou de ne pas faire une chose, c'est qu'on doit l'accomplir, qu'on est obligé de s'exécuter, ou, alors, qu'on doit s'abstenir d'agir. « L'administrateur du bien d'autrui est tenu de réparer le préjudice causé par sa démission, si elle est donnée sans motif sérieux. » « Nul n'est tenu de rester dans l'indivision. » « L'acquéreur d'un animal n'est pas tenu de réparer les dommages causés par celui-ci alors qu'il appartenait à son ancien maître. » « En sa seule qualité de successeur, l'acquéreur d'un immeuble n'est pas tenu de l'action paulinienne à laquelle se trouvait soumis son auteur. »
  4. La locution être tenu s'emploie absolument au sens de être lié, constituer jugement obligatoire, avoir force exécutoire et a le même sens que la construction être tenu à quelque chose. L'exemple qui suit réunit les deux constructions. « Ceux qui sont tenus par le jugement rendu ne font en fait qu'exécuter celui-ci soit parce qu'ils y ont intérêt, soit qu'ils y sont tenus à raison de leurs fonctions. »

VALEUR

  1. Dans le domaine moral, spirituel, intellectuel, social et professionnel, la valeur représente un ensemble de qualités qui font naître l'estime, l'admiration, l'émulation, la considération, la déférence, le respect, auxquelles on attache un prix, qui produisent l'effet souhaité, l'efficacité désirée, l'utilité recherchée, le résultat escompté, l'admiration méritée. Valeur individuelle, personnelle. Haute valeur. Valeur hors pair, de premier ordre, exceptionnelle. Donner, attacher de la valeur à quelque chose. Jugement de valeur.
  2. Au regard du droit, la valeur évoque les notions d'importance, de mérite, de force et d'effet. Valeur juridique d'un argument, d'un avantage, d'une demande, d'une opposition, d'une prétention.

    Quant au nombre des occurrences relevées, la valeur prend surtout soit un sens purement monétaire et renvoie au prix en argent d'un objet, d'une chose, d'un bien, d'un service, que ce soit un acte, un titre, un effet de commerce, une créance, un capital, des immobilisations, un équipement, un terrain, un immeuble ou un achalandage, soit un sens utilitaire. Les acceptions se rattachent en conséquence et pour la plupart au droit commercial, économique, fiscal, bancaire, boursier, comptable ou douanier, au droit des biens, de la gestion d'entreprise et des assurances.

    Elles donnent un aperçu de la diversité du champ d'application de la notion. Valeur agréée, assignée, attribuée, convenue, déclarée, déterminée (après aménagement, dépréciation, estimation, évaluation, expertise, exploitation, production), indiquée, fixée. Valeur brute ou nette. Valeur actuelle, ajoutée, après amortissement, à neuf, au comptant ou en espèces, comptable, commerciale, non commerciale, cotée, non cotée, douanée, non dédouanée, échue, non échue, extrinsèque ou intrinsèque, financière, monétaire, en argent ou pécuniaire, globale, nominale, faciale ou au pair, nue, patrimoniale. Valeur vénale, marchande, non marchande, négociable, légitime ou normale. Valeur réelle, réalisable, disponible. Valeur d'une monnaie, d'une obligation, d'une police d'assurance, d'un prêt, d'un titre de créance. Valeur d'origine ou historique (et non [originelle]). Valeur d'échange, de remplacement, d'usage. Valeur en liquidités.

    Augmentation, baisse, diminution, hausse, perte, réduction de valeur. Bien, chose, objet, marchandise de valeur, de peu, de faible, de grande valeur, sans valeur, d'aucune valeur. Cote, cours d'une valeur. Date de valeur. Portefeuille de valeurs.

  3. En droit judiciaire, la valeur des prétentions, c'est-à-dire la somme d'argent à laquelle elles s'élèvent, constitue un élément déterminant qui permet de trancher la double question de la compétence juridictionnelle et du taux du ressort. Des règles précises régissent cette détermination. « Lorsque plusieurs prétentions fondées sur des faits différents et non connexes sont émises par un demandeur contre le même adversaire et réunies en une même instance, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la nature et la valeur de chaque prétention considérée isolément. Lorsque les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la valeur totale de ces prétentions. » Par exemple, à la Cour des petites créances, la valeur des prétentions ne doit pas excéder la somme totale (et non le [montant total]) représentant le taux du ressort, lequel varie selon les juridictions et ne dépasse guère, en Amérique du Nord, la somme de 10 000 $, étant encore fixée à ce jour à 5 000 $ généralement.
  4. Pour la distinction à établir entre la valeur probante d'un élément de preuve ou d'un témoignage et la valeur probatoire d'un régime de preuves ou d'un système probatoire, se reporter aux articles probant et probatoire.
  5. Sont tenus juridiquement pour être sans valeur ou être dénués, dépourvus de valeur, c'est-à-dire n'ayant ni force ni effet, les opérations réputées nulles ou non avenues de même que les actes frauduleux ou illicites, les titres inexistants et les actes frappés de nullité absolue, soit ceux que la loi ou les tribunaux déclarent être sans effet ou inopérants.

    Il convient de signaler que la valeur juridique se dit aussi bien d'un argument, d'une argumentation, d'une acceptation, d'un accord, d'une accusation, d'une allégation, d'une aliénation, d'une déclaration, d'un droit, d'un intérêt, d'un motif, d'un moyen, d'un plaidoyer, d'un témoignage dont le bien-fondé et la régularité sont reconnus en droit.

  6. Dans le droit boursier ou financier, les valeurs mobilières sont des titres susceptibles d'être cotés en bourse (valeurs cotées, valeurs inscrites en bourse). Ce sont précisément des titres de placement qui présentent une telle importance juridique qu'ils constituent à eux seuls une sous-branche ou un rameau du droit. Droit des valeurs mobilières. Loi sur les valeurs mobilières.
  7. Les valeurs peuvent être soit des actions ou des parts dans une société, si les émetteurs sont des sociétés privées qui les établissent sur une portion de leur capital social, soit des obligations, si les émetteurs sont des sociétés d'État ou des collectivités publiques qui les établissent sur une portion d'un emprunt public à long terme, soit des bons ou des droits de souscription, si le droit autorise à souscrire des valeurs des émetteurs, soit encore des contrats à terme qui sont négociables sur des marchandises, des valeurs ou autres instruments financiers.

    La valeur à l'échéance est celle que possède une obligation venue non pas [à maturité], mais à terme. Elle peut être émise dans le cadre d'un placement privé ou public. Son existence peut être constatée par un certificat ou elle peut être émise en vertu d'un prospectus. Elle peut être au porteur ou à ordre; dans le cas d'une valeur mobilière nominative, elle est émise au nom de l'acheteur de la valeur.

    Syntagmes et phraséologie

    • Valeurs mobilières à court terme, à long terme.
    • Valeurs mobilières à échéance, à taux fixe, à taux flottant ou variable.
    • Valeurs mobilières amortissables partiellement.
    • Valeurs mobilières avec droit de vote, avec ou sans certificat.
    • Valeur mobilières composées.
    • Valeurs mobilières convertibles.
    • Valeurs mobilières cotées à la bourse.
    • Valeurs mobilières en circulation.
    • Valeurs mobilières endossées (en blanc, au nom de l'acheteur).
    • Valeurs mobilières en portefeuille.
    • Valeurs mobilières étrangères (au nom d'une société étrangère).
    • Valeurs mobilières fongibles.
    • Valeurs mobilières garanties.
    • Valeurs mobilières hybrides.
    • Valeurs mobilières immobilisées.
    • Valeurs mobilières indigènes.
    • Valeurs mobilières négociables, non négociables.
    • Valeurs mobilières non valides, valides.
    • Valeurs mobilières de portefeuille.
    • Valeurs mobilières du compte de négociation, du compte de placement.
    • Valeurs mobilières d'un fonds (commun) de placement.
    • Valeurs mobilières transportées en gage, en nantissement.
    • Achat, acquisition de valeurs mobilières.
    • Aliénation de valeurs mobilières.
    • Bourse de valeurs mobilières.
    • Catégories de valeurs mobilières.
    • Commerçant, commerçante de valeurs mobilières.
    • Commission des valeurs mobilières.
    • Conseiller, conseillère en valeurs mobilières.
    • Cotation des valeurs mobilières.
    • Cours des valeurs mobilières.
    • Courtage en valeurs mobilières.
    • Courtier, courtière en valeurs mobilières.
    • Dépositaire de valeurs mobilières.
    • Détenteur, détentrice de valeurs mobilières.
    • Don de valeurs mobilières.
    • Droit des valeurs mobilières.
    • Échange de valeurs mobilières.
    • Échéance des valeurs mobilières.
    • Émetteur, émettrice de valeurs mobilières.
    • Émission de valeurs mobilières.
    • Entiercement de valeurs mobilières.
    • Fonds de valeurs mobilières.
    • Investissement de valeurs mobilières.
    • Livraison de valeurs mobilières.
    • Marché des valeurs mobilières.
    • Mise en commun de valeurs mobilières.
    • Mise en gage de valeurs mobilières.
    • Nantissement de valeurs mobilières.
    • Opérations sur valeurs mobilières.
    • Organisme de réglementation des valeurs mobilières.
    • Placement de ou en valeurs mobilières.
    • Preneur ferme, preneuse ferme de valeurs mobilières.
    • Souscription 1 et 2 de valeurs mobilières.
    • Titulaire de valeurs mobilières.
    • Transfert de valeurs mobilières.
    • Valeur des valeurs mobilières.
    • Acheter, acquérir des valeurs mobilières.
    • Aliéner des valeurs mobilières.
    • Avoir le contrôle, la direction, la propriété bénéficiaire, véritable de valeurs mobilières.
    • Déposer des valeurs mobilières.
    • Détenir des valeurs mobilières.
    • Échanger des valeurs mobilières.
    • Émettre des valeurs mobilières.
    • Faire le commerce, se livrer au commerce des valeurs mobilières.
    • Investir dans des valeurs mobilières.
    • Mettre en gage des valeurs mobilières.
    • Nantir des valeurs mobilières.
    • Placer des valeurs mobilières.
    • Prendre livraison de valeurs mobilières.
    • Souscrire à des valeurs mobilières.
    • Transférer des valeurs mobilières.
    • Transporter des valeurs mobilières.
    • Vendre des valeurs mobilières.
  8. On dit d'une personne physique ou morale qu'elle possède une valeur active pour désigner le fait qu'elle détient un élément d'actif ou un bien, qu'elle en est le propriétaire. Il ne faut pas confondre cette valeur avec la valeur actuelle, qui est celle d'un bien au jour où cette valeur est établie. Elle s'apparente à ce qu'on appelle sa juste valeur marchande.

    La valeur locative d'un bien correspond à la valeur fondée sur le revenu que rapporte un immeuble donné en location. La valeur marchande s'entend de la valeur vénale, de la valeur de ou du marché ou du prix de marché, du prix courant de ce bien, de sa valeur commerciale, c'est-à-dire de sa valeur d'échange fondée sur son prix courant.

  9. En droit économique, la valeur du bien ou d'un service s'entend de son importance ou de son prix considéré du point de vue de son caractère économique et mesurable dans les lois du marché, au regard, notamment, de son coût. C'est sa qualité essentielle pour celui qui le possède ou qui le fournit, selon le cas. Valeur d'un achalandage, d'un achat, d'une acquisition.

    La valeur d'usage est la satisfaction que tire de l'usage ou de l'utilisation du bien ou du service son possesseur. Valeur ajoutée d'un produit. Activité à valeur ajoutée. Taxe à la valeur ajoutée (TVA).

  10. En droit bancaire, la date ou le jour de valeur est la date de référence à partir de laquelle l'établissement financier commence à calculer des intérêts débiteurs sur un prêt qu'il a consenti ou des intérêts créditeurs sur un dépôt qu'il a reçu.

    Selon le point de vue adopté, la date de valeur s'appelle également date de débit comptable ou date de crédit comptable. « Sur la plupart des relevés de compte apparaissent deux dates : une date d'opération et une date de valeur. Les dates de valeur correspondent aux dates à partir desquelles les opérations effectuées sur un compte bancaire sont prises en compte, que ce soit au débit ou au crédit d'un compte. » Principe de fonctionnement des dates de valeur. Date de valeur antérieure, postérieure à la date de l'opération. Débiteur, débitrice, créditeur, créditrice en valeur.

    Dans l'actualité jurisprudentielle, les systèmes des dates de valeur font l'objet de contestations judiciaires, la question posée aux juges étant de savoir si les dates de valeur constituent des clauses abusives, vu, entre autres, la rapidité nouvelle produite par le progrès du traitement informatique. Délai de valeur.

  11. Dans le droit des entreprises, la valeur actualisée correspond à celle qui résulte des bénéfices futurs de l'entreprise à un taux de rendement approprié. La valeur capitalisée est celle d'un bien déterminée par la capitalisation des revenus ou des bénéfices qu'elle produit.

    Sa valeur corporelle (et non [tangible]) est celle de son actif, que l'on appelle valeur de l'actif corporel et dont l'antonyme est la valeur de l'actif incorporel. Valeur corporelle nette. La valeur comptable s'entend de la valeur de son actif net. La valeur nette réelle et la valeur comptable sont, en ce sens, synonymes. Valeur intrinsèque d'une entreprise. La valeur patrimoniale de l'entreprise correspond à la valeur de son actif, tant corporel qu'incorporel.

  12. Dans le droit de la fiscalité, lorsqu'il s'agit de prélever une taxe ou un droit sur des marchandises et que ce prélèvement s'effectue en fonction de la valeur de la marchandise, on emploie une méthode de calcul dite ad valorem, c'est-à-dire un calcul effectué suivant la valeur de la marchandise; on dit aussi que le prélèvement est fait à la valeur ou sur la valeur.
  13. Dans le droit des assurances, la clause de valeur de remplacement doit être distinguée de la clause de valeur à neuf. La première garantit à l'assuré la valeur correspondant au prix d'achat ou de reconstruction de son bien en cas de perte ou de sinistre. La seconde a pour objet de garantir à l'assuré, moyennant paiement d'une prime de la valeur à neuf, que son bien sinistré ainsi assuré sera remplacé en fonction de sa valeur totale de remplacement, peu importe l'état de vétusté dans lequel il se trouvait avant la survenance du sinistre.

    La valeur déclarée d'un bien assuré est celle que l'assuré déclare ou indique dans la proposition d'assurance et en fonction de laquelle sera fixée la valeur de la prime qu'il devra payer pour assurer son bien.

    On appelle valeur à dire d'expert, valeur d'expertise ou valeur estimative la valeur d'un bien telle qu'elle est calculée ou appréciée par un expert au moyen de méthodes d'évaluation reconnues par la profession et réglementées légalement. Montant de la valeur à dire d'expert. Valeur d'un bien à dire d'expert. Contester la valeur d'un véhicule à dire d'expert. Expertise en valeur.

    La clause de valeur agréée est celle qui permet à l'assureur et à l'assuré d'attribuer à un objet un prix convenu d'un commun accord. Cette attribution commune de la valeur se fait généralement par l'entremise d'un expert. La valeur déterminée, fixée, assignée, attribuée, donnée ou établie permettra de calculer l'indemnité à verser en cas de sinistre.

    La valeur vénale du bien assuré est celle du prix de vente de ce bien avant tout sinistre. Elle est égale à la valeur à neuf du bien, déduction faite de sa vétusté. Valeur vénale immobilière.

    La valeur de sauvetage est la valeur appréciée au jour sinistre des pièces et matériaux encore utilisables après la survenance du sinistre. « En cas de perte totale ou de destruction du véhicule assuré entrant dans le cadre d'une garantie dommage souscrite, le montant de l'indemnité sera le montant de la valeur à dire d'expert, déduction faite, le cas échéant, de la valeur de sauvetage. »

  14. Indépendamment de son domaine d'application et de ses occurrences, le mot valeur, au propre comme au figuré, s'accompagne le plus souvent d'un déterminant adjectival ou substantif. En voici un bref aperçu.

Syntagmes et phraséologie

VERDICT

Le mot verdict vient de l'anglo-normand verdit, emprunté au latin médiéval veredictum signifiant littéralement qui est dit en vérité. En ancien français, il signifiait vrai-dire. À cause de cette origine anglo-saxonne, des lexicographes ont attesté les deux prononciations : verdic (on ne prononce que la lettre c) et verdict (on prononce les lettres ct). Cette dernière prononciation a vite supplanté la première dans l'usage général, notamment parce qu'elle correspond à la graphie du mot. Par conséquent, pour prononcer correctement le mot verdict, il faut faire entendre les lettres c et t.

  1. C'est par extension de sens et improprement que l'on dit que les juges ont rendu leur verdict ou que le tribunal prononce un verdict. « La Cour ne peut substituer son verdict à celui du jury. » L'arrêt 1 d'une cour n'est pas un [verdict].

    Proprement, dans les systèmes juridiques où le verdict continue d'exister, le mot renvoie, non à la décision judiciaire, mais à la réponse du jury. « La réponse du jury aux questions qui lui sont posées s'appelle 'le verdict' (veredictum). » Ainsi, on ne dira pas erronément le [verdict] de la Cour, mais sa décision, que ce soit un jugement dans les juridictions inférieures ou un arrêt dans les juridictions supérieures.

  2. Le verdict est le résultat des délibérations du jury, la déclaration solennelle par laquelle, dans une affaire criminelle généralement, mais civile aussi, étant saisi, il statue sur les questions que le juge soumet à sa réflexion.

    Lorsqu'ils se retirent pour délibérer dans le secret, puis reviennent dans la salle d'audience pour se prononcer sur la culpabilité ou la non-culpabilité de l'accusé, les jurés ont la charge de juger une affaire : ils répondront par oui ou par non aux questions qui leur auront été posées.

    Après avoir tiré ses conclusions, le jury est tenu de rapporter un verdict, à peine, s'il refuse de s'acquitter de son devoir, d'être dessaisi. Le verbe rapporter met en relief l'idée que les jurés se sont retirés de la salle d'audience pour délibérer, puis qu'ils sont revenus prendre place sur le banc du jury, encore appelé banc des jurés, pour faire rapport au juge de leur décision. En cet emploi, rapporter signifie prononcer (sens concret, parce que le verdict est rendu oralement) et rendre (sens abstrait, parce qu'il est communiqué au tribunal par écrit avant d'être prononcé). Prononcer, rapporter, rendre un verdict.

  3. Le verdict peut être positif (on dit aussi affirmatif) ou négatif. Dans le verdict positif, l'accusé est déclaré coupable : verdict de culpabilité; dans le verdict négatif, il est déclaré non coupable : verdict de non-culpabilité. Le verdict négatif annonce l'innocence de l'accusé et, par voie de conséquence, son acquittement : verdict d'acquittement, lequel exclut la notion de verdict de culpabilité non établie : verdict exclu ou inadmissible. « Un verdict négatif ne met pas obstacle à ce que la Cour examine si le fait poursuivi, dépouillé des circonstances qui lui imprimaient le caractère d'un crime, n'est pas néanmoins de nature à engager la responsabilité civile de l'accusé. » Le verdict du jury a pour effet de charger d'une accusation ou de décharger de toute accusation la personne accusée. Ainsi, le verdict positif est défavorable à l'accusé, tandis que le verdict négatif lui est favorable.
  4. On ne dit pas le verdict de culpabilité ou de non-culpabilité [du jury], ce qui fait apparaître immédiatement par maladresse l'illogisme de la construction, mais le verdict de culpabilité ou de non-culpabilité rendu par le jury. On ne dit pas non plus verdict [d'innocence]. C'est le juge qui, par suite du verdict de non-culpabilité, déclarera l'innocence de l'accusé.
  5. La règle de droit relative au verdict commande au jury d'être unanime dans sa décision : règle de l'unanimité du verdict. Elle souffre des tempéraments et ne prend appui sur aucun fondement constitutionnel. Dans une instance civile au Nouveau-Brunswick, il suffit que cinq jurés sur sept s'entendent sous tous les rapports à l'égard du verdict à rendre pour emporter décision régulière; ce verdict partagé produit le même effet que s'il s'agissait d'un verdict unanime.
  6. Puisque, en droit canadien, le rôle du jury dans le cadre d'un procès devant juge et jury est d'être le juge du fait ou des faits (on dit aussi l'arbitre des faits) et celui du tribunal, d'être le juge ou l'arbitre du droit, il arrive que le juge ordonne au jury de rendre tel ou tel verdict. En ce cas, on dit, dans une terminologie nouvelle, que le verdict est imposé (plutôt que de dire qu'il est commandé ou dirigé).
  7. Le verdict peut être juste (et non [correct]), raisonnable, prudent, équitable, impartial ou fondé ou, au contraire, s'avérer injuste, déraisonnable, imprudent, inéquitable, partial ou mal fondé.

    Il peut même être inique (et non [pervers]) quand les jurés n'ont tenu aucun compte des témoignages rendus, de la preuve produite ou des instructions, directives ou indications du juge à eux données au début du procès. On le qualifie ainsi pour souligner vivement le fait qu'il est incompatible avec ces éléments obligatoires de leur charge.

    On oppose au verdict général le verdict particulier ou spécial, lequel se limite à énoncer les faits et à abandonner au tribunal la tâche de rendre la décision. On dit d'un verdict qu'il est indéterminé pour signifier que le nom du coupable n'est pas désigné dans le verdict par opposition au verdict déterminé.

  8. Après réception du verdict, le tribunal peut soit demander aux jurés, un par un, leur verdict, soit s'adresser uniquement au chef ou à la cheffe du jury, encore appelés président ou présidente du jury, pour lui permettre de prononcer le verdict.

    Le verdict rendu ayant été vérifié par le tribunal (vérification du verdict), le jury est libéré.

    Sans pouvoir souscrire 1 et 2 au verdict rendu ni l'infirmer, même dans le cas où il est incompatible avec les témoignages rendus au procès, la preuve produite ou les instructions du juge (verdict contraire à la teneur des dispositions), le tribunal a la faculté de tenir compte de circonstances atténuantes 1 dans la détermination de la peine en cas de verdict de culpabilité et dans la sentence infligée.

    Il appartient à la partie à laquelle le verdict est défavorable de décider si elle contestera en appel le verdict rendu. La contestation du verdict entraîne l'interjection d'un appel : interjeter appel du verdict. En cas d'appel (appel formé à l'encontre du verdict, verdict frappé d'appel), le verdict fait l'objet d'un examen : examen du verdict, examiner le verdict; on dit aussi révision du verdict, réviser le verdict.

    En appel, le verdict primitif (le verdict rendu en première instance) pourra être soit rétabli ou confirmé, soit infirmé ou annulé : rétablissement, confirmation, infirmation, annulation du verdict.

  9. Le Code criminel du Canada prévoit que, outre les verdicts de culpabilité et de non-culpabilité, des verdicts spéciaux sont autorisés dans deux cas particuliers : celui de l'aliénation mentale et celui du libelle diffamatoire.

    En droit pénal canadien, le verdict de non-responsabilité criminelle est rendu dans le cas où le jury décide que l'accusé ne peut être tenu pour criminellement responsable, aux yeux du droit criminel, de l'infraction ou du crime reproché.

  10. On peut employer le singulier ou le pluriel dans le cas de pluralité des chefs d'accusation ou des questions posées au jury : on dit aussi bien le jury a rendu son verdict que le jury a rendu ses verdicts, même si le singulier est, en ce cas, plus fréquent.