circonstance

  1. Une circonstance se définit comme un fait de détail, un événement ou une condition qui accompagne un fait principal ou qui concourt à son accomplissement ou à sa réalisation. Circonstances accompagnant un fait donné. En droit, on considère qu'il y a un acte, une opération, une situation et ses circonstances. À moins que le contraire ne résulte de l'acte ou des circonstances. Faire état des faits et des circonstances. Circonstances dans lesquelles a lieu la restitution. Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès. Les circonstances d'une affaire, les circonstances de l'espèce, les circonstances en cause s'entendent des incidents et des particularités qui caractérisent l'instance et dont le tribunal doit tenir compte tant dans son exposé des faits que dans son analyse, dans son appréciation des prétentions et des moyens des plaideurs, dans ses motifs et dans sa décision. « À défaut de déclaration expresse, la preuve de l'intention dépendra des circonstances. » Signes, indices ou autres circonstances donnant lieu à soupçon. « Le juge appréciera toutes les circonstances du cas : la proximité du degré, le lieu de la résidence, l'âge et les aptitudes des intéressés. » « Le procès-verbal énonce la date, l'heure, le lieu et les circonstances de la découverte. » « Tous les enfants dont la filiation est établie ont les mêmes droits et les mêmes obligations, quelles que soient les circonstances de leur naissance. »

    Appréciation des circonstances. « La loi laisse aux juges du fond l'appréciation des circonstances qui établissent la connexité. » « Le juge est souverain appréciateur des circonstances dont il fait dériver ses convictions. »

    Circonstances d'une acquisition, d'un achat. Fiducie réversive découlant des circonstances d'achat ("purchase money resulting trust" en common law).

  2. Il ne faut pas employer de façon interchangeable, les considérant synonymes, l'expression toutes les circonstances de l'affaire et la locution en tout état de cause, laquelle signifie à toute étape de l'instance et non compte tenu de tous les éléments pertinents se rapportant au litige. « La Commission est convaincue que, eu égard à toutes les circonstances de l'affaire (en tout état de cause), la tenue d'une enquête est justifée. »
  3. Dans la formule figée compte tenu des adaptations de circonstance, équivalent français de l'expression latine mutatis mutandis, le mot circonstance entre dans la composition de la locution de circonstance et ne se met jamais au pluriel puisqu'il signifie non pas les adaptations que commandent [les circonstances] ("with such modifications as the circumstances require"), mais les adaptations qui conviennent, celles que commande l'espèce ou celles qui sont utiles en l'espèce. Toutefois, une modification peut être adaptée aux circonstances ("modified according to circumstances"). Comparutions de circonstance et non [occasionnelles] : "occasional appearances". Par exemple, un avocat de l'extérieur du ressort demande au Barreau de la province d'être admis à comparaître lors d'instances déterminées. Autres exemples : une loi de circonstance est une mesure exceptionnelle qui vient justifier une situation particulière. Les infractions de circonstance sont commises par suite d'un fait fortuit qui joue le rôle d'incitateur : fait découlant d'une circonstance passagère.
  4. [Dans toutes les circonstances] est une expression calquée de l'anglais "in all the circumstances". On ne peut pas dire : « Nous avons conclu qu'il serait préférable [dans toutes les circonstances] (= somme toute, tout bien considéré) qu'il interjette appel de sa condamnation. »
  5. Il faut éviter le pléonasme que crée l'expression rencontre [fortuite] de circonstances puisque la rencontre de circonstances implique que deux ou plusieurs événements plus ou moins simultanés se trouvent fortuitement en présence pour former une conjoncture. Rencontre heureuse, malencontreuse de circonstances.
  6. Le mot circonstance (et il en est de même pour le mot disposition au sens de mesure législative, réglementaire ou conventionnelle) s'emploie au pluriel, même si un seul fait est en cause : « Le juge Pigeon a formulé cette position en réponse à une plainte portée dans les circonstances suivantes : le demandeur avait présenté une preuve par affidavit fondée sur des principes scientifiques. »
  7. [En] les circonstances ("in the circumstances") n'est pas français. « Il y a lieu de réserver à la demanderesse tout autre droit ou recours auxquels elle aura droit [en] les circonstances» (= dans les circonstances). «  [En] ces circonstances, l'article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale ne peut trouver application. » (= Dans ces circonstances). Pour accompagner le mot circonstances, la préposition en doit être suivie d'un adjectif : en toutes circonstances, en semblables circonstances, en quelles circonstances, en d'autres circonstances, en pareilles circonstances, en certaines circonstances. « En pareilles circonstances, l'employé lésé doit déposer une plainte auprès de la Commission. » « Le fret est dû à la fin du voyage. Il n'est toutefois pas dû en toutes circonstances. »
  8. Il faut éviter la redondance que comporte le tour les circonstances [entourant] ("circumstances surrounding"), car il y a répétition de l'idée de ce qui est autour. Le mot circonstance est formé du latin circum, qui signifie autour, et de stare, qui signifie se tenir. On ne dit pas : « Le juge a constaté lors de l'interrogatoire du débiteur judiciaire que des circonstances frauduleuses [entourent] la naissance de la dette »; on dirait ici ont donné lieu, ont donné naissance à la dette. De même, à l'article 709 du Code civil du Québec  : « Le testament fait par un majeur après sa mise en tutelle peut être confirmé par le tribunal si la nature de ses dispositions et les circonstances [qui entourent] sa confection (= de sa confection) le permettent. », et aux articles 2471 : « …les circonstances [entourant] le sinistre » (= du sinistre), 2870 : «…les circonstances [entourant] la déclaration » (= de la déclaration) et 3112 : « … compte tenu de la nature de l'acte et des circonstances [qui l'entourent] (= et de ses circonstances). Autres exemples : « La police a rendu publique une déclaration laconique sur les circonstances générales [entourant] le décès » (= les circonstances du décès). Circonstances [ayant entouré] la tenue du procès : les circonstances dans lesquelles s'est tenu le procès. Circonstances particulières [entourant] l'infraction : les circonstances de l'infraction, les circonstances se rapportant à l'infraction ou encore les circonstances liées à l'infraction. Circonstances se rattachant à un fait : « Le sens du verbe séjourner est fondé sur la présence physique du demandeur sur le territoire canadien et sur les circonstances se rattachant à cette présence. »

    Dans le droit de la preuve ou en droit judiciaire, on parle, en common law, de la preuve explicative des circonstances concomitantes ("evidence of surrounding circumstances"), qui est l'une des sortes de preuves explicatives; par exemple, la preuve est rapportée de la situation familiale d'un testateur afin d'expliquer les dispositions de son testament.

  9. Contrairement à l'anglais, le français conçoit mal que l'on parle des [circonstances] d'une personne; on dit plutôt sa situation. Ainsi, le tribunal doit tenir compte des besoins et des circonstances qui peuvent expliquer le comportement du jeune contrevenant (et non de ses [circonstances]. « Le tribunal doit prendre en compte les [circonstances] des père et mère » (= la situation). Mais, on l'a vu précédemment, il est correct de parler des circonstances d'une affaire. « L'article de loi enjoint au tribunal d'avoir égard aux circonstances pour parvenir à sa décision. » S'agissant de l'affaire en cause, on dit les circonstances de l'espèce. Il faut considérer non pas les [circonstances] personnelles de l'accusé, mais sa situation personnelle. « Afin que la 'peine corresponde au crime', le principe de proportionnalité commande l'examen de la situation particulière du délinquant et des circonstances particulières de l'infraction. » ("circumstances of both the offender and the offence").
  10. S'accommoder aux circonstances, c'est s'adapter à elles, s'y plier, s'y soumettre. Être à la hauteur des circonstances, c'est s'acquitter de la tâche à accomplir, être en mesure de relever le défi.
  11. Une circonstance peut être soit disculpatoire (et non [exculpatoire] : "exculpatory"), soit incriminante ou inculpatoire  : "inculpatory". Elle peut prendre la forme d'un événement ou d'une intervention irrésistible. Par exemple, l'acte de Dieu ("act of God"), aussi appelé acte divin, le cas fortuit et la force majeure constituent des circonstances indépendantes de la volonté humaine ou extérieures à celle-ci (et non [hors de son contrôle]) qui sont imprévisibles et irrésistibles. Circonstance fortuite, circonstance imprévisible. Circonstance de force majeure. « La production de cette pièce décisive a été empêchée par une circonstance de force majeure. »

    On dénomme circonstances indépendantes de la volonté (ou des volontés) des parties celles sur lesquelles ces dernières n'exercent aucune maîtrise. On dit aussi circonstances extérieures aux volontés des parties. « Par suite de circonstances extérieures aux volontés des parties, l'accord sur le prix n'a pas pu intervenir. »

    L'expression circonstances extérieures peut signifier simplement une situation non prévue dans une entente ou encore une situation qui ne concerne pas les termes mêmes du contrat, comme, par analogie, la définition que donnent de la faute les auteurs : « erreur de conduite que n'aurait pas commise une personne avisée placée dans les mêmes circonstances extérieures que l'auteur du dommage. » « Lorsque le juge réduit les pénalités contractuelles, doit-il tenir compte des seuls éléments du contrat ou également de circonstances extérieures comme la situation du débiteur? »

  12. Des circonstances peuvent s'avérer impératives, extraordinaires, rares, spéciales, graves et exceptionnelles. Par exemple, l'article 16 de la Constitution française donne au Président de la République des pouvoirs exceptionnels. « Seule l'existence de circonstances exceptionnelles autorise le recours à l'article 16. » Une jurisprudence administrative dite des « circonstances exceptionnelles » (temps de guerre, insurrection appréhendée, états d'urgence) et reflet de la théorie de la nécessité (encore appelée doctrine de la nécessité, selon la matière envisagée) s'est développée, qui établit que, dans ces périodes de trouble, sont réputés réguliers des actes qui, en temps normal, seraient illégaux, ou vice versa. Prendre les mesures que commandent les circonstances exceptionnelles.

    Des circonstances peuvent aussi être qualifiées de nouvelles (relèvement d'une déchéance pour circonstances nouvelles), d'incidentes (celles dans lesquelles un acte a été accompli), de concomitantes (celles qui surviennent en même temps que d'autres), d'inhérentes à une personne (celles qui n'ont d'effet que sur la responsabilité de celle-ci) et d'objectives (celles qui excluent la responsabilité).

    Autres qualifications : circonstances accidentelles, actuelles, additionnelles, analogues, appropriées, bénignes, décisives, déterminées, difficiles, discordantes, économiques, extérieures, extraordinaires, extrêmes, factuelles, fortuites, historiques, impérieuses, imprévisibles, imprévues, inconnues, limitées, particulières, passagères, pertinentes, plausibles, précaires, présentes, pressantes, propices, restreintes, suffisantes, systémiques.

  13. En matière de responsabilité pénale, les faits qui obligent le juge à prononcer une peine plus sévère contre l'accusé sont dénommés circonstances aggravantes (remarquer le doublement du g), les circonstances atténuantes (et non [exténuantes] : "extenuating circumstances") pouvant, au contraire, lui permettre de faire preuve de clémence. « Le ministre estime que des circonstances atténuantes justifient une exception à la règle. » « À l'issue des débats, des questions sur la culpabilité de l'accusé et les circonstances aggravantes sont posées au jury. » Les circonstances atténuantes jouent en faveur de l'accusé, elles lui sont favorables, tandis que les circonstances aggravantes pèsent contre lui. Bénéficier des circonstances atténuantes. Accorder le bénéfice des circonstances atténuantes. Souffrir des circonstances aggravantes. Accorder, octroyer les circonstances atténuantes au délinquant, au contrevenant, à l'accusé.

    Dans les procès criminels, la peine doit être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction. Sont notamment considérés comme circonstances aggravantes des éléments de preuve établissant l'harmonisation des peines. Le juge qui détermine la peine doit apprécier les circonstances particulières de l'affaire dont il est saisi, à savoir les facteurs aggravants ou atténuants, la nature de l'infraction, la situation de la collectivité au regard de ce genre d'infraction et la possibilité de fixer des conditions permettant de bien refléter la condamnation sociale de l'infraction.

    Le rôle des avocats en présence sera de faire ressortir les circonstances aggravantes ou atténuantes, selon le cas. Généralement, le poursuivant, soit le ministère public (appelé la Couronne dans les provinces canadiennes), énumérera, en tant que circonstances aggravantes ou facteurs d'aggravation, la préméditation, la gravité et la nature de l'infraction, l'abus de confiance, s'il en est, le caractère répétitif du crime, l'incidence de ce genre de crime dans la région, le casier judiciaire ou les antécédents judiciaires du contrevenant, les effets du crime sur la victime et sur la collectivité, la vulnérabilité de la victime, le besoin de dénonciation et de dissuasion, les sommes d'argent en cause, s'il en est, le fait que l'accusé a refusé de reconnaître sa culpabilité, la nécessité de respecter les principes de la proportionnalité, la jurisprudence pertinente et la situation particulière de l'accusé, notamment sa conduite depuis la commission du crime, son âge, sa personnalité et le contenu du rapport présentenciel. De son côté, la défense mettra en évidence, au nombre des circonstances atténuantes, la situation de famille de l'accusé, le rôle positif qu'il joue dans son milieu de travail, sa participation active à la vie communautaire et sa bonne réputation, l'absence d'antécédents judiciaires, son remords et sa situation financière difficile ainsi que la bienveillance du tribunal à l'égard de l'accusé.

  14. En droit international, des contrats, des conventions ou des traités peuvent être révisés pour cause d'imprévision ou de changement fondamental de circonstances. Les États peuvent invoquer la règle du changement fondamental de circonstances ("rebus sic standibus") en se fondant sur l'article 62 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. « Le changement fondamental de circonstances, au sens de l'article 62, n'est pas invocable pour les traités établissant une frontière. » Ce changement fondamental de circonstances constitue un motif extérieur au traité justifiant le retrait de l'adhésion au traité ou l'extinction de celui-ci. Lorsque ce principe peut être invoqué, il doit s'agir d'un changement essentiel, qui porte sur une base fondamentale du consentement à être lié et qui modifie radicalement la nature des obligations qui restent à exécuter en vertu du traité.

Syntagmes

CIRCONSTANCIÉ, ÉE/CIRCONSTANCIEL, IELLE

Ces deux adjectifs sont des paronymes. C'est dire que, presque semblables par la forme et étant sémantiquement différents, ce sont aussi des quasi-homonymes. Puisqu'un usage fautif les confond parfois, il convient de les signaler à l'attention.

Le premier relève du style soutenu de la langue courante, le second est un terme technique appartenant au vocabulaire du droit pénal canadien.

  1. Le verbe circonstancier (circonstancier une affaire, un fait) est vieilli et n'est usité que comme participe passé employé comme adjectif. Est circonstancié ce qui est détaillé, ce qui relate minutieusement toutes les circonstances, ce qui expose dans le menu détail des situations, des événements, des faits, des conclusions. Une analyse qui est succincte n'est pas [circonstanciée]. Un rapport circonstancié ("detailed", "full", "complete" ou "comprehensive report") ou un compte rendu circonstancié présente avec toutes les précisions nécessaires un état des faits. Le paragraphe 27(1) de la Loi sur l'immigration (Canada) prévoit que « [l'] agent d'immigration ou l'agent de la paix doit faire part au sous-ministre, dans un rapport écrit et circonstancié, de renseignements concernant un résident permanent (…) ». « Le rapport qui nous a été présenté est exhaustif et très circonstancié. » Les rapports d'arbitres et d'experts, de police et de médecins légistes sont toujours circonstanciés étant des comptes rendus des détails d'une activité particulière. Une appréciation, une évaluation circonstanciée seront ainsi qualifiées si elles se fondent principalement sur des justifications écrites. Une ordonnance circonstanciée énonce toutes les conclusions qui obligent le tribunal à la prescrire. Des faits, des événements sont qualifiés de circonstanciés parce qu'ils sont rapportés avec toutes leurs circonstances et qu'ils comportent de nombreux détails. Fait bien circonstancié, relation bien circonstanciée. Des chefs d'accusation sont circonstanciés quand ils énumèrent de façon précise et explicite tous les éléments qui caractérisent l'accusation portée. Affidavit, exposé, préavis circonstancié. Relater des faits de façon circonstanciée.

    Ne pas confondre avis circonstancié (lequel donne tous les détails pertinents en l'espèce) et avis motivé (lequel énonce tous les motifs d'une décision). En common law, l'action pour atteinte indirecte ("action on the case") est parfois appelée action fondée sur une transgression circonstanciée, l'adjectif étant pris ici au sens de transgression indirecte. Une preuve circonstanciée entre dans tous les détails des faits à établir et présente toutes les circonstances des faits à prouver. « Ces sanctions présupposent la preuve d'un manquement déjà réalisé ou imminent de la part du grevé, alors que la preuve de la nécessité de fournir une sûreté peut être beaucoup plus circonstanciée et mettre en cause le comportement habituel du grevé, son aptitude générale à remplir les obligations de la nature de celles qui lui sont imposées, l'importance des biens substitués par rapport à son actif personnel ou toute autre circonstance jugée suffisante par le tribunal. »

  2. La preuve circonstancielle (remarquer l'orthographe cielle et non [tielle], quant à elle, se fonde sur des indices (on pense à des sortes de preuve apparentées comme la preuve indiciaire, en droit français, ou preuve présomptive), elle repose sur des présomptions, elle se rapporte à des faits indirects plutôt qu'à des faits directement observés. Elle résulte non d'une règle de droit, mais de circonstances qui rendent un fait extrêmement vraisemblable. « Blackstone enseigne qu'à défaut de preuves positives, qui doivent toujours être requises lorsqu'il est possible d'en obtenir, on doit avoir égard aux présomptions, c'est-à-dire aux preuves induites des circonstances qui, nécessairement ou communément, accompagnent un fait donné. » Au Canada, dans le droit de la preuve, l'équivalent preuve circonstancielle ("circumstantial evidence") est normalisé et doit s'entendre, en dépit des partisans de l'équivalent preuve indirecte (lequel rend plutôt le terme "indirect evidence", qui évoque la preuve par ouï-dire, d'une preuve non fondée sur une connaissance personnelle effective ou sur l'observation des faits en litige, mais sur d'autres faits ou sur des témoignages qui permettent de tirer des déductions, qui attestent indirectement les faits à établir. « Le processus d'appréciation de la preuve demeure le même, que l'affaire soit fondée sur une preuve circonstancielle ou sur une preuve directe. »

    Une jurisprudence libérale admet qu'un commencement de preuve peut résulter d'une preuve circonstancielle. « Au procès, le ministère public a présenté une preuve circonstancielle qui incrimine l'appelant. » Ce principe est codifié par l'article 2865 du Code civil du Québec : « Le commencement de preuve peut résulter d'un aveu ou d'un écrit émanant de la partie adverse, de son témoignage ou de la présentation d'un élément matériel, lorsqu'un tel moyen rend vraisemblable le fait allégué. »

    Force probante de la preuve circonstancielle. La preuve circonstancielle est un genre de preuve qui constitue souvent un facteur déterminant dans les affaires criminelles. Ce peut être une preuve de faits similaires. Elle constitue un des éléments de preuve à examiner parmi l'ensemble de la preuve rapportée. Sa force probante tient à la mesure dans laquelle elle renforce, par l'improbabilité d'une coïncidence, d'autres éléments de preuve inculpatoires. Établir une preuve circonstancielle, c'est dresser la mosaïque des événements qui ont précédé et suivi le fait incriminé. Preuve circonstancielle de la perpétration de l'infraction substantielle. Par exemple, la production d'une preuve circonstancielle est fréquente dans les affaires de possession de stupéfiant. Ainsi la découverte d'une drogue cachée dans une voiture appartenant à un accusé et conduite par lui au moment de la saisie constitue-t-elle une preuve circonstancielle qui permet au juge d'inférer que l'accusé détenait sciemment la drogue en un lieu pour son propre usage ou avantage, ce qui constitue la possession au sens du Code criminel du Canada. La preuve circonstancielle pourra suffire à établir que l'objet utilisé dans la commission de l'infraction était une arme à feu quand le juge du procès est convaincu que les témoignages rendus de vive voix lui permettent d'inférer que l'objet en question était bien une arme à feu.

    Dans quelles circonstances un verdict de culpabilité peut-il être fondé sur une preuve circonstancielle? Pour conclure à la culpabilité, il faut que la seule explication logique de la preuve circonstancielle soit que le défendeur a commis le crime. Tirer cette conclusion est essentiellement une question de fait qui résulte d'une appréciation de la preuve appartenant au jury ou au juge, le cas échéant. Une déclaration de culpabilité fondée sur une preuve circonstancielle nécessite qu'un juge fasse certaines inférences au regard des faits prouvés, les inférences devant toutes être logiquement tirées de la preuve et ne pouvant se réduire à de simples hypothèses, conjectures, suppositions ou soupçons. Il incombe au poursuivant d'établir que la culpabilité de l'accusé est la seule inférence logique qui puisse découler des faits prouvés. Si d'autres inférences raisonnables peuvent résulter de la preuve, l'accusé doit être acquitté. « C'est une règle de droit bien connue que la preuve directe n'est pas essentielle à l'obtention d'une déclaration de culpabilité et que la preuve circonstancielle peut suffire à cette fin si elle est « hors de tout doute raisonnable », comme l'exige la norme de preuve. » Règles de droit régissant la preuve circonstancielle. Preuve circonstancielle irrésistible.

  3. L'adjectif circonstanciel s'emploie aussi à propos de la règle du ouï-dire et de ses exceptions. S'agissant de déclarations faites, le juge doit s'assurer pour leur admission de leur garantie circonstancielle de fiabilité ou d'honnêteté. « Comme le juge en chef le mentionne dans cet arrêt, il y a des situations où la garantie circonstancielle de fiabilité justifiait l'admission de la preuve sans que celle-ci puisse être vérifiée au moyen d'un contre-interrogatoire. » Preuve circonstancielle visant à corroborer ou à confirmer les dires d'un enfant.

    Les principes qui doivent régir la création des exceptions à la règle du ouï-dire et l'admission de la preuve sont la nécessité de cette preuve pour établir un fait litigieux et sa fiabilité. Deux critères sont ici en jeu : La réception de la déclaration (d'un mineur, par exemple) est-elle nécessaire? Quelle garantie circonstancielle de fiabilité le témoignage rendu offre-t-il? « Cette norme plus souple est fondée sur la nécessité et sur la garantie circonstancielle d'honnêteté. »

    Autres occurrences relevées dans la documentation : affaire circonstancielle ("circumstancial case"), dérogation circonstancielle et loi circonstancielle (on eût pu dire mieux : loi de circonstance ("occasional act") par opposition à loi-cadre et disposition circonstancielle ou provisoire dans le dispositif d'une loi.

clore/clos/close/clôture/clôturer

Le verbe clore ne prend l'accent circonflexe qu'à la troisième personne de l'indicatif présent : il, elle clôt. Ce verbe défectif ne s'emploie plus dans l'usage courant qu'à l'infinitif et au participe passé. Mais, puisque les juristes doivent dans leurs écrits recourir au style soutenu, il convient de donner de ce verbe la conjugaison la plus complète possible.

Clore étant un verbe de la quatrième conjugaison, on fera attention dans l'emploi du futur : je clorai, ils cloront (et non je [clorerai], ils [cloreront]; on remarquera aussi que l'imparfait (de l'indicatif et du subjonctif) et le passé simple sont inusités.

Je clos, ils closent. J'ai clos, ils ont clos. J'avais clos, ils avaient clos. J'eus clos, ils eurent clos. J'aurai clos, ils auront clos. Que je close, que nous closions, qu'ils closent. Que j'aie clos, qu'ils aient clos. Que j'eusse clos, qu'il eût clos, qu'ils eussent clos. Je clorais, ils cloraient. J'aurais clos, ils auraient clos. J'eusse clos, il eût clos, ils eussent clos. Clos, close. Ayant clos, closant. Avoir clos.

Clore est transitif direct (« Tout propriétaire peut clore son héritage. ») et s'emploie comme pronominal (« Le propriétaire qui veut se clore perd son droit de parcours et vaine pâture en proportion du terrain qu'il soustrait. »). Obliger son voisin à se clore (on dit aussi à se clôturer). « Le droit de se clore est le droit du particulier à s'affirmer chez lui. » « En droit anglais, celui qui occupe une terre n'est pas tenu vis-à-vis du public de se clore, même quand il jouit de la grand-route. »

L'adjectif clos entre dans la composition de locutions adverbiales : en vase clos (en secret, sans tenir compte du contexte) et à huis clos (sans la présence du public) et d'expressions : faire remise, sous pli clos et cacheté, de l'original du testament; testament clos et cacheté, puis scellé.

  1. Au sens propre, clore signifie fermer, boucher : espace clos; clore de murs un jardin; clore une lettre (la cacheter). « La police a clos toutes les issues. ». Il a pour synonymes enclore et clôturer.

    Au figuré, il signifie finir, amener à une fin, mettre un terme à quelque chose, achever, conclure, terminer : on clôt une discussion, un sujet, une question, un examen, un débat, une plénière, une séance, un compte, un marché, sa preuve, un procès, une succession.

  2. Clore a pour nom verbal clôture : « Tout propriétaire a le droit de clore son héritage, à la condition toutefois de laisser dans sa clôture des ouvertures suffisantes pour le libre écoulement des eaux des fonds supérieurs. » C'est de ce substantif qu'a été tiré le verbe clôturer, encore aujourd'hui objet, à tort, de critiques et de débats chez les grammairiens, plusieurs, en dépit d'un usage devenu généralisé, n'admettant clôturer qu'au seul sens concret de entourer de clôtures.

    Cependant, dans l'usage, les deux verbes entrent en concurrence et se disputent les cooccurrents, ce qui augmente la confusion dans les esprits et justifie les hésitations. Par exemple, on dit aussi bien clore que clôturer les débats, clore que clôturer une session. C'est que, dans un sens général, les deux verbes signifient déclarer clos, terminé, mettre un terme à quelque chose.

    Il faut dire qu'une nuance distingue ces deux synonymes : clore a le sens de mettre fin définitivement, avec autorité, tandis que clôturer n'a pas l'idée d'arrêt définitif mais provisoire : clore les débats, c'est y mettre un terme définitif, les clôturer, c'est les suspendre temporairement. La distinction est similaire s'agissant d'une session.

    De même dans la langue de la comptabilité : clôturer un compte, c'est l'arrêter provisoirement, mais le clore, c'est le terminer, l'arrêter d'une façon définitive.

    Clore une affaire, un marché, c'est amener une transaction ou un contrat à son règlement définitif, mais, à la Bourse, clôturer en ou à la hausse, c'est terminer une séance de bourse pour la reprendre le lendemain (si ce jour est ouvrable) alors que les cours de clôture ont augmenté. La clôture du marché marque la fin de la séance. Cours de clôture.

    On peut clore une fête, une journée, un inventaire, un état, une série, une enquête, une négociation, un incident, une lettre, un passage, un chapitre, une liquidation ou un compte, bref, tous faits considérés comme se déroulant dans le temps. Par exemple, s'il est vrai que l'on peut ouvrir un dossier, en commencer l'examen, puis le fermer, il reste qu'on ne peut pas le [clore]. Un dossier ne peut pas être [clos] puisque ce n'est pas une réalité dynamique, un événement, une situation en progrès. On dit plutôt qu'une affaire est classée, qu'elle est close. De même, on dit bien ouverture et clôture du scrutin, clôture des mises en candidature : ces réalités étant en mouvement, elles peuvent être clôturées ou closes.

    On dit aussi clôturer un contrat au sens de le parachever, clôturer une convention (date de clôture : "date of completion"), clôturer une opération, une transaction.

    Mais clore et clôturer ne s'emploient pas toujours de façon interchangeable et ne sont pas accompagnés nécessairement par les mêmes cooccurrents. Le requérant a clos sa preuve (il ne peut pas la [clôturer]) : « Le fait que la demanderesse ait clos sa preuve ne doit pas empêcher le Ministère de faire appliquer les dispositions de la loi. » Le juge clôt son jugement par un dispositif, il ne peut le [clôturer]; mais il peut fort bien clôturer l'audience. « Le juge a clôturé l'audience par un rappel très énergique des nécessités d'observation des Règles de procédure. » On ne dit pas la [clôture] de l'exposé de la poursuite, mais on se sert d'une tournure différente : par exemple, avant que la poursuite n'ait terminé son exposé. On ne dit pas d'un compte bancaire qu'il est [clos] ("closed account") pour exprimer l'idée qu'il est soldé ou fermé. Mais, en matière de tutelle ou en comptabilité, on dit correctement clôture de compte. Par ailleurs, une société commerciale est fermée ("closed corporation") et non [close].

  3. Quand il faut employer un substantif, clôture se présente à l'esprit dans l'énoncé syntagmatique là où le participe clos devient l'équivalent : en matière de faillite aussi bien que dans les régimes matrimonial et successoral : publication de la clôture d'une liquidation, liquidation close (« La liquidation est close par le dépôt de l'avis de clôture au même lieu que l'avis de dissolution. »), mais, en droit commercial, on parle d'une vente de liquidation et non d'une vente de [clôture]. Autres exemples : ordonnance de clôture, ordonnance close; clôture de l'instruction, instruction close; clôture de période, période close (dans un acte hypothécaire); clôture de la controverse, controverse close; clôture d'une session, session close; séance de clôture, séance close; clôture d'une liste, liste close; clôture d'un procès-verbal, procès-verbal clos; clôture de l'inventaire successoral, inventaire clos; clôture de l'hypothèque, hypothèque close, et ainsi de suite.

    La clôture ("closing" ou "close") désigne aussi la conclusion d'une opération ou d'une procédure. La clôture ou la conclusion des plaidoiries ou des débats en droit procédural est le moment à partir duquel les parties ne peuvent plus plaider ou déposer des pièces ou des conclusions. « Après les plaidoyers, le juge prononce la clôture des débats. » Clore le voir-dire, clôture du voir-dire.

    En droit commercial et dans le droit des contrats, la clôture ou la conclusion désigne le fait de mettre un terme à une opération, en particulier un contrat de vente immobilière, pour exécuter le contrat. La procédure de clôture ou de conclusion implique l'échange et l'examen du titre et des documents connexes ainsi que la remise des sommes nécessaires. Date de clôture (ou date limite). Note de clôture. Relevé de clôture. Frais de clôture. Rajustement de clôture. Document de clôture. Clôture sous condition ("escrow closing"), clore sous condition ("to close in escrow").

    En matière de faillite, la clôture des opérations de faillite pour insuffisance d'actif apparaît plus comme une suspension des opérations qu'un véritable arrêt définitif. « S'il est reconnu que l'actif ne suffit pas pour couvrir les frais présumés d'administration, le tribunal du commerce pourra prononcer la clôture des opérations de la faillite. » Décision prononçant l'annulation, la levée ou la clôture de la faillite. Clôture de la liquidation. « Les scellés ne peuvent plus être apposés lorsque l'inventaire est clôturé. »

  4. La procédure parlementaire canadienne prévoit diverses mesures pour limiter la durée des débats, empêcher la présentation d'amendements et répartir utilement le temps dont dispose la Chambre.

    La clôture ("closure") est une procédure qui permet à la Chambre, en mettant fin au débat, de se prononcer sur la question en discussion. Elle mène le débat à sa conclusion et force la Chambre à donner une solution à une question encore discutée. Demander, proposer la clôture du débat. Avoir recours, procéder, recourir à la clôture. Parler contre ou pour la clôture. Employer la clôture (pour faire adopter un projet de loi). Appliquer, imposer, prononcer la clôture à un débat (sur un amendement). Débat assujetti à la clôture. Clôture restreinte. Clôture de la session parlementaire ("adjournment of the session"). Par la force de la clôture ("by closure").

    La règle de clôture ("closure rule") permet à un ministre de présenter une motion afin de mettre un terme au débat et d'obtenir une décision de la Chambre sur la question à l'étude. La motion de clôture ("closure motion") s'applique non seulement à la motion principale, mais encore à toutes les propositions d'amendement dont elle pourrait faire l'objet. Admissibilité de la motion de clôture. Motion de clôture en bonne et due forme. « La motion de clôture vaut pour toutes les motions subsidiaires qui découlent de la motion principale. »

  5. La délimitation foncière est une opération juridique qui consiste à déterminer matériellement la surface sur laquelle s'exerce un droit de propriété. Par exemple, s'agissant d'une parcelle, cette opération permet de localiser le passage de la ligne continue qui entoure une portion du sol considérée comme formant un tout.

    Sont utilisés à cette fin des signes sensibles : des bornes pour circonscrire sa propriété, une clôture ("enclosure", "fence" ou "fencing") pour clore son terrain ou son héritage. Faculté de clore son fonds. Clôturer sa propriété. Héritage clos, non clos de son voisin. Signe juridique du droit des biens, la clôture définit une aire de jouissance exclusive. On clôt son terrain pour en interdire définitivement l'accès. « Tout propriétaire peut clore son terrain à ses frais, l'entourer de murs, de fossés, de haies ou de toute autre clôture. » Ainsi, une ligne de clôture sera constituée d'un mur, d'une haie, d'un fossé, d'un treillage, de fils métalliques ou de tout autre dispositif équivalent. Mur de clôture. Piquet de clôture. Clôture solide ("substantial fence"). Clôture de fil barbelé, en treillis.

    En droit canadien, la clôture est une clôture de bornage ("boundary fence" ou "line fence") ou une clôture de séparation ou clôture séparative ("dividing fence" ou "division fence") : la première est une enceinte construite entre deux propriétaires partageant une limite commune, tandis que la seconde (qu'il ne faut pas confondre avec la ligne séparative ou ligne de séparation, encore appelée ligne divisoire : "dividing line" ou "division line") est une clôture érigée entre deux propriétaires partageant une réserve routière commune non ouverte passant entre eux. Elle est qualifiée de légale ("lawful fence") lorsqu'elle doit être installée conformément aux dispositions de la loi.

    On construit, on édifie, on dresse, on élève un ouvrage de clôture ou une clôture autour de son bien-fonds, sur une limite; on procède à son implantation. « Celui qui occupe une terre n'a pas le droit, sous exception, d'obliger son voisin à élever ou à entretenir une clôture. » On installe une clôture ou, au contraire, on la supprime, on la détruit. Élagage et distances des clôtures. Inspecteur des clôtures.

  6. La clôture sert exclusivement à séparer un fonds, un terrain d'un autre, à faire de son héritage un domaine clos. Réaliser une clôture. Clôture continue et constante.

    Est présumée ou réputée mitoyenne la clôture qui sépare des héritages, qui se trouve sur la ligne séparative ou divisoire des fonds contigus. Un héritage ou un terrain est dit en état de clôture lorsqu'il se trouve entouré d'une telle enceinte. La clôture mitoyenne doit être entretenue à frais communs. En droit civil québécois, la clôture est présumée mitoyenne même si un seul fonds est clôturé, à la condition qu'elle soit érigée sur la ligne séparative.

    La clôture faisant séparation de maisons, de cours ou de jardins doit être construite, réparée, entretenue. Hauteur de la clôture commune. Rétablissement du mur de soutènement et de clôture. Clôture privative ou mitoyenne. Prouver la nature mitoyenne ou primitive d'une clôture.

    La clôture du droit civil relève d'un régime juridique différent de la clôture en common law. En revanche, le droit de clôture sous-entend dans ces deux systèmes les mêmes droits : celui d'exclure autrui de la jouissance de son bien et celui d'entourer sa propriété d'un obstacle marquant cette volonté. L'obligation de réparer les clôtures est la même : le propriétaire d'un fonds peut être tenu de réparer une clôture. Frais de réfection d'une clôture. Dégrader une clôture. Vétusté de la clôture.

    En droit civil, le bris de clôture est un délit qui consiste à détruire une enceinte formant clôture. Escalade ou effraction des clôtures.

    En common law, un clos ("close") est une parcelle, clôturée ou non, dans laquelle une personne a au moins un intérêt possessoire actuel qui lui permettra d'intenter une action en intrusion pour bris de clôture ("breach of close"), soit une intrusion illégale sur son terrain, une violation de propriété privée. Ne pas confondre avec le bris de clôture ("breach of the parameter") en administration pénitentiaire, qualification assimilable au bris de prison ou à l'évasion : voir à l'article BRIS, les points 1a), b) et c).

co-

  1. Contrairement à l'anglais ("co-") et en contre-pied à un usage qui se perd en français, le préfixe co- formant un mot composé avec un substantif, un adjectif ou un verbe ne se sépare pas de celui-ci par le trait d'union, sauf si besoin est de mettre en relief l'idée d'accompagnement, de réunion, d'adjonction, d'association ou de simultanéité qu'il évoque.

    Ainsi agglutiné avec un terme technique du droit qui constitue un actant, le préfixe co-, de l'adverbe latin cum signifiant avec, exprime généralement l'idée d'une participation d'une ou de plusieurs personnes à un acte, à un événement ou à une opération juridiques. Lorsque le substantif ainsi formé est au singulier, il faut comprendre qu'une seule personne intervient ou s'associe à l'acte, à l'événement ou à l'opération; si le substantif est pluriel, plus de deux personnes sont en cause. Coauteur, coauteurs d'une infraction. « Est considérée comme coauteur la personne qui intervient de façon particulièrement active dans la commission de l'infraction. Tel est le cas de celui qui met en circulation un chèque qui lui a été remis en blanc. » « La jurisprudence admet que le délit est en ce cas l'œuvre de plusieurs coauteurs. »

  2. Lorsque le substantif agglutiné au préfixe co- commence par la lettre i, cette lettre doit porter le tréma pour indiquer que les syllabes ne se prononcent pas coin, mais co-in. Ainsi en est-il des mots coïnculpé, coïndivisaire et coïntéressé.
  3. Tout en marquant linguistiquement une fonction d'association, le préfixe co- n'exprime pas nécessairement et dans tous les cas le même degré de participation. Les notions exprimées comportent toutes d'une certaine manière l'idée de simultanéité, mais à des degrés divers : le cohéritier, par exemple, hérite en même temps et le coaccusé est accusé en même temps, mais le premier terme comporte une idée plus poussée, plus forte que la seule notion temporelle de simultanéité.
    1. Idée de simultanéité
      coaccusé : « L'accusé et le coaccusé ont été déclarés coupables de meurtre au deuxième degré. »
      « Supposons que deux coaccusés, que je nommerai A et B, soient inculpés d'une manœuvre frauduleuse complexe. »
      codécédés : « Si des personnes appelées à la succession l'une de l'autre décèdent sans qu'il soit possible d'établir laquelle a survécu à l'autre, ces personnes sont réputées codécédées. » Voir comourants ci-après.
      codétenu : Le codétenu est une personne détenue en même temps que d'autres dans un même lieu.
      coïnculpé : « Le coïnculpé s'est fait représenter par le même avocat que celui qui occupe pour l'accusé. »
      « Des coïnculpés doivent-ils, une fois accusés, subir un procès conjoint ou des procès distincts? »
      comourants : « Il convient de considérer que chaque comourant, pour les fins de sa propre succession, a survécu à l'autre. »
      Pour une explication concernant la présomption de survie et la théorie des comourants, se reporter à COMMORIENTES.
      colocataire : Le colocataire est locataire avec d'autres personnes d'un immeuble; il n'est pas titulaire de bail comme l'est le locataire ou le preneur à bail.
      « L'entité créée constituait une forme de syndicat de copropriétaires ou de colocataires. »
      coprévenu : « Le policier banalisé s'est fait passer pour un coprévenu. »
      Contre-interrogatoire des coprévenus.
      cosignataire : « La cosignataire a reçu et payé le connaissement. »
      « La jurisprudence a établi que l'existence d'un compte conjoint n'a pas pour effet de constituer les cosignataires du compte propriétaires indivis des sommes figurant au compte. »
      covivants : « Les droits des conjoints et des covivants sont contestés en l'espèce. »
    2. Idée de partenariat
      coadministrateur : « L'administrateur est présumé avoir approuvé toute décision prise par ses coadministrateurs. »
      « Tout administrateur est responsable, avec ses coadministrateurs, des décisions du conseil d'administration. »
      cocontractant : « L'adjudicataire est le cocontractant d'une administration à l'issue de l'adjudication d'un marché public. »
      « L'acte à titre onéreux ne peut être annulé si les cocontractants étaient de bonne foi. »
      coéchangiste : « Est coéchangiste le cocontractant dans un échange. »
      copermutant : « Est copermutant tout échangiste. »
    3. Idée d'opposition commune à un même adversaire
      cobelligérants : « Les États tiers qui se sont alliés à l'État attaqué pour se porter à sa défense sont des cobelligérants dans cette guerre. »
      coconspirateur  : « La preuve de l'existence du complot a été introduite par le ministère public aux fins de l'application de l'exception à la règle du ouï-dire à l'égard des coconspirateurs et comme preuve circonstancielle de la perpétration de l'infraction substantielle. »
      codemandeur : C'est tout demandeur qui se joint à un autre ou à d'autres pour former la partie demanderesse dans une action en justice. Dans l'intitulé Jean Untel et Paul Larue c. Pierre Leduc et Xavier Monet, Paul Larue, comme Jean Untel, est codemandeur.
      « M. et Mme Bienvenue sont codemandeurs dans les actions énumérées en objet. »
      codéfendeur : C'est tout défendeur qui se joint à un autre ou à d'autres pour former la partie défenderesse dans une action en justice. Dans l'intitulé Jean Untel et Paul Larue c. Pierre Leduc et Xavier Monet, Xavier  Monet est codéfendeur. « Le demandeur intente une action pour négligence contre plusieurs codéfendeurs. »
      colitigant : Est colitigant celui qui, dans un procès, se trouve engagé avec d'autres plaideurs dans une instance introduite à l'encontre d'un adversaire.
    4. Idée de coexistence de droits et d'intérêts semblables et concurrents.
      coacquéreur  : « C'est encore une indivision qui s'établit lorsque plusieurs personnes, parents ou non, acquièrent en commun un même bien. Les coacquéreurs sont dans l'indivision relativement à ce bien. »
      coassocié : « Les contrats conclus par l'un des associés profitent également à ses coassociés. »
      « Chaque associé peut contraindre ses coassociés aux dépenses nécessaires à la conservation des biens mis en commun. »
      coassuré : « Lors du décès de l'assuré, de sa faillite ou de la cession, entre coassurés, de leur intérêt dans l'assurance, celle-ci continue au profit de l'héritier, du syndic ou de l'assuré restant, à charge pour eux d'exécuter les obligations dont l'assuré était tenu. » Automobilistes coassurés.
      coassureur : « Il n'y a généralement pas solidarité entre les coassureurs : si un assureur est défaillant et ne peut verser sa quote-part d'indemnité, les autres ne sont pas tenus de suppléer cette défaillance. »
      cobénéficiaires et cogrevés : « Les accroissements entre les cobénéficiaires des fruits et revenus d'un même ordre ont lieu de la même façon qu'entre cogrevés du même ordre en matière de substitution. »
      « La charge stipulée au bénéfice de plusieurs personnes sans détermination de leurs parts respectives emporte, au décès de l'une, accroissement de sa part en faveur des cobénéficiaires survivants. »
      codétenteur : Le codétenteur est celui qui détient avec un autre un objet, une chose.
      cohéritier et
      covendeur
       :
      Le cohéritier est celui qui hérite avec un autre d'une même personne. « Lorsque la vente a été faite par plusieurs personnes conjointement et par un seul contrat ou que le vendeur a laissé plusieurs héritiers, l'acheteur peut s'opposer à la reprise partielle du bien et exiger que le covendeur ou le cohéritier reprenne la totalité du bien. »
      coïndivisaire  : « La soustraction frauduleuse d'un objet indivis par un copropriétaire constitue un vol au préjudice de son coïndivisaire. »
      « Les coïndivisaires, s'ils y consentent tous, peuvent convenir de demeurer dans l'indivision. »
      colicitant : « En droit civil, sont appelés colicitants les coïndivisaires lorsque l'indivision cesse par voie de licitation. »
      copartageant : « Chaque copartageant demeure toujours garant de l'éviction causée par son fait personnel. »
      « Le cessionnaire doit payer le prix convenu. Pour le paiement, le cédant jouit des garanties accordées au vendeur ou au copartageant suivant que la cession constitue une vente ou vaut partage. »
      copropriétaire : « Sont dites communes les parties des bâtiments et des terrains qui sont la propriété de tous les copropriétaires et qui servent à leur usage commun. » Copropriétaires conjoints.
      cotitulaire : Le cotitulaire est la personne qui possède le même droit qu'une autre sur le même objet. « Les règles sur la représentation successorale ne jouent pas en matière d'assurance, mais celles sur l'accroissement au profit des légataires particuliers s'appliquent entre cobénéficiaires et entre cotitulaires subrogés. »
    5. Idée de droits et d'obligations identiques, d'un acte juridique accompli conjointement.
      coappelé et cogrevé : « La révocation de la substitution quant à l'appelé profite au coappelé, s'il en existe, sinon au grevé. »
      « La révocation de la substitution quant au grevé profite au cogrevé, s'il en existe, sinon à l'appelé. »
      « L'un des coappelés a accepté le bénéfice conféré par la substitution. »
      coauteur : « L'interruption de la prescription vis-à-vis d'un seul coauteur interrompt la prescription à l'égard des autres. »
      « La compétence à l'égard d'un détenu s'étend à tous coauteurs et complices. »
      cobailleur : Le cobailleur est un bailleur conjoint avec une ou plusieurs personnes.
      codébiteur et cocréancier : Le codébiteur est celui qui est tenu avec un autre, par la même obligation, au paiement d'une somme d'argent.
      « La confusion qui s'opère par le concours des qualités de créancier et de codébiteur solidaire ou de débiteur et de cocréancier solidaire n'éteint l'obligation qu'à concurrence de la part de ce codébiteur ou cocréancier. »
      « La novation consentie par un créancier solidaire est inopposable à ses cocréanciers, excepté pour sa part dans la créance solidaire. »
      codonataire et codonateur : Le codonataire est celui qui reçoit une donation conjointement avec d'autres, tandis que le codonateur est celui qui fait une donation conjointement avec d'autres.
      coemprunteur : « Le commerçant qui veut recourir au crédit pour développer son exploitation devra, dans l'immense majorité des cas, obtenir que son conjoint accepte de se porter coemprunteur, faute de quoi il ne trouvera pas de prêteur. »
      coexploitant : « S'agissant de coexploitation, si les différents exploitants ont personnellement exercé des actes de commerce, tous seront considérés comme commerçants, ce qui entraînera leur responsabilité solidaire à l'égard des dettes d'exploitation et, en cas de cession des paiements, le redressement judiciaire de tous les coexploitants. »
      cofidéjusseur : En droit civil, le cofidéjusseur est la personne qui avec d'autres se porte caution d'un même débiteur pour une même dette. « La caution bénéficie d'un recours personnel contre ses cofidéjusseurs, outre son recours subrogatoire. »
      cogérant : « Le gérant et chacun de ses cogérants qui exploitent un fonds de commerce loué par le propriétaire assurent cette exploitation en leurs noms et à leurs risques et périls. »
      « Dans une gestion d'affaire, le gérant et les cogérants s'occupent volontairement de l'affaire du géré. »
      coïntéressé : « Le tribunal peut ordonner d'office la mise en cause de tous les coïntéressés. »
      colégataire : Le colégataire est celui à qui un legs est fait en commun avec une ou plusieurs personnes, à qui une même chose a été léguée conjointement.
      « Le légataire particulier peut, comme un successible, demander au tribunal de déclarer l'indignité d'un héritier ou d'un colégataire. »
      comandant : « Lorsque le mandataire a été constitué par des comandants pour une affaire commune, chaque comandant est tenu solidairement envers lui de tous les effets du mandat. »
      coobligé : Le coobligé est celui qui est tenu avec d'autres au paiement d'une dette.
      « Le coobligé peut acquitter une obligation. »
  4. Le substantif formé par l'agglutination du préfixe co- peut fort bien ne pas être une personne; ce peut être un inanimé, une notion. Coaction, coomission. « La jurisprudence n'a pas posé de critère bien net permettant de distinguer la coaction de la complicité. » Coemphythéose. Présomption de décès simultanés ou présomption de codécès.

    De plus, on peut, par effet de style, mettre le trait d'union pour faire ressortir l'idée d'association. « La copropriété est le contraire de la dissociation juridique de la pleine propriété. L'un n'est pas usager, l'autre jouissant, etc. Tous sont co-usants, co-jouissants, co-disposants, co-gérants, co-administrateurs du tout. Chacun participe à chacun des attributs du droit. » « Il y aura co-omission lorsque plusieurs garants, tous tenus par le même devoir juridique d'agir ou par un devoir juridique d'intensité égale, négligent, ensemble ou séparément, d'intervenir : leurs passivités respectives caractérisent une participation générale lorsque, par le jeu de l'équivalence, elles peuvent être assimilées à une action directe, réunissant tous les éléments constitutifs de l'infraction ou trahissant la volonté de l'auteur de considérer l'infraction pour sienne. »

    L'exemple qui suit réunit les deux graphies. « En droit anglais et français, il y a co-action lorsque chacun des participants a réalisé tous les éléments constitutifs de l'infraction. En droit allemand et suisse, la co-action est admise lorsque plusieurs personnes agissent sciemment et volontairement de concert, assumant chacune une part égale de responsabilité commune. Objectivement, la coaction est réalisée par l'organisation, la préparation de l'activité et la part prise à la décision de réaliser l'infraction. »

    Autres exemples : coacquisition, coadjudication, coassurance, coemprunt, coentreprise, cogestion, copropriété. Copartageant employé adjectivement : « Si les parts sont égales, on compose autant de lots qu'il y a d'héritiers ou de souches copartageantes. »

    La règle est évidemment la même s'agissant de termes de la langue courante, que ce soient des substantifs (coéducation), des adjectifs (coextensif) ou des verbes (cohabiter).

collation/collationné/collationnée/collationnement/collationner/confronter/vidimer 2

Le mot collation et ses dérivés se prononcent comme si leur orthographe ne comportait qu'un l.

  1. Il ne faut pas confondre collation et collocation (voir ce mot), ce dernier terme désignant l'inscription des créanciers dans l'ordre où ils doivent être payés. Ne pas dire ordre de [collation] des créanciers, mais ordre de collocation des créanciers.
  2. Stricto sensu, la collation désigne l'action de conférer un titre ou un pouvoir. Collation d'un pouvoir d'agir. Collation ou passation des pouvoirs. Collation de la qualité de fonctionnaire. Le mot s'emploie, par exemple, dans le cas où la loi investit le tribunal d'un pouvoir exorbitant ou de pouvoirs particuliers. Collation de pouvoirs spécifiques au juge aux affaires matrimoniales.

    En ce sens d'octroi, on trouve un emploi de collation dans l'expression collation de la nationalité (ou de la naturalisation) pour ce qui concerne les modes d'acquisition de la nationalité dans le droit de l'immigration. Ce sens strict est tiré du collatio de l'ancien droit ecclésiastique (acte ou droit de conférer un bénéfice ecclésiastique).

    On dit aussi collation d'un privilège, d'une faculté, d'une prérogative. Collation (ou constitution) d'une sûreté.

  3. Lato sensu, collation désigne l'action de collationner, de comparer entre eux deux écrits, deux manuscrits (l'original et sa copie) pour en contrôler l'exactitude, pour voir s'ils sont identiques. En ce sens, collation ne désigne pas comme son homonyme anglais "collation" l'action de rassembler, d'assembler des textes, mais plutôt celle de les comparer entre eux. « L'officier n'a pas à faire la collation entre la réquisition d'inscription et les documents qui sont présentés avec elle à des fins de conservation et de consultation. »

    Des auteurs préfèrent employer le terme technique collationnement, au sens de vérification, de confrontation de textes, pour éviter la confusion avec l'action de conférer un grade, un diplôme (collation des titres scientifiques, des grades universitaires). Collationnement de textes. « Quand vous aurez copié ce texte, nous en ferons le collationnement. » Bordereaux exactement collationnés. Le collationnement est aussi la vérification du non-détournement d'objets saisis ou compris dans un inventaire avant leur vente ou leur partage.

  4. Collationner ne se dit, comme le substantif dont il dérive, que des choses. C'est comparer deux ou plusieurs versions ou copies d'un texte pour reconnaître les concordances ou les divergences. Collationner une copie avec l'original. « Les parties peuvent collationner la copie à la minute. » La copie collationnée devient une copie conforme ("true copy"). Collationner une copie à , sur l'original.
  5. Il faut distinguer collationner et confronter, lequel se dit tant pour les personnes (confronter deux témoins) que pour les choses (confronter deux opinions, deux témoignages).
  6. Vidimer est un ancien terme de pratique qui signifie collationner la copie d'un acte sur l'original et certifier qu'elle est conforme à celui-ci.

commodant/commodante/commodat/commodataire/commodatum

  1. On ne trouve plus le mot commodat et ses dérivés que dans les traités de droit, les codes civils et les classifications traditionnelles du droit des biens. Le terme est vieilli et ne présente plus qu'un intérêt historique. Il désigne ce qu'on appelle dorénavant le prêt à usage, espèce de contrat de dépôt à titre gratuit.

    À l'origine, le commodat portait surtout sur les prêts d'instruments agricoles; aujourd'hui, ce type de contrat vise tout objet, meuble ou immeuble, qui ne se consomme pas par l'usage. On en trouve des applications dans les prêts de biens familiaux, de voitures ou d'appareils ou outils. C'est, précisément, le prêt à titre gratuit d'un objet non consomptible, c'est-à-dire dont on peut user sans le détruire, à l'usage exclusif de l'emprunteur, à charge par lui de le rendre au prêteur à une date convenue. Le commodat, qu'on appelle encore prêt de corps certain, prêt de chose non consomptible, s'oppose au prêt de chose fongible ou prêt de consommation.

    Engagements formés par le commodat. Bénéficier d'un prêt par commodat. Prêteur par commodat. Il n'est pas nécessaire d'être propriétaire de la chose pour en consentir le prêt : un locataire peut fort bien prêter son appartement.

    Le commodat intéresse aussi le droit successoral. « Les engagements qui se forment par le commodat passent aux héritiers de celui qui prête et aux héritiers de celui qui emprunte. »

  2. Au Canada, la notion correspondante en common law est le commodatum ("commodatum" ou "loan for use"), terme emprunté au droit romain que les normalisateurs du Programme national de l'administration de la justice dans les deux langues officielles recommandent de conserver dans sa forme latine. Cette recommandation ne fait pas l'unanimité parmi les juristes de common law, plusieurs écartant le latinisme pour lui préférer son quasi-homonyme français.

    Le commodatum ainsi entendu est une espèce de baillement non contractuel. Il consiste en un prêt à titre gratuit d'un chatel, bien personnel que le baillant met gracieusement à la disposition du baillaire. Par exemple, le concessionnaire d'automobiles prête une de ses voitures à un acheteur éventuel ou à un de ses clients pendant qu'il procède à l'entretien de la voiture de ce dernier. Cette opération juridique, appelée commodatum, soulève le plus souvent la question de la responsabilité à l'égard de l'objet prêté. « La responsabilité à l'égard d'objets prêtés relève du domaine du droit des baillements. La règle de droit régissant la responsabilité d'un baillaire à titre gratuit qui emprunte quelque chose pour son seul avantage et usage est clairement énoncée en droit anglais. » « Le baillement était à titre gratuit; il ne s'agissait donc pas d'un depositum, mais d'un commodatum et la règle de droit est claire. Le baillaire répond même de la négligence légère qui cause des dommages à l'objet prêté. » 

    Le commodatum s'oppose donc au louage à titre onéreux et doit être distingué du dépôt, du louage d'ouvrage à faire, du gage et du mandat. Il a pour objet un bien non consomptible; le quasi-baillement gratuit ("gratuitous quasi-bailment") consiste en une opération dans laquelle l'objet du prêt est un bien fongible et consomptible.

  3. On appelle commodant, commodante le déposant ou prêteur, et commodataire, celui qui reçoit la chose pour s'en servir, autrement dit le dépositaire ou le bénéficiaire du prêt à usage. « La restitution au commodant doit se faire en nature. »

    Le mot commodataire s'emploie aussi adjectivement. Contrat commodataire. Obligations commodataires.

commorientes/comourants/comourantes

Le latinisme commorientes (deux m et prononcer com-mo-riène-thèse) s'emploie dans le droit des successions. Son équivalent français est comourants (un seul m) et est toujours au pluriel. Le genre du substantif est généralement le masculin, mais le féminin, plus rare, se rencontre. Conjoints comourants. « Les comourants sont mari et femme. » « Les comourantes sont sœurs jumelles. »

  1. Le problème des comourants intéresse les questions que soulève le règlement des successions. Pour succéder, il faut exister dès que s'ouvre la succession. Le successible ne peut donc recueillir la succession que s'il est vivant au moment de l'ouverture de la succession. Mais qu'arrive-t-il dans le cas d'individus déjà décédés? Que prévoit la loi lorsque deux ou plusieurs personnes appelées à une même succession ou ayant vocation successorale réciproque (des conjoints, les membres d'une même famille) meurent dans un même événement (incendie, naufrage, séisme, accident de la route, assassinats) sans que l'on sache précisément dans quel ordre chronologique ils sont décédés?

    En ce cas, la loi crée une présomption plutôt qu'une fiction; elle pose une présomption de survie, différente selon les régimes juridiques, établie selon divers critères, l'âge et le sexe par exemple, qui constituent la théorie des commorientes ou théorie des comourants. Cette conception assigne un ordre chronologique présomptif des décès : par exemple, le plus âgé des enfants qui ont péri sera présumé avoir survécu, de même en sera-t-il, dans le cas de personnes âgées, de la plus jeune parmi celles qui sont décédées dans le même accident, et ainsi de suite. Succession des comourants. « Lorsque l'ordre des décès ne peut être présumé ni prouvé, la succession de chacun des comourants doit être déférée à ses autres successibles. » Grâce à la théorie des comourants, il est donc possible d'établir à qui aurait dû être dévolue en dernier lieu la succession et qui est censé l'avoir recueillie, ce qui permet de l'attribuer ensuite aux héritiers vivants.

    Au Canada, les lois sur les présomptions de survie relatives aux comourants (Loi sur les présomptions de survie du Nouveau-Brunswick) prévoient des règles générales applicables aux cas dans lesquels un testament existe (codécès de l'exécuteur testamentaire et du testateur), les cas de propriétés conjointes (codécès des propriétaires conjoints), les cas des biens matrimoniaux (codécès du mari et de sa femme), les cas des circonstances particulières et les cas des codécès antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi. « Lorsque deux ou plusieurs personnes décèdent dans des circonstances ne permettant pas de déterminer avec exactitude laquelle d'entre elles a survécu à l'autre ou aux autres, elles sont réputées, aux fins de la présente loi, être décédées en même temps. »

  2. De même au Québec, la série de présomptions légales de survie en matière de successions a été remplacée au moment de la réforme du droit de la famille par une seule présomption : la présomption de décès simultanés ou présomption de codécès : « Les personnes qui décèdent sans qu'il soit possible d'établir laquelle a survécu à l'autre sont réputées codécédées, si au moins l'une d'elles est appelée à la succession de l'autre. » Toutefois, la présomption de survie est demeurée inchangée en matière d'assurance des personnes : il y a présomption de survie en faveur de l'assuré qui décède en même temps que le bénéficiaire ou dans des circonstances qui ne permettent pas de déterminer l'ordre des décès.

consul/consule/consulaire/consulat/diplomate/diplomatique

Un consul, une consule.

  1. Au premier chef, les consuls sont des agents ou des attachés commerciaux officiels; ils ne sont pas assimilés à des ambassadeurs. Le législateur peut toutefois prévoir qu'il y a assimilation du diplomate au consul général pour l'application d'une loi. Par exemple, au Canada, la Loi sur la pension spéciale du service diplomatique définit le diplomate comme l'ambassadeur, le ministre, le haut-commissaire ou le consul général du Canada auprès d'un autre pays. La Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international considère comme chefs de mission les ambassadeurs, haut-commissaires et consuls généraux du Canada. La Loi d'interprétation fédérale assimile les agents consulaires aux agents diplomatiques.
  2. Le texte fondamental qui régit les questions se rapportant aux relations diplomatiques est la Convention de Vienne de 1961.

    La fonction essentielle de l'agent diplomatique est de représenter l'État qui l'accrédite. Il est le porte-parole de son gouvernement. Il doit aussi protéger dans l'État accréditaire les intérêts de l'État accréditant et ceux des ressortissants de cet État sur le territoire étranger en exerçant ce qu'on appelle la protection diplomatique. Son devoir consiste donc à négocier avec l'État accréditaire et à informer l'État accréditant sur la situation économique, politique et sociale de l'État accréditaire et sur l'opinion de ce dernier quant aux principaux problèmes internationaux. Diplomate ad hoc ou spécial.

    Les agents diplomatiques ont le pouvoir de représenter une personne juridique internationale auprès d'une autre et de négocier avec elle au nom de l'entité qu'ils représentent. C'est ce caractère représentatif qui les distingue des consuls.

    Catégories de diplomates. Les chefs de mission : ambassadeurs, envoyés extraordinaires ou ministres plénipotentiaires, chargés d'affaires accrédités auprès des ministères des Affaires étrangères, haut(-)commissaires ou haut représentants, dans le cas de deux États qui entretiennent des liens très étroits.

    L'ensemble des agents diplomatiques accrédités auprès d'un même gouvernement constitue le corps diplomatique. Dans son sens le plus restreint, on donne ce nom à l'ensemble des chefs de mission accrédités auprès d'un même gouvernement. Doyen, représentants du corps diplomatique. Le corps ou le personnel diplomatique comprend généralement le chef de mission, un conseiller, un ou des secrétaires et des fonctionnaires, l'ensemble constituant la chancellerie, soit le bureau principal de la mission. Liste diplomatique. Diplomate accrédité.

  3. Le consul n'a qu'une compétence limitée auprès des autorités locales du pays où il est envoyé, tandis que l'ambassadeur représente officiellement un État auprès d'un gouvernement étranger et s'occupe des intérêts prédominants de son pays. À l'égard de l'État d'envoi, sa mission consulaire consiste principalement à renseigner celui-ci et à protéger ses ressortissants (protection consulaire). Son rôle s'exerce dans la sphère économique commerciale. Chargé de défendre les intérêts du commerce de son pays, il ne jouit pas au même degré des immunités (immunités consulaires) et des privilèges (privilèges consulaires) des diplomates. Inviolabilité des postes, des locaux, des archives, de la correspondance, des valises consulaires. L'envoi ou le maintien des consuls n'implique pas la reconnaissance qu'entraîne l'envoi ou la réception d'un ambassadeur.
  4. Les attributions consulaires sont déterminées à la fois par la législation consulaire du pays qui envoie le consul et par la convention ou l'entente consulaire (expresse ou tacite) intervenue entre deux pays.

    Le consul n'exerce ses attributions que dans le pays et dans la circonscription consulaire qui lui sont assignés. Section consulaire, bureau consulaire.

  5. L'agrégation consulaire (assimilée au décret ou à l'ordonnance d'exequatur) est l'autorisation donnée par le chef d'un État (l'État accréditant) à un consul étranger d'y exercer librement ses actes consulaires. Admission des consuls. Cette agrégation ou cette accréditation consulaire est accordée par le gouvernement de l'État accréditaire. Elle est accompagnée d'instructions consulaires (Manuel des instructions consulaires) destinées aux représentants consulaires.
  6. Les classes de consul (la hiérarchie consulaire), leur nomination, leurs fonctions, leurs prérogatives et leurs pouvoirs sont déterminés par leurs gouvernements respectifs.

    Le corps consulaire ou le personnel consulaire se compose généralement d'agents rétribués par leur gouvernement (traitement consulaire) et d'agents non rétribués, qui ne reçoivent d'autres rémunérations que les taxes consulaires.

    Traditionnellement, on distingue au sein des autorités consulaires les consuls de carrière ou consuls d'État, encore appelés consuls envoyés (consuls missi), fonctionnaires limités à l'exercice exclusif de leur activité consulaire, et les agents du corps consulaire, consuls honoraires ou consuls marchands ou commerçants (consuls electi) qui, n'étant pas exactement des fonctionnaires de l'État qu'ils servent, peuvent exercer d'autres professions, principalement la profession commerciale ou toute autre activité lucrative.

    La distinction courante les répartit en consuls généraux (le consul général du Canada) et consuls généraux adjoints, vice-consuls, chefs de poste consulaire, consuls chargés des bureaux, consuls temporaires, consuls suppléants,  proconsuls ou agents ou fonctionnaires consulaires.

    La Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963 les regroupe en quatre classes : les consuls généraux, les consuls, les vice-consuls et les agents consulaires.

    Dans certains pays, le consul général est le grade le plus élevé dans la hiérarchie consulaire. Consul général résident, consule générale non résidente.

  7. Il ne faut pas confondre les agents consulaires avec les agents du service consulaire, ces derniers étant exclus de la charge des chefs de poste consulaire. Le poste consulaire s'entend de tout consulat général, consulat, vice-consulat ou agence consulaire; la circonscription consulaire désigne le territoire attribué à un poste consulaire pour l'exercice des fonctions consulaires.

    Le chef de poste consulaire s'entend aussi de la personne chargée d'agir au besoin en qualité de consul général, de consul, de vice-consul ou d'agent consulaire. Le fonctionnaire consulaire, tel le fonctionnaire consulaire du Canada défini dans la Loi sur la marine marchande du Canada, s'entend de toute personne, y compris le chef de poste consulaire, chargée en cette qualité de l'exercice des fonctions consulaires. Il existe deux catégories de fonctionnaires consulaires : les fonctionnaires consulaires de carrière et les fonctionnaires consulaires honoraires. Les employés consulaires travaillent dans les services administratifs ou techniques du poste consulaire.

  8. Le chef de poste consulaire est muni d'un document appelé lettre de provision ou commission consulaire qui atteste la qualité de son titulaire. Il importe de préciser que le chef d'une mission diplomatique, quant à lui, est porteur d'une lettre de créance.

    Les fonctionnaires consulaires sont chargés, en leur qualité, d'exercer des fonctions consulaires. Ils possèdent un cachet officiel qui leur permet d'authentifier les communications consulaires, mais aussi les serments, affidavits, déclarations, affirmations solennelles souscrits à l'étranger. « Une déposition faite sous serment a la même validité et les mêmes effets que celle qui est faite devant un commissaire ou une affirmation solennelle reçue devant un consul, un vice-consul, un consul temporaire, proconsul ou agent consulaire du Canada ou de Sa Majesté exerçant ses fonctions en pays étranger. » Le consul général du Pérou à Vancouver. Le vice-consul de l'ambassade du Canada à Yaoundé. « Le directeur de l'établissement camerounais a fait tenir au vice-consul de l'ambassade du Canada à Yaoundé un document officiel attestant avec détails et motifs à l'appui que le certificat de décès était un faux. »

  9. Il convient de faire suivre le titre de consul et le mot consulat du nom du pays et non de l'adjectif désignant ce pays; dire le consul [canadien], le consul [américain], le consul [turc], le consulat [français], termes toutefois attestés par les dictionnaires, constitue un tour vicieux et fréquent dans la langue journalistique. Il est plus juste de dire le consul du Canada, la consule des États-Unis, le consul de la Turquie, le consulat de France. « Le consul [canadien] (= du Canada) valide le certificat de déchargement délivré par les autorités du bureau du pays auquel les marchandises ont été exportées. »

    Même si les dictionnaires enregistrent le tour critiqué, il faut reconnaître que les habitudes du français nous invitent à éviter, règle générale, l'abus des adjectifs quand ils remplacent un complément introduit par la préposition de. Ainsi, dans l'exemple précité, force est de reconnaître que consul canadien soulève une ambiguïté et peut ne pas dire ce qu'il est censé dire : veut-on parler du consul du Canada ou du consul qui est de nationalité canadienne?

  10. Le consul général du Canada est dit, rappelons-le, auprès d'un autre pays puisqu'il est au service du Canada dans cet autre pays, qu'il entretient des rapports officiels avec celui-ci.
  11. Le consul dirige ses affaires dans un poste consulaire, lequel est établi sur un territoire. « La demande de remise de la taxe d'accise doit être approuvée au nom du chef de la mission, du poste du consul ou du bureau du délégué commercial. »
  12. Le consul exerce, dans l'ancien droit français, des attributions judiciaires (arbitrages, interrogatoires, commissions rogatoires). Les affaires ou les litiges qui le concernent ressortissent à la juridiction ou au tribunal consulaire. La juridiction consulaire est le pouvoir de juger, anciennement reconnu aux consuls de la mer par certains traités ou usages consignés dans le Consulat de la mer ("Consulate of the Sea"), ou encore l'ensemble des tribunaux établis dans le consulat pour exercer le pouvoir de juger reconnu aux consuls par certains traités. « Au Moyen Âge, les consuls étaient à la fois magistrats municipaux et juges, d'où le nom de juridiction consulaire qui est resté. »
  13. Droit consulaire. Codification du droit consulaire. Chambre consulaire. Tribunaux consulaires. « Le conjoint collaborateur devient électeur et éligible aux chambres de commerce et aux tribunaux consulaires, à l'égal d'un commerçant. » Magistrat consulaire. « Les commerçants et les représentants des sociétés commerciales élisent tous les trois ans des délégués consulaires, lesquels composent, avec les membres des chambres de commerce actuels et honoraires, ainsi que les magistrats consulaires honoraires, le collège électoral qui élit en son sein tous les ans les magistrats consulaires. » Juge consulaire. « Le juge du Tribunal de commerce en France est un juge consulaire. » Les sources du droit consulaire sont les traités bilatéraux, la coutume internationale, le droit interne des États et les usages anciennement suivis dans la Méditerranée et compilés dans le Consulat de la mer. La Convention de Vienne susmentionnée définit les conditions dans lesquelles les consuls exercent leurs fonctions, leurs privilèges, leurs immunités et leurs obligations d'une manière analogue aux dispositions prises par les missions diplomatiques.

    Les règlements consulaires regroupent les lois, décrets et ordonnances qui traitent des règlements du service consulaire appliqués par les États. Ces dispositions sont souvent d'un grand intérêt pour le juge consulaire puisqu'elles lui permettent de connaître quel est le droit consulaire en vigueur dans l'ordre juridique interne des États. Un grand nombre d'États ont des législations concernant les règlements consulaires.

  14. Les consuls ont encore aujourd'hui des attributions en matière civile : rédaction d'actes consulaires, célébration de mariages consulaires, tenue du registre consulaire, contrôle des formalités consulaires, établissement des factures consulaires, certifiées exactes par l'apposition du visa du consul, ainsi qu'en matière notariale, successorale et maritime (les consuls de la mer en ce dernier cas), administrative et professionnelle. Pratique consulaire, législation consulaire. Droits, taxes consulaires. Tarif consulaire. Ils sont régis par des conventions consulaires (conventions multilatérales relatives aux consuls). Affaires consulaires, services consulaires. Passeport consulaire. « Au Canada, le Bureau des affaires consulaires relève du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. » « Le coût des services consulaires relatifs à la délivrance d'un passeport est de 25 $. »
  15. L'établissement de relations consulaires entre États se fait par consentement mutuel, concrétisé par la conclusion d'une convention ou d'une entente consulaire. Mais ces relations ne conduisent pas nécessairement à l'établissement de relations diplomatiques. De même, la rupture des relations diplomatiques entre deux pays n'entraîne pas automatiquement la rupture des relations consulaires.
  16. On appelle consulat soit l'agence officielle créée par un État dans une ville étrangère pour assurer auprès des autorités locales la protection des intérêts, généralement commerciaux, de l'État et de ses ressortissants, (Monsieur Untel est consul en poste au consulat général du Canada à New York; le consulat général du Canada à Buffalo : remarquer la minuscule à consulat, le consulat général honoraire), soit, par extension, le lieu où le consul général a ses bureaux ou sa demeure (locaux consulaires, pavillon (et non [drapeau]) consulaire, création, siège, circonscription administrative d'un consulat, ouverture d'un vice-consulat), soit encore, dans un sens vieilli, la charge de consul, le poste, les pouvoirs et les fonctions du consul (exercer son consulat), ainsi que le temps pendant lequel un consul exerce sa charge.

convenir/convenu

Retenons deux sens du verbe convenir.

  1. Le premier, c'est celui de reconnaître la vérité de ce qui est dit (« Il convient avec le juge que la clause est nulle. »), d'accepter une chose pour vraie (« Vous devez convenir de la véracité de ce témoignage. »), parfois par suite d'une simple concession (« Il ne suffit pas en l'espèce de convenir d'une nouvelle règle de common law. »), de se mettre d'accord avec quelqu'un sur la vérité d'une chose dont on doutait ou que l'on contestait (« Convenons de l'imprécision de ce terme. »).

    Au sens de reconnaître, convenir se construit avec l'indicatif. « Il faut convenir que le juge a eu raison de statuer ainsi. » « Nous devons convenir que ce terme a une signification plutôt imprécise. » « Je ne peux convenir que l'article un de la Charte permet de sauvegarder cette loi. » « Les auteurs semblent convenir que la possession de biens récemment volés est au mieux considérée comme un fait capable de certaines déductions plutôt que comme une présomption ou une théorie juridique. » « Les deux parties conviennent que la décision est bien fondée en droit. »

    Les quasi-synonymes de convenir sont se mettre d'accord, tomber d'accord (après discussion préalable : « Ils sont tombés d'accord pour dire qu'une telle proposition était inacceptable. »), admettre (considérer comme vrai ou possible : « Il faut admettre que les témoins ont rendu un témoignage probant. », reconnaître (après avoir hésité ou nié : « Vous devez reconnaître que l'affaire a mal tourné pour les défendeurs. »), avouer (après hésitation ou réticence : « Vous avouerez avec moi que sa thèse est mal fondée. »), confesser (avouer avec un certain repentir : « Je confesse que nous nous sommes mal comportés à cette occasion. ») et accorder (en se réservant le droit de soulever plus tard des objections, d'apporter des modifications : « Je vous accorde que cet argument ne paraît pas solide à première vue. »).

  2. Un inanimé peut être le sujet du verbe convenir. Ainsi, le Code civil français dispose : « Les statuts peuvent convenir que cet agrément sera obtenu à une majorité qu'ils déterminent. » Toutefois, puisque généralement ce sont des personnes qui conviennent ensemble ou entre elles de faire quelque chose, on ne peut pas dire : « Le demandeur [convient avec] le défendeur de rembourser ces dettes. »; il faut dire : « Le demandeur et le défendeur conviennent de rembourser ces dettes. »
  3. Convenir s'entend aussi du fait de conclure avec quelqu'un un accord, de s'entendre avec lui sur quelque chose. On peut convenir de quelque chose ou convenir de faire quelque chose. « Les associés conviennent librement de l'objet, du fonctionnement et des conditions de la société en participation. » « Les époux conviennent de modifier le régime matrimonial. » « La vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. »
  4. Convenir que se construit avec le subjonctif ou l'indicatif (et le conditionnel) selon que le fait ou l'idée est envisagé dans la pensée ou que la situation n'étant pas hypothétique est réelle. « Le comité convient que les recommandations qui suivent seront présentées à la direction. » « Les associés peuvent convenir que la société ne sera pas immatriculée. » Le verbe au subjonctif marque une possibilité (laquelle laisse place à un doute) : « Les deux parties conviennent qu'un règlement amiable soit conclu dans les plus brefs délais. » Le verbe à l'indicatif indique une certitude : « Les deux parties conviennent qu'un règlement amiable sera conclu aujourd'hui. »
  5. Le tour impersonnel il est convenu que se construit avec l'indicatif ou le conditionnel : « Il est convenu qu'ils témoigneront demain au procès. » « Il était convenu qu'ils témoigneraient demain. »

    Après le tour impersonnel il convient que au sens de il est opportun, il est souhaitable, le subjonctif est de règle. « Il convient que nous demandions à la Cour de surseoir à l'exécution de la peine. » « Il convient que les tribunaux fassent preuve d'une plus grande retenue dans ces cas. »

  6. Dans les deux sens attestés, le verbe convenir se construit, couramment, avec la préposition de (« Ils ne conviennent pas de la date de conclusion de la convention. ») ou, littérairement, avec sur (« Les juristes ne conviennent pas sur le sens à donner à ce terme. » « Les lots sont faits par l'un des cohéritiers s'ils peuvent convenir entre eux sur le choix, et si celui qu'ils avaient choisi accepte la commission. »)
  7. Dans le style des contrats, il faut éviter la rupture syntaxique que produit la suite des verbes convenir et s'engager (calque de l'anglais "to agree and undertake"). On ne dira pas : « Les parties [conviennent] et [s'engagent] à respecter les clauses suivantes. », mais : « Il est convenu entre les parties contractantes qu'elles s'engagent à respecter les clauses suivantes. » ou : « Les parties contractantes conviennent de leur engagement à respecter les clauses suivantes. », ou autre tournure du genre.
  8. Convenir s'emploie avec l'auxiliaire avoir ou être selon que l'on envisage un état ou une action, le sens étant identique dans les deux cas. « Les parties ont convenu que les engagements suivants seraient pris. » « Les parties sont convenues des engagements suivants. » « Les parties sont convenues de ce qui suit ». « Elles sont convenues comme suit ». « Elles sont convenues ainsi qu'il suit. » Être convenu expressément.

    Bien que la tendance actuelle dans la langue courante soit à l'emploi exclusif de l'auxiliaire avoir pour les deux sens de ce verbe, il importe de préciser que, dans l'usage soutenu, dans le style administratif et juridique, notamment dans les actes officiels et dans les conventions, l'auxiliaire être, d'un emploi plus littéraire, supplante largement l'auxiliaire avoir. « Il est convenu entre les parties contractantes que la prise d'effet du présent acte aura lieu le 1er juin 2003. » À moins que les parties n'en soient autrement convenues. S'il n'en est autrement convenu. « Il faut se rappeler que la question en litige est, comme en sont convenues les parties, de savoir si cette interprétation est juste et raisonnable. » « Le greffier s'est adressé aux jurés en ces termes : 'Mesdames et messieurs les jurés, êtes-vous convenus d'un verdict?', et le président du jury a répondu : Oui. »

  9. Le participe passé convenu s'emploie au sens de ce qui est établi par suite d'un accord intervenu. Prix, somme, terme convenu. Selon la procédure convenue. « L'emprunteur est tenu de rendre les choses prêtées en même quantité et qualité, et au terme convenu. » « Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles. » Dans le délai, dans le temps convenu.
  10. La locution comme convenu a été longtemps critiquée par les grammairiens en raison de sa tournure elliptique; mais elle est parfaitement correcte. « Comme convenu (= Comme il en a été convenu précédemment), nous ajournerons la séance à 16 heures. » « Le contrat a été exécuté comme convenu » (= conformément à ses stipulations).
  11. Bien que ce qui est convenu soit effectivement ce qui a été décidé, convenu signifie aussi ce qui est le résultat d'une convention sociale et peut comporter en ce sens une valeur dépréciative. Par exemple, un langage convenu peut s'entendre d'un langage artificiel (le quasi-synonyme de convenu étant en ce cas l'adjectif conventionnel). On fera attention de ne pas faire apparaître cette ambiguïté en tournant de telle façon à montrer que le sens de convenu est décidé et non artificiel, banal ou même conventionnel.

criminaliste/criminalistique/criminologie/criminologiste/criminologue

Au nombre des sciences criminelles modernes et comme sciences auxiliaires du droit, il convient de distinguer la criminologie de la criminalistique.

  1. La criminologie ("criminology") est une science multidisciplinaire qui fait appel aux expertises de l'anthropologie criminelle, de la biologie criminelle, de la psychiatrie criminelle, de la psychologie criminelle et de la sociologie criminelle. Criminologie analytique, appliquée, clinique, comparée, critique, diagnostique, environnementale, libérale, radicale, scientifique, traditionnelle. Criminologie de la libération.

    Centrée sur la personne du criminel et du délinquant, elle étudie le droit criminel dans la perspective des infractions et des crimes, aidant en cela le législateur dans sa mission répressive du crime. Son examen porte à la fois sur l'étude du phénomène criminel, de ses causes (notamment sociologiques et psychologiques) et de ses remèdes, sur la délinquance et ses sources, sur la criminalité et ses causes, sur les caractères spécifiques de la législation criminelle et du droit criminel, sur la structure juridique et les classifications des infractions et sur les traits caractéristiques de la personne criminelle.

  2. La criminalistique ("forensic science" ou "criminalistics"), encore appelée police scientifique ("crime detection science") et même science forensique, au Québec, est une science distincte de la criminologie. Tandis que la seconde se pratique surtout dans des cabinets d'étude, la première s'exerce en laboratoire. Comme celle-ci, elle regroupe plusieurs disciplines scientifiques (médecine légale, toxicologie, police scientifique, police technique, anthropométrie et dactyloscopie); elle étudie par des voies scientifiques les indices et les traces des infractions et des crimes. Aussi son objet est-il essentiellement la recherche des infractions, la constatation matérielle des infractions et des crimes dans les laboratoires de police scientifique et de médecine légale et l'identification des infracteurs et des criminels. Expert en criminalistique. Fichier criminalistique. « L'Institut national de criminalistique et de criminologie de Belgique gère les fichiers génétiques.  » La criminalistique informatique s'attache pour sa part à établir la preuve du crime informatique et à trouver l'identité des auteurs.
  3. Il importe de distinguer trois genres de spécialistes du droit criminel pour éliminer une source importante de confusion. Les criminologues se consacrent à l'étude du droit criminel, de la science de la criminalité, de la délinquance et, généralement, du droit relatif aux crimes et aux infractions. Pour leur part, les criminalistes ("criminal lawyers") sont, dans un sens restreint, des avocats, des praticiens du droit criminel. « Le dossier contient des affidavits signés par sept avocats criminalistes de la région. » Dans un sens large, ce sont des spécialistes de l'étude doctrinale et appliquée du phénomène du crime, des juristes spécialisés en matière criminelle ("criminal jurists"). Les criminologues et les criminalistes (au sens large) consacrent leurs activités à la criminologie, science de la criminalité. Enfin, les criminologistes ("criminologists") sont des scientifiques dont la spécialité est la criminalistique.

débouté/déboutement/débouter

  1. Le débouté, encore appelé jugement de débouté, est la décision de justice qui rejette comme irrecevable tout ou partie de la demande présentée par l'une des parties à l'instance parce qu'elle est jugée injustifiée, c'est-à-dire mal fondée. « Notre débouté ne méconnaît pas que trois contestations judiciaires ont eu raison des tentatives répétées de la Colombie-Britannique de régir l'offre et la demande des médecins. » « La défenderesse sollicite un débouté. » Motifs du débouté de l'appelante, du débouté de l'appel interjeté par l'appelante.

    Ce débouté au fond, ainsi dénommé du fait que le rejet prend appui sur l'examen du droit substantiel invoqué par le plaideur, devient un débouté d'appel en cas de rejet de la demande formée en appel ou un débouté d'opposition s'agissant de tout autre recours. Prononcer un débouté. « Pour les motifs qui précèdent, notre Cour doit prononcer le débouté. » « Par ces motifs, la Cour dit X recevable, mais étant mal fondé en son appel, l'en déboute. »

    La décision qui rejette la demande pour tout autre motif que son mal-fondé ne peut s'appeler un [débouté] en dépit d'un certain usage critiquable qui étend le débouté à toute décision de justice rejetant une demande pour quelque motif que ce soit.

    Le déboutement du plaideur est l'action de rejeter la demande mal fondée présentée par celui-ci.

  2. L'expression débouter une partie de ou en sa demande (le contraire étant lui donner gain de cause ou accueillir sa demande) signifie ne pas faire droit à la demande présentée après examen au fond et conclusion portant que la prétention du demandeur est irrecevable étant mal fondée. Si l'action est repoussée pour toute autre cause que le mal-fondé, il faut éviter de dire que la partie perdante est [déboutée] de son action. Il y a surcharge et remplissage quand on écrit qu'il convient de décider que les époux X doivent être déboutés de leur demande [comme mal fondés]; on se limitera à dire qu'il convient de débouter les époux X de leur demande.

    Être débouté au procès. « Le demandeur sera probablement débouté au procès s'il n'y a pas de question sérieuse à juger. » Débouter d'office, débouter séance tenante. « Pour ces motifs, notre Cour a débouté l'appelant séance tenante et l'a condamné aux entiers dépens. » Être débouté de ses prétentions, de sa motion, de sa requête, de son appel, de son action. « Le demandeur a été débouté de ses prétentions au procès. » Plaideur débouté. « Le plaideur débouté ne devrait pas supporter ces frais. » Être débouté sommairement.

  3. Le verbe débouter est d'appartenance juridique exclusive. On ne peut l'employer dans d'autres contextes que ceux qui se rapportent au rejet au fond d'une action, d'une demande, d'un recours, d'une plainte, d'un grief, d'un appel, d'une requête. On évitera de dire malencontreusement, par exemple, que « des pressions subtiles sont exercées pour [débouter] (= éliminer, écarter) les candidats susceptibles d'être refusés », que «  la décision visait à [débouter] les efforts du plaideur » (= à faire échec, à faire obstacle à ses efforts).
  4. Un inanimé ne peut être [débouté]; seule une personne, physique ou morale, peut être déboutée. Aussi est-ce incorrect de parler d'un appel ou d'un grief [débouté], ou d'une demande [déboutée]. Au lieu de dire : « La Cour a [débouté] la demande », on dira correctement qu'elle l'a rejetée, qu'elle ne l'a pas accueillie, qu'elle n'y a pas fait droit.
  5. Il faut éviter, enfin, les constructions pronominales fâcheuses du genre [se faire débouter], [se voir, se trouver débouté] quand il est plus simple et plus conforme à la langue de dire être débouté.

disposition 1

  1. On appelle disposition toute clause d'un acte juridique ou d'un texte. Le mot s'emploie aussi bien pour un contrat, un testament ou un acte formaliste que pour une loi ou un règlement. Mais, techniquement, la disposition figurant dans un contrat, par exemple la disposition de confiscation, s'appelle stipulation, terme réservé au vocabulaire du contrat.

    Dans son sens général, la disposition que prévoit un texte législatif ou réglementaire est une prévision, puisqu'elle prévoit des cas pour lesquels elle édicte une règle; elle est aussi une prescription, puisqu'elle a pour objet de prescrire, d'ordonner, de permettre ou d'interdire, de sanctionner ou de prohiber, selon le cas. Dans cette perspective, il faut éviter d'écrire qu'une disposition légale prescrit que les parties [peuvent] faire quelque chose, puisqu'une prescription de la loi emporte obligation et non faculté. La teneur d'une disposition, c'est son contenu, ce sont ses termes, tandis que le libellé d'une disposition désigne sa formulation.

  2. La disposition légale ou législative est fixée, prévue, édictée par une loi. On peut la définir comme un acte du pouvoir législatif renfermant une règle de droit générale, permanente et impérative. « Les droits sur les biens tant meubles qu'immeubles sont régis par la loi du lieu où ces biens se trouvent. » En outre, toutes les maximes du droit n'ont de valeur que si elles sont consacrées par des dispositions légales ou par les principes généraux du droit, lesquels ne font pas partie du droit écrit et se distinguent par conséquent des dispositions édictées par le législateur.

    La disposition peut être de fond; en ce cas elle est encore appelée aussi bien disposition de droit substantiel : enlever tout effet à une disposition de fond dûment adoptée que disposition fondamentale et disposition matérielle. On l'oppose à la disposition procédurale ou disposition de procédure, laquelle vise, par exemple, la forme et l'instruction des demandes, les voies de recours et les voies d'exécution.

    La disposition légale, distincte de la disposition statutaire, que l'on trouve dans les statuts d'un être moral (ordre professionnel, organisme, société, association), énoncée dans l'acte constitutif ou dans les dispositions constitutives de la personne morale ou qui est prévue par un statut (condition des fonctionnaires, de la femme mariée, d'une institution fixée par des règles que la loi établit) peut notamment réglementer des rapports, contractuels ou autres, conférer des pouvoirs ou des facultés, prévoir des formalités ou fixer des sanctions. Elle se présente sous une variété considérable d'espèces, de types ou de genres : disposition d'obligation (« La présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province. »), disposition habilitante ou d'habilitation, disposition administrative prévoyant la composition d'un organisme, son siège, ses attributions, disposition constitutionnelle, juridictionnelle, disposition parallèle, disposition de concordance, disposition de prescription, disposition d'exclusion, disposition litigieuse, disposition en matière d'appel, disposition justificative, disposition d'interdiction déterminative ou disposition de présomption, cette dernière étant repérable linguistiquement par l'emploi de participes comme censé, présumé, réputé : « Un titre secondaire est réputé ne pas être un dépôt. » « La convention collective qui ne stipule pas sa durée ou qui est établie pour une durée inférieure à un an est censée avoir été établie pour une durée d'un an. »

    Une disposition est dite réparatrice, rectificative ou corrective (et non [curative]) lorsqu'elle prescrit une forme de redressement ou de réparation en cas de préjudice. « L'article 686 du Code criminel permet à une cour d'appel de rejeter un appel malgré le fait que l'appel pourrait être décidé en faveur de l'appelant en raison d'une erreur de droit, si la cour est d'avis qu'aucun tort important ou aucune erreur judiciaire grave ne s'est produit. »

    La disposition autorisant la dérogation et non la disposition [dérogatoire] (on dit aussi disposition de dérogation) est repérable linguistiquement soit par l'emploi des locutions prépositives par dérogation à ou en dépit de, ou de la préposition malgré (remplaçant la préposition nonobstant considérée vieillie, en France, par la Commission de modernisation du langage judiciaire il y a plus de trente ans), accompagnées de l'adjectif indéfini autre, pour bien signaler que la disposition de dérogation est exclue par pure logique, soit encore par le recours à la forme négative. « Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, le tribunal peut permettre que la requête sollicitant une ordonnance provisoire soit présentée ex parte. » « Malgré les dispositions de toute autre loi ou de toute règle de droit, ni le fonctionnaire ni la personne autorisée ne peuvent être tenus, dans le cadre de poursuites judiciaires : a) de témoigner au sujet de renseignements protégés; b) de produire des rapports, déclarations ou autres documents contenant de tels renseignements. » « Les instructions données par le surintendant ne sont pas des textes réglementaires au sens de la Loi sur les textes réglementaires. »

    La disposition répressive ou pénale prévoit des peines, des sanctions, des pénalités, des amendes en cas d'inobservation ou de non-respect de la loi. « Quiconque contrevient au présent article est passible d'une peine d'emprisonnement de dix ans. » « Commet une infraction punissable, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d'une peine d'un an d'emprisonnement ou d'une amende de cent mille dollars, ou de ces deux peines, quiconque transgresse les prescriptions énoncées au présent article. »

  3. Pour ce qui concerne la rédaction législative des dispositions au Canada, les formules et le style de rédaction sont arrêtés par l'usage en vigueur établi dans les différentes sections de législation au pays.

    La disposition définitoire, distincte de la disposition interprétative, a pour unique objet d'indiquer quel sens il y a lieu de donner à certains termes employés à plusieurs reprises dans le dispositif. Elle définit des termes particuliers ou principaux de la loi et indique leur acception dans ce contexte. Elle est précédée d'une formule introductive qu'on énonce selon deux modèles principaux de rédaction : celui de la courte phrase ainsi libellée (« Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi. ») et celui qui introduit les définitions à l'aide des mots « Dans la présente loi », « Dans le présent règlement ».

    Cette formule introductive est suivie des définitions proprement dites, lesquelles sont constituées de phrases nominales ou de phrases verbales, le terme défini – simple ou multiple – étant placé entre guillemets : « Canada » Le Canada comprend la mer territoriale du Canada au sens de la Loi sur la mer territoriale et les zones de pêche, le fond de la mer et le sous-sol marin. « loi » Loi fédérale. « Dans la présente loi, 'biens' ou 'actif' désigne les biens réels et personnels, et comprend les biens incorporels. »

    La disposition interprétative ou déclarative, qui suit, règle générale de rédaction, la disposition définitoire, vise à dissiper tout doute quant à d'autres régimes de droit ou au sens et à la portée de ce qu'elle prévoit. Son objet est divers. Ce peut être, par exemple, de circonscrire le champ d'application du texte et d'en préciser les effets. « Sauf indication contraire, les termes employés au présent article s'entendent au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. » « Pour l'application de la présente loi, la cessation d'effet d'un texte, par caducité ou autrement, vaut abrogation. » « Sauf indication contraire, la présente loi s'applique à tous les textes, indépendamment de leur date d'édiction. » « La présente loi s'applique à sa propre interprétation. » « Sauf incompatibilité avec la présente loi, toute règle d'interprétation utile peut s'appliquer à un texte. » « Pour l'application de la définition de 'réfugié au sens de la Convention' au paragraphe (1), dans le cas d'une personne qui a la nationalité de plus d'un pays, l'expression 'pays dont elle a la nationalité' s'entend de chacun des pays dont elle a la nationalité. »

    Dans le cadre de l'harmonisation du droit fédéral avec le droit civil au Canada, la disposition interprétative fixe le sens à donner à un texte de loi dans le système canadien de dualité juridique. « Sauf règle de droit s'y opposant, est entendu dans un sens compatible avec le système juridique de la province d'application le texte qui emploie à la fois des termes propres au droit civil de la province de Québec et des termes propres à la common law des autres provinces, ou qui emploie des termes qui ont un sens différent dans l'un et l'autre de ces systèmes. »

    Son objet peut être d'énoncer un principe ou une règle d'application, d'expliquer le sens à donner à une expression ou de délimiter la portée d'une exemption. En ce cas, il est possible de repérer linguistiquement ce type de disposition par le recours à des tournures telles que il est, il demeure, il reste entendu que, précédant l'énoncé d'une précision relative à l'application de la règle de droit, ou encore il est précisé, pour plus de certitude, que(…), tournure permettant de marquer une insistance. Voir plus loin le cas de la disposition harmonisée.

    La disposition interprétative peut être positive ou négative selon que le législateur prévoit quelle interprétation il convient de donner ou de ne pas donner à tout ou partie de son contenu. « La présente loi a pour effet d'interdire toute entrave à l'action du fonctionnaire compétent. », « Le présent article n'a pas pour effet de porter atteinte à l'application de la Loi sur la concurrence. » ou encore : « Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'obliger le propriétaire à prendre à sa charge les frais afférents à l'entretien des parties communes. »

    L'intitulé, au long et en abrégé, l'indication de la date de la sanction, la formule introductive, le préambule, s'il en est, et la formule d'édiction ou de promulgation ne sont pas des dispositions, lesquelles, considérées dans leur ensemble, forment le dispositif du texte, c'est-à-dire la partie fondamentale, le corps du texte de loi.

    La formule d'édiction des lois peut être ainsi libellée : pour les lois fédérales, la rédaction est uniforme : « Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes, édicte : »; pour une loi provinciale ou territoriale, la rédaction, quoique sensiblement la même, n'est pas uniforme : « Sa Majesté, sur l'avis et du consentement de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, édicte : » « Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement de l'Assemblée législative de la Saskatchewan, édicte : » « Le commissaire des Territoires du Nord-Ouest, sur l'avis et avec le consentement de l'Assemblée législative, édicte : » « Le Commissaire du territoire du Yukon, sur l'avis et avec le consentement de l'Assemblée législative, édicte ce qui suit : » « LE PARLEMENT DU QUÉBEC DÉCRÈTE CE QUI SUIT : ».

  4. Les dispositions générales ou d'ordre général ont trait à divers sujets tels les pouvoirs du ministre chargé de l'application de la loi, les dépenses administratives, les attributions du président d'un conseil, le siège d'un organisme, la tenue des réunions, la durée du mandat d'un président, et ainsi de suite. Exemple d'une disposition générale d'ordre financier : « L'article 3 n'empêche pas le gouvernement fédéral de verser des subventions ou des contributions additionnelles à la Fondation. »

    Il ne faut pas confondre ces dispositions générales avec les dispositions générales concernant les textes d'application (« Les textes d'application de la présente loi peuvent incorporer par renvoi toute classification dans leur état premier. ») et les dispositions réglementaires générales qui précèdent les disposition finales. « Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements sur l'aéronautique, et notamment en ce qui concerne les matières ci-après énumérées. »

    On parle d'incompatibilité ou de conflit de dispositions quand une disposition spéciale entre en conflit ou est incompatible avec une disposition générale (l'une prévoit que tel objet est exempté de taxe, tandis qu'une autre dit le contraire). La règle générale veut que c'est la disposition spéciale qui doit produire ses effets, la disposition générale devant être considérée comme limitée aux autres parties de la loi auxquelles elle peut s'appliquer convenablement. « Pour donner effet à des dispositions spéciales d'une loi, il faut souvent interpréter une disposition générale comme excluant les cas couverts par les textes spécifiques. »

    Dans une loi, la disposition exécutoire est l'article qui désigne la personne ou l'organisme chargé de l'application, de la mise en œuvre ou de l'exécution de la loi. « Le ministre de la Santé est chargé de l'application de la présente Loi. »

    On appelle dispositions modificatives (le terme dispositions modificatrices étant moins usité) l'ensemble des dispositions qui ont pour objet de modifier des dispositions en vigueur. Les textes modificatifs visent à modifier partiellement une ou plusieurs dispositions d'un texte antérieur en apportant un changement au contenu ou à la formulation du texte. On qualifie de liminaire la phrase introductive de la disposition modificative : « L'article 10 de la Loi est remplacé par la disposition suivante : « L'article 10 de la Loi est modifié par adjonction de ce qui suit après les mots(…) » « L'article 10 de la Loi est modifié par insertion, avant le mot(…), de ce qui suit : ». Il pourra s'agir de remplacer un article ou d'insérer ou de remplacer, ou même encore de supprimer, des mots d'un article. Le titre même d'une loi pourra être modifié. « Le titre intégral de la Loi sur les immeubles fédéraux est remplacé par ce qui suit : Loi concernant l'acquisition, la gestion et le mode de disposition d'immeubles et de biens réels par le gouvernement du Canada. »

    La disposition de subordination ou de restriction a pour objet d'assujettir l'énoncé de la règle de droit à l'effet produit par le jeu de la disposition visée. La locution adverbiale sous réserve de permet de la repérer. « Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le ministre peut conclure un tel accord avec une province. »

    La disposition harmonisée vise à assurer l'équivalence terminologique parfaite des deux versions linguistiques d'une loi fédérale au regard des deux systèmes juridiques en vigueur au Canada, soit le droit civil pour la province de Québec et la common law pour les autres provinces canadiennes. Par exemple, le concept anglais de "disposition" employé dans la version anglaise de la Loi sur Bell Canada est plus large que son correspondant cession employé dans la version française de cette loi et traduit bien l'intention du législateur. De plus, en common law, contrairement au droit civil, un intérêt dans un bien peut être acquis par bail, qui n'est pas un mode de cession ou de disposition. Par conséquent, la Loi d'harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil, L.C. 2001, ch. 4, édicte la disposition harmonisée suivante en son paragraphe 11(2) pour régler le problème de la disparité de contenu des deux versions linguistiques d'une même disposition. « Sauf dans le cadre de l'activité commerciale normale de la Compagnie, les installations de celle-ci qui sont essentielles à des activités de télécommunication ne peuvent faire l'objet d'une vente ou d'une autre forme de disposition, ni être louées, ["be sold or otherwise disposed of, leased or loaned"] sans l'autorisation préalable du Conseil. »

    De même, le mot aliéner étant plus restreint que disposer et étant inclus dans le concept rendu par le verbe "dispose" de la version anglaise, l'expression droit d'aliéner dans la version française de l'ancienne Loi sur les immeubles fédéraux, L.C. 1991, ch. 50, a été remplacée par pouvoir de disposer au moyen de la disposition harmonisée suivante : « Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi. : 'immeuble fédéral' Immeuble appartenant à Sa Majesté ou dont elle a le pouvoir de disposer » ["power to dispose"]. (Se reporter au point 9).

    La disposition de temporisation prévoit qu'un organisme, un service ou un programme est automatiquement réexaminé, reconduit ou supprimé à la fin d'une période déterminée, sauf prorogation expresse. Elle peut également avoir pour objet une loi entière ou une disposition législative.

    La disposition de sauvegarde, aussi appelée disposition d'exception, a pour objet de déclarer que toute disposition jugée invalide ou incompatible n'a pas pour effet d'invalider les autres dispositions de la loi qui l'édicte ou d'y porter atteinte.

    La disposition de coordination vise à harmoniser l'application de règles de droit ou à coordonner entre elles des dispositions de lois. Elle porte le plus souvent sur la date d'entrée en vigueur de la Loi. « Le paragraphe (1) prend effet à l'entrée en vigueur du paragraphe 88(1) de la présente loi ou à celle de l'article 4 de la Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agro-alimentaire et abrogeant la Loi sur les marchés de grains à terme, chapitre 22 des Lois du Canada (1998), la dernière en date étant à retenir. »

    Les dispositions qualifiées d'applicables renvoient soit au contenu d'une disposition de la loi : « Les paragraphes 4(10) et (13) s'appliquent, avec les modifications de circonstance, au rapport d'étape prévu à l'article 3. », soit à la loi qui s'applique à celle-ci dans tous les cas d'interprétation et d'application. « Les conditions visées au paragraphe (1) restent totalement assujetties, quant à leur interprétation et à leur application, à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. »

    La disposition d'exemption prévoit l'inapplication d'un article de la loi : « Le ministre peut prévoir que cet article ne s'applique pas à l'institution fédérale membre qui en fait l'objet. »

    La disposition non limitative vise à mettre en parallèle (on l'appelle aussi disposition parallèle) deux dispositions législatives afin de préciser que l'une n'a pas pour effet de limiter la portée générale de l'autre ni de faire obstacle à son application générale. Elle s'énonce d'ordinaire par la formule liminaire Sans qu'en soit limitée la portée générale de l'article(…) ou ses variantes Sans que soit limitée la portée générale de l'article(…) ou Sans qu'il soit porté atteinte à l'application générale de l'article(…). Il faut veiller à éviter l'anacoluthe ou la rupture syntaxique que constituerait l'emploi de l'infinitif [limiter] ou [porter atteinte à] puisque le sujet de la proposition principale qui suit cet énoncé ne fait pas l'action exprimée par cet infinitif. Les cas de rupture syntaxique sont très nombreux en rédaction juridique, le plus fréquent, sans doute, étant celui qu'introduit l'emploi du participe présent (par exemple dans les attendus ou les considérants d'un préambule). Pour être certain qu'il n'y a pas faute syntaxique, il faut toujours s'assurer, dans ce cas particulier d'anacoluthe, que le sujet de la proposition principale fait l'action qu'exprime le verbe se rapportant à ce sujet.

    La disposition prohibitive énonce une interdiction. Elle est rédigée dans des termes qui impliquent une contrainte, une obligation de ne pas faire. « Il est interdit d'entraver l'action de l'agent dans l'exercice de ses fonctions. »

    La disposition abrogative ou disposition abrogatoire, encore appelée disposition d'abrogation (« La Loi sur Air Canada est abrogée à la date où la Société devient régie par la Loi sur les sociétés par actions. »), les dispositions diverses, les dispositions consécutives, corrélatives ou connexes, les dispositions transitoires et les dispositions d'entrée en vigueur trouvent leur place dans le dispositif de la loi, lequel est formé par des dispositions finales.

    Par exemple, les dispositions transitoires ont pour objet d'aménager la transition entre la loi ancienne et la loi nouvelle ou le passage d'un régime antérieur à un régime nouveau. Elles suivent généralement les dispositions abrogatives. « Le législateur prend soin de régler lui-même le conflit possible au bénéfice de dispositions transitoires. » « L'alinéa 178(1) d) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, dans sa version édictée par l'article 32 de la présente loi, ne s'applique qu'aux faillites visées par des procédures intentées après l'entrée en vigueur de cet article. »

    Le législateur qui fixe des modalités d'application dans le temps de la loi qu'il édicte peut prévoir son application rétroactive, la survie temporaire ou permanente de la loi ancienne, sous forme de droits acquis, par exemple, et prescrire l'effet immédiat de la loi nouvelle dans un domaine où le droit commun admet normalement la survie de la loi ancienne.

    Les dispositions transitoires se distinguent des dispositions provisoires ou circonstancielles, lesquelles s'appliquent pour une durée limitée dans le temps, après quoi elles perdent leur force obligatoire; tel est le cas des dispositions des lois de crédits et des lois budgétaires.

    Les dispositions consécutives, aussi appelées dispositions corrélatives, modifient les lois qui se rapportent à l'objet de la loi pertinente, tandis que les dispositions connexes viennent s'ajouter aux dispositions déjà en vigueur dans d'autres lois ou reprennent une disposition pertinente d'une autre loi qui se rapporte à la loi : par exemple, une disposition connexe peut prévoir la prolongation d'effet de certains règlements d'application de la loi.

    La disposition d'entrée en vigueur, encore appelée en légistique formelle disposition fixant vigueur ou, elliptiquement, le fixant vigueur, énonce la ou les dates d'entrée en vigueur du texte ou de l'une quelconque de ses dispositions. Si le texte doit avoir effet le jour de sa publication ou à une date postérieure à celle-ci, le législateur emploie la formule entrer en vigueur. « La présente loi entre en vigueur à la date fixée par proclamation. » « La présente loi entre en vigueur à la date fixée par décret. » « La présente loi ou l'une quelconque de ses dispositions (= ou telle de ses dispositions) entre en vigueur à la date ou aux dates fixées par proclamation. » Elle fixe le début de l'application de la loi dans le temps, déterminant le moment à partir duquel elle devient obligatoire.

    La disposition d'entrée en vigueur peut avoir un effet rétroactif. En ce cas, le législateur emploie la formule produire ses effets : « La présente loi produit ses effets le 31 juin 2003. » Une loi, sanctionnée en juin 2003, peut déclarer, au moyen de la formule entrée en vigueur : « La présente loi est réputée être entrée en vigueur le 31 mars 2003. »

  5. La disposition légale a une numérotation, un titre ou un intertitre et elle est souvent qualifiée dans une note marginale placée en regard. Elle a un objet, une matière, un contexte, un sens, une portée.

    La disposition régit une matière, une situation, un cas, elle figure dans une loi, dans un texte, elle est portée dans un article de loi ou à un code, elle se trouve renfermée ou est contenue dans un texte (« Les dispositions contenues dans le titre premier de la présente loi sont de rigueur. ») ou elle est issue d'une loi (« Les nouvelles dispositions issues de la Loi n'entrent en vigueur que plus tard. »)

    La disposition prescrit, ordonne, enjoint et, plus couramment, prévoit. Si le mot disposition n'est pas le sujet de la phrase, on dit, comme pour la loi entière dont elle constitue un élément, qu'elle dispose. « Le paragraphe 6(3) de la Loi d'interprétation dispose : La date d'entrée en vigueur d'un texte fixé par règlement publié dans la Gazette du Canada est admise d'office. »

    Elle peut être d'ordre public ou d'ordre privé (la loi, elle, étant d'intérêt public ou d'intérêt privé). Elle produit des effets et elle peut être licite ou illicite.

    Si on l'invoque pour prouver et convaincre, on dit qu'on la fait jouer, on la fait appliquer. « Il est fait application des dispositions des articles 269 à 271. »

    La disposition qualifiée d'absolue confère une force obligatoire à la règle de droit édictée. On dit qu'elle est obligatoire, contraignante, qu'elle a un caractère impératif (par opposition à celle qui n'a qu'un caractère supplétif, indicatif, permissif ou potestatif). Aussi la disposition impérative a-t-elle force ou valeur contraignante contrairement à la disposition facultative ou supplétive. Une disposition est facultative ou supplétive lorsque le législateur prévoit qu'on peut l'observer sans y être tenu expressément : elle suggère plutôt qu'elle ordonne, autorisant sans obliger. Dans la terminologie législative, la disposition potestative est attributive de pouvoir; elle est repérable par l'emploi du verbe pouvoir. Elle emprunte une forme permissive pour conférer un pouvoir, une faculté ou une habilitation. « Sur recommandation du ministre, le gouverneur en conseil peut prendre le décret de dévolution. »

    Une formalité sera dite impérative et non indicative ou directive si sa violation est sanctionnée ou frappe de nullité le texte qui la renferme. Par ailleurs, la disposition ayant valeur de directive prévoit des formalités : elle peut être impérative ou, alors, n'avoir qu'une valeur indicative. De telles dispositions sont repérables par l'emploi du verbe devoir ou de la locution verbale être tenu de ou leurs équivalents, dont l'indicatif présent ayant valeur d'obligation (cas de la disposition impérative) et le verbe pouvoir (cas de l'antonyme).

    On distingue encore les dispositions impératives absolues (auxquelles il n'est pas permis de déroger sous peine de sanction grave) des dispositions impératives tempérées ou non absolues, qui se présentent comme des prescriptions à suivre, mais dont l'inobservation, quoique passible d'une peine, n'entraîne pas la nullité d'un acte ou ne mettra pas en cause la validité de l'acte accompli.

  6. S'agissant d'un texte juridique autre qu'une loi ou un règlement, la disposition est qualifiée de générale (et non [de couverture] quand la prescription de nature impersonnelle et abstraite s'applique à quiconque se trouve placé dans la même situation que celle qu'évoque la disposition; par exemple, les conditions générales d'une police d'assurance ou d'un appel d'offres se rangent dans cette catégorie. Son contraire est la disposition particulière ou spéciale, qui ne s'applique qu'à des personnes déterminées et nommément désignées et qu'à des situations particulières.

    Une disposition peut être expresse (la prescription est explicitement énoncée, la règle de droit est énoncée en termes formels); son contraire est la disposition tacite ou implicite (cas de la prescription qui doit être déduite de l'énoncé). Une disposition peut être formelle ("technical"), mais elle n'est pas [technique].

    La disposition contraire (à une autre disposition) établit une prescription qui contredit celle que l'on édicte : « Toutes dispositions contraires au présent contrat sont nulles et non avenues. »

    Un contrat renferme des dispositions contractuelles, une convention, un traité, des dispositions conventionnelles, un testament, des dispositions testamentaires, encore appelées dispositions posthumes.

    Lorsqu'un article de loi, une stipulation dans une convention ou tout acte juridique prévoit un énoncé libellé en une seule phrase et ne contenant qu'une seule prescription, l'usage permet de dire que cet énoncé rédigé sous forme d'article distinct renferme des dispositions; l'emploi du pluriel se justifie par le fait que cet article pourra être modifié et que des prescriptions nouvelles pourront s'ajouter à la prescription unique. Cet usage n'empêche pas que l'article peut, en une seule phrase, comporter une règle et une ou des restrictions.

    Ne pas confondre les mots disposition, indication ou mention et stipulation dans l'expression qui introduit ou qui clôt l'énoncé d'une règle. Leur emploi n'est pas interchangeable. Les expressions sauf indication contraire et sauf mention contraire renvoient à un passage quelconque dans le document. Sauf disposition contraire précise qu'il s'agit d'une prescription énoncée dans le texte. Sauf stipulation contraire ne se dit que dans un contrat ou un texte s'apparentant à un contrat ou à une convention, tel un traité, sauf si le mot stipulation n'est pas employé dans son acception technique, mais qu'il est usité dans son sens courant de mention ou d'indication donnée expressément. « Sauf stipulation contraire, les lois n'ont pas d'effet rétroactif. »

  7. S'agissant d'une décision judiciaire, la disposition dans l'énoncé de la solution donnée au litige se trouve dans le dispositif du jugement. Elle permet au juge de déclarer en quoi consiste la décision qu'il rend et de statuer sur des questions fondamentales se rapportant à l'énoncé des motifs. « Une des qualités essentielles du dispositif est de ne pas comporter de dispositions incompatibles ou contradictoires, soit entre elles, soit avec les motifs. » « Il y a désaccord entre les motifs et les dispositions de ce jugement. »

    Décharger une partie des dispositions lui faisant grief. Dispositions civiles, dispositions pénales d'un arrêt. Maintien des dispositions. « Par ces motifs, infirme le jugement entrepris; décharge en conséquence la société appelante des dispositions lui faisant grief et des condamnations prononcées contre elle. » « Par ces motifs, casse et annule l'arrêt précité en toutes ses dispositions civiles, toutes autres dispositions de cet arrêt étant expressément maintenues. » « Plusieurs criminels échappent aux mailles de la justice en faisant jouer les dispositions de l'arrêt Miranda, qui obligent les policiers américains à informer les suspects de leurs droits lors de leur interpellation et à leur fournir un avocat avant tout interrogatoire. »

  8. Dans un sens plus large, on entend par dispositions d'un arrêt les différents énoncés du juge qui fondent son argumentation en fait et en droit. Corps des dispositions. Infirmer la disposition prise par le premier juge. « C'est de l'application d'une règle de droit aux faits de l'espèce que le juge a déduit sa solution. Cette règle s'inscrit dans un corps de dispositions plus larges dont elle n'est qu'un aspect. » « La Cour de cassation censure les décisions qui se prononcent par voie de dispositions générales, en méconnaissance du principe dit de la prohibition des arrêts de règlement. »
  9. Dans une autre acception, la disposition est une forme d'aliénation. C'est l'action de disposer d'un bien, de s'en défaire, de renoncer à sa jouissance, notamment par vente, cession ou transmission. On le voit, les concepts d'aliénation, de vente, de cession, de transmission sont plus restreints que celui de disposition. « Sous réserve de toute autre loi, la disposition ou la location d'un immeuble fédéral ou d'un bien réel fédéral ou la délivrance d'un permis à son égard sont assujetties à la présente loi. » Disposition ou aliénation du bien grevé.

    L'auteur d'une disposition est le disposant, la disposante, le ou la destinataire de la disposition étant appelé bénéficiaire. L'acte de disposition (par opposition à l'acte d'administration et à l'acte conservatoire) a pour objet de prévoir la transmission ou le transfert d'un bien (la vente de son terrain, par exemple), que ce soit du fait de la volonté des parties à l'opération (constitution d'un acte hypothécaire ou passation d'un bail) ou par application de la loi (dans le cadre d'une expropriation par exemple). Disposition de l'objet du bail. L'acte de disposition testamentaire ou, plus simplement, la disposition testamentaire vise à régler une succession en disposant par testament. On dit que le testateur dispose, qu'il a la capacité de disposer. Capacité, incapacité absolue, relative de disposer et de recevoir. Disposition par voie de règlement de succession. Validité, invalidité d'une disposition. Caducité, irrévocabilité, révocabilité d'une disposition.

    Disposition caduque, périmée, disposition irrévocable, révocable. Disposition principale, disposition accessoire. Mode de disposition. Cause de la disposition. Prendre ses dispositions en conformité avec la Loi sur les testaments. Attaquer une disposition. Annuler une disposition.

    La disposition peut s'opérer entre vifs (cas de la donation) ou à cause de mort (celle qui est consignée dans un testament ou un codicille). Elle peut aussi s'effectuer à titre onéreux (cas de la vente d'un bien) ou à titre gratuit, qu'on appelle dans l'usage libéralité (la donation, soit le transfert d'un bien au profit d'un tiers sans contrepartie, est un mode de disposition). Consentir une disposition. « Il n'y a pas donation lorsque le disposant ou donateur agit dans un intérêt personnel pour obtenir du donataire un avantage personnel qu'il n'aurait pas reçu s'il n'avait pas consenti la disposition considérée. » Moment de la disposition. Acceptation de la disposition. Notification de la disposition.

  10. La locution verbale mettre à la disposition de signifie rendre quelque chose disponible pour quelqu'un (on dit aussi comme variante de cette locution mettre à disposition) : « Tous les jugements de la cour d'archives, présentant une importance sur le plan du droit ou des principes, sont ordinairement mis à disposition dans les deux langues officielles. » ou encore être assujetti à l'autorité de quelqu'un. Être mis à la disposition du gouvernement. « Le condamné mis à la disposition du gouvernement peut à tout moment demander à être relevé des effets de sa condamnation. »
  11. L'expression avoir (la) libre disposition d'un bien signifie que le sujet de droit peut jouir sans contrainte de son bien et l'aliéner à son gré. « Les particuliers ont la libre disposition des biens qui leur appartiennent sous les modifications établies par la loi. »
Formules courantes dans la rédaction des énoncés liminaires des dispositions légales

effectif, ive/effectivité/efficace/efficacité/efficience/efficient, ente

  1. Le mot effectivité ("effectiveness") s'emploie en droit international public et privé, en sociologie du droit et dans la théorie du droit. Dans son acception la plus usitée, il désigne le degré (degré d'effectivité) ou la dose de réalité sociale (le néologisme effectivisation, qui a ce sens, n'est pas encore entré dans l'usage, aussi certains juristes l'emploient-ils encadré par des guillemets) que doit effectivement renfermer une norme juridique pour être applicable.

    De cette acception originelle (le terme a été créé au siècle dernier), le vocable s'est vite enrichi de sens extensifs qu'il convient de passer en revue dans des textes de lecture qui, selon l'habitude des textes que contient le présent ouvrage, mettent en relief ses diverses manifestations linguistiques et ses unités syntagmatiques.

  2. En droit international public, l'effectivité s'applique à de nombreuses matières, dont la nationalité des personnes physiques ou morales, l'État, l'occupation de territoires, l'exercice de la souveraineté, l'annexion et le blocus maritime. S'agissant, par exemple, du blocus régulier, on dit qu'il est soumis à une condition de validité, celle de l'effectivité. Suivant l'article 4 de la Déclaration de Paris du 16 avril 1856, lequel énonce la règle de l'effectivité du blocus, les blocus effectifs doivent être « maintenus par une force suffisante pour interdire réellement l'accès au littoral de l'ennemi. » Le procédé de l'occupation effective constitue l'une des applications les plus marquantes du principe d'effectivité. Il signifie que le titre territorial repose sur l'exercice réel des compétences étatiques par l'État revendiquant. Une des conditions d'acquisition des territoires est l'exigence d'une possession effective. Effectivité de l'occupation.

    L'effectivité sera ce qui se réalise en fait pour être valable ou opposable aux tiers, ce qui prévaut dans les faits et dont l'existence indiscutable justifie la reconnaissance ou l'opposabilité. La souveraineté d'un territoire pourra être attribuée non pas au pays qui détient le titre régulier de souveraineté sur celui-ci, mais à celui qui, dénué de titre, administre effectivement le territoire.

    À propos de la condition d'indépendance d'un État et de ses modalités d'acquisition, deux types de concurrence peuvent porter atteinte à ce monopole : l'État peut n'avoir sur le territoire qu'une effectivité réduite ou partielle (deux autorités rivales prétendant à la qualité de gouvernement de l'État), son concurrent et lui se la partageant en permanence; on parle en ce cas d'une effectivité partielle durablement localisée. Conserver une effectivité partagée. Il se peut aussi qu'il ait une effectivité exclusive (hypothèse du gouvernement unique) sur une partie seulement de ce territoire (l'État victime de la sécession ou de la scission n'arrive plus à conserver son autorité sur la collectivité qui aspire à se constituer en État) sans parvenir à empêcher son concurrent de maîtriser mieux que lui cette partie du territoire, même si son ordre juridique se croit encore efficace sur elle.

    L'effectivité intermittente et l'effectivité localisée mettent en cause la qualité d'État, ou d'État unique, de la collectivité. Effectivité exiguë, effectivité totale. Réduire un gouvernement à une effectivité intermittente. En ce cas, le gouvernement officiel et son rival se partagent l'autorité politique dans le pays, l'un et l'autre pouvant invoquer une effectivité intermittente sur des fractions de collectivité. Il y a tout lieu de se demander alors si le gouvernement au pouvoir est vraiment effectif et non [efficace].

    À propos de la formation d'un État, la notion d'effectivité entretient un rapport avec la réalité de pouvoir et la réalité de l'indépendance. Dans quelle mesure un gouvernement effectif s'est-il établi sur le territoire que revendique l'État prétendu 1 et 2 et a-t-il réussi à détacher effectivement ce territoire de toute autorité étrangère? Pareille question soulève celle des pratiques fondées sur l'effectivité d'un nouveau gouvernement. Ces pratiques sont les seules qui soient conformes à la signification juridique de la reconnaissance officielle d'un État. Par exemple, de nombreux États ont longtemps refusé de reconnaître des gouvernements par ailleurs effectifs. Nature, rôle de l'effectivité. Considérations, éléments, facteurs d'effectivité. Condition, exigence d'effectivité. Jouir de l'effectivité (pour avoir la qualité d'État). Effectivité du pouvoir de l'État. Effectivité d'un lien (par exemple entre l'État et la collectivité nationale). Effectivité minimale, satisfaisante, variable (de pouvoirs). Consistance, étendue de l'effectivité. Effectivité structurelle. Effectivité menée à terme (par exemple en justifiant l'ordre établi), effectivité en action  : « Quand le rapport du fait avec le droit prend le caractère d'une tension, on est en présence d'effectivités en action. »

    Autre exemple d'un domaine où apparaît manifestement l'effectivité : le nouvel État refuse d'être lié par l'ordre juridique établi par son prédécesseur ou par les engagements que ce dernier a conclus. L'effectivité se révèle dans le refus d'honorer ces engagements.

  3. L'effectivité a pour antonyme l'ineffectivité. « L'ineffectivité de l'État ne fait pas toujours obstacle à sa survie légale, alors même que l'annexion de son territoire aurait été reconnue. » « Paraissant se désintéresser du sort de la société belge, l'attitude du Canada a confirmé l'impression d'ineffectivité de la nationalité canadienne attribuée par la loi de cet État. »
  4. On ne peut employer indifféremment les termes d'effectivité et de positivité (lequel s'entend de l'observation effective ou générale des règles du droit positif), d'effectivité et d'efficacité (ce dernier terme s'entendant de l'adéquation des moyens mis en œuvre à l'objectif recherché). Par exemple, de nombreux traités d'organisation internationale dotés d'une efficacité certaine et pourvus d'adhésions nombreuses restent démunis d'effectivité. « On tiendra pour efficaces les dispositions d'un acte international quand, considérées en elles-mêmes, elles apparaissent adéquates aux fins proposées. Elles seront par la suite tenues pour plus ou moins effectives selon qu'elles se sont révélées capables ou non de déterminer chez les intéressés les comportements recherchés. » Ainsi, on dira d'une disposition conventionnelle qu'elle est efficace quand ses termes, pris dans leur sens ordinaire, traduisent de façon adéquate l'intention des parties, et inefficace quand les termes ne permettent pas de dégager cette intention avec certitude, l'accent étant ici placé sur l'adéquation rédactionnelle du texte. Une telle disposition accède à l'effectivité quand il apparaît que sa pleine réalisation impose la recherche des fins supérieures, des potentialités que les parties, sans les avoir énoncées, doivent nécessairement avoir envisagées.
  5. Dans une autre acception, le mot effectivité s'emploie pour désigner l'aptitude d'un acte juridique irrégulier dans sa formation (défaut d'enregistrement, omission des signatures, absence de consentement) à produire, malgré cette irrégularité, certains effets de droit. Serait effectif en ce sens l'acte qui, en dépit de sa nullité primitive, serait néanmoins propre à manifester provisoirement des effets en se consolidant dans la pratique.
  6. Dans son acception générale, l'effectivité s'entend de l'aptitude d'un acte juridique à produire des effets de droit (par exemple, la force exécutoire de l'acte notarié), l'aptitude d'une règle de droit à pouvoir être appliquée ou exécutée, et à pouvoir être respectée dans les faits. Le critère principal de validité d'un acte ou d'une règle juridique est son application effective, concrète, dans les faits, autrement dit son effectivité. Effectivité des décisions de justice en droit international privé. Effectivité des décisions de justice étrangères. Faciliter ou limiter l'effectivité des jugements étrangers.

    En droit public interne canadien, l'effectivité des décisions judiciaires ne soulève aucun débat. L'autorité publique respecte les décision judiciaires, surtout celles que rend la Cour suprême, et ne se demande pas si un arrêt rendu est susceptible d'exécution. Si la Cour a parlé, nul ne se redressera, sinon pour former un renvoi sur des questions constitutionnelles. « On se rallie volontiers, au Canada, à l'opinion donnant effet erga omnes à un jugement d'inconstitutionnalité d'une loi, surtout s'il émane du plus haut tribunal du pays. »

  7. Il convient de distinguer l'effectivité de l'efficacité et de l'efficience. Le caractère effectif (l'effectivité) d'une loi est son aptitude à être appliquée réellement, la nature des effets qu'elle produit. On parlera ainsi de l'effectivité des normes qu'elle édicte, de l'effectivité de ses sanctions. Son caractère efficace (l'efficacité) se mesure à l'aulne de ses bienfaits, de son aptitude réelle à réaliser ses objets, de ses conséquences et de ses effets recherchés sur la société et sur les règles de droit. On parlera en ce cas de l'efficacité constitutive, déclarative, prohibitive, dissuasive, incitative de la loi, de son efficacité de fait. Son efficience (notion essentiellement économique) est marquée par les coûts de son élaboration, de sa diffusion, de la mise en œuvre et de la mise à exécution de ses dispositions et de son règlement d'application. Se reporter au point 9).
  8. Ce dont l'effectivité est certaine dans un futur déterminé sera exprimé au moyen de la locution prépositive et adverbiale à terme  : le contrat, le marché, l'obligation à terme, l'achat à terme est doté d'une effectivité certaine.
  9. Il faut bien distinguer les adjectifs effectif, efficace et efficient. Pour être effective, la signification à personne doit se faire en main propre; pour être efficace, une réparation judiciaire doit s'opérer dans les faits, un moyen de défense doit convaincre le tribunal et une enquête doit révéler l'existence des faits recherchés. Pour être efficiente, l'administration de la justice doit éviter le double emploi et la bureaucratie. En conséquence, l'effectivité d'une ordonnance judiciaire sera son aptitude à être exécutée après son prononcé, l'efficacité d'un moyen de preuve sera sa force probante et l'efficience d'une exploitation sera conditionnée par la maximisation du rapport entre les résultats obtenus (les extrants) et les moyens mis en œuvre pour obtenir ces résultats (les intrants).

    Dans la perspective de la sociologie du droit, on entend par effectivité du droit la mesure des écarts entre le droit et son application. Droit effectif. Cette notion tend à se confondre avec celle de l'efficacité du droit (droit efficace), qui permet d'évaluer les résultats et les effets sociaux du droit, et celle de l'efficience du droit (droit efficient) qui consiste à vérifier que les objectifs assignés à la règle de droit ont été atteints au meilleur coût.

  10. Est effectif ce qui devient réalité. « La disparition de cette infraction ayant été décidée par le législateur est devenue effective l'an dernier. » « Le gouverneur en conseil peut-il, par règlement, rendre effectives les stipulations des traités signés par le Canada? »

    Est effectif aussi ce qui existe réellement, ce qui est tangible, ce dont la réalité est incontestable. Préjudice matériel effectif. Acte de confiance effectif, la contrepartie effective tenant lieu de contrepartie fictive dans le droit des contrats en régime de common law. Dans le droit des biens en régime de common law également, on oppose la délivrance effective à la délivrance fictive. Nationalité effective. « La nationalité n'est internationalement opposable aux autres États que si elle est effective. » « Il doit exister un lien substantiel entre l'État et le navire; l'État doit notamment assurer l'exercice effectif de sa compétence et de son contrôle sur les navires battant son pavillon. »

    « Il y a prescription dans le cas où il y a exercice effectif, continu et sans lacunes de la souveraineté territoriale. » « Les apports en nature sont réalisés par le transfert des droits correspondants et par la mise à disposition effective des biens. » En ce sens, on parle du caractère effectif (de l'usage du sol, de l'occupation d'un bien-fonds) par opposition à l'abandon de cet usage ou de cette occupation. Remboursement effectif des sommes dues.

    Est effectif, enfin, ce qui se traduit par un effet réel, ce qui produit l'effet recherché. « Est garanti le droit à la réparation de toute lésion effective des droits. » « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale. » Consentement effectif (dans le droit des délits en régime de common law).

    Attention : une loi n'est pas [effective] à partir d'une certaine date, mais elle entre en vigueur, elle a ou elle prend effet à compter d'une date fixée expressément par le législateur.

  11. Le mot effectif s'emploie comme substantif. Il s'entend du nombre de personnes qui forment un groupe, surtout dans le monde du travail (l'effectif d'une entreprise), ou une collectivité. Il a comme complément le groupe lui-même (l'effectif de la main-d'œuvre) ou les personnes qui le composent (l'effectif des employés permanents). Des auteurs affirment qu'on ne peut employer ce mot au pluriel. Pourtant, on dit correctement, et le bon usage l'atteste, appuyé en cela par tous les dictionnaires : « Il y aurait lieu d'augmenter les effectifs des auxiliaires de la justice vu le grand nombre des demandes et l'encombrement des tribunaux. » Effectifs de juges. Alléger, augmenter, étoffer, grossir, gonfler, rajeunir, réduire, renforcer, resserrer les effectifs.
  12. Le champ sémantique de l'adjectif efficient est plus restreint que celui de son homonyme anglais "efficient", lequel, en plus de renvoyer, comme son sosie français, à ce qui est opérant, performant, productif, rationalisé et rationnel, se rend notamment, selon les contextes, par des adjectifs tels que avantageux, bon, capable, commode, compétent, discipliné, efficace, énergique, excellent, facile, fécond, fructueux, habile, judicieux, satisfaisant, utile, vaillant et valeureux.

    Il en est de même pour l'adjectif effectif, l'homonyme anglais "effective" ayant une aire sémantique beaucoup plus large. On évitera les anglicismes sémantiques auxquels donne lieu l'emploi de l'adjectif effectif en choisissant, selon les contextes, l'un des adjectifs suivants : actif, agissant, appliqué, bon, concret, convaincant, décisif, efficace, frappant, judicieux, réel, saisissant, tangible, utile, véritable.

entaché, ée/entacher

Le mot entaché s'écrit sans accent circonflexe sur le a.

  1. La morale et le droit nourrissent des liens très étroits. Ces deux domaines se recoupent. Parmi les mots du droit, un groupe déterminant et le plus nombreux appartient au vocabulaire de la morale, supérieur d'ailleurs à celui de la politique, puisque le droit consiste au premier chef à organiser en un système de règles tout ce qui, dans la vie en société, se rapporte à la justice : il faut rendre à chacun le sien et respecter ou faire respecter son droit.

    Autour de la notion de justice s'élaborent des principes, un ordonnancement juridique et un langage qui s'alimentent linguistiquement à des sources terminologiques, dont les sciences morales constituent le dénominateur commun : l'équité, le juste, le vrai, le bien, le bon, les devoirs, la conscience, la bonne foi. Tout ce qui paraît ou se révèle contraire à cet idéal du bon sera sanctionné, puni, châtié comme faute.

    Le vocable entaché est emprunté lui aussi à la morale. Il évoque une souillure, une tache, ce qui est gâté, terni, atteint. Est dit entaché l'acte qui est affecté d'une irrégularité, qui est vicié et qui, de ce fait le rend nul. Entaché de nullité signifie qui est déclaré nul en raison d'un vice, de forme ou de fond, qui l'affecte.

    Inversement, la validité est dans le caractère de ce qui n'est entaché d'aucune cause de nullité. Si un préjudice économique est causé à l'un des contractants, on dira que le contrat est entaché de lésion. Un contrat est entaché de nullité quand sa formation a été viciée, par exemple parce qu'il ne traduit pas l'intention des parties. Les actes et les décisions d'une municipalité sont entachés de nullité, si elle abuse de son pouvoir discrétionnaire. Un arrêté ou un règlement de zonage est entaché de nullité, s'il n'est pas conforme au plan d'urbanisme. Un mandat de perquisition est entaché de nullité pour cause notamment de fraude 2, de conduite délibérément trompeuse, d'incompétence du juge qui l'a délivré. Un consentement est entaché de nullité, s'il est obtenu par l'emploi de la force ou par suite de menaces, par la fraude ou la supercherie, ou s'il est donné sous l'effet de stupéfiants.

    De même, une décision sera entachée de nullité en raison d'un vice de procédure grave ou pour cause d'absence de motifs. L'acte ou l'omission qui est accompli en violation des prescriptions de la loi est entaché de nullité. Au Canada, une loi contraire à la Charte sera dite entachée de nullité. Un jugement est entaché de nullité, s'il est rendu par un tribunal incompétent.

    Au Canada encore, un procès est entaché de nullité, si le juge n'accède pas à la demande de l'accusé que son plaidoyer soit enregistré en français.

  2. Le mot entaché a toujours une connotation péjorative et ses nombreux cooccurrents seront nécessairement dépréciatifs.

    Entaché de nullité (ab initio, absolue), d'une cause de nullité, d'une condition illicite, d'un manque de base légale, d'un vice (caché, fondamental, grave, ab initio, inhérent, de fond, de procédure, irrémédiable), d'une erreur (de fait, de droit, d'écriture, dominante et manifeste, manifestement déraisonnable, flagrante, fatale, matérielle, grave, juridictionnelle), d'une irrégularité (grave, fatale, de fond), d'une invalidité, d'un défaut (technique, de garantie), d'une omission (illicite, importante), d'une interprétation (erronée, fausse), de fraude, d'illégalité, de dol, de malhonnêteté, de corruption, d'arbitraire, de partialité, d'une apparence de partialité, de parti pris, de favoritisme, de préférence frauduleuse, d'influence indue, d'injustice, de négligence (grave, répréhensible), d'abus de pouvoir, de conflit d'intérêts, de violence, de contrainte, de crainte, de faux, de supercherie, de distorsions, d'allégations, de réticences (significatives), d'inexactitudes, de contradictions, d'ambiguïtés, d'anomalies, d'assertions inexactes, de mauvaise foi, d'un motif (illicite), d'iniquité, d'un manque d'équité, d'une violation (de la loi, de la justice naturelle), de collusion, de connivence, de criminalité, d'immoralité (coupable), d'incompétence, d'excès de compétence, d'une intervention (injustifiée).

  3. Le verbe entacher est transitif direct. « La violation du droit à l'assistance d'un avocat, que garantit l'article 10, entache le caractère raisonnable de la fouille. » « L'erreur entache la totalité de la procédure. »

évasion/évitement/fraude 1

  1. Dans le droit de l'impôt, l'évasion fiscale, en Europe francophone, se définit comme l'ensemble des procédés aussi bien licites qu'illicites qu'utilise une personne physique ou morale pour tenter de réduire le montant des impôts qu'elle devrait payer (par exemple par l'évasion de ses capitaux à l'étranger ou évasion fiscale internationale).

    Au Canada, la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit deux catégories d'infractions fiscales. Les infractions les plus graves, connues sous le nom d'évasion fiscale, sont prévues au paragraphe 239(1) et peuvent faire l'objet de poursuites sommaires ou, au gré du procureur général du Canada, d'une mise en accusation. La Loi prévoit également des infractions réglementaires en ses paragraphes 238(1) et (2), lesquelles sont punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Ces deux catégories d'infractions sont conçues pour protéger l'intégrité du système d'imposition lui-même fondé sur le mécanisme de la déclaration personnelle de revenu (et non du [rapport d'impôt]).

  2. Il ne faut pas confondre les notions apparentées d'évasion fiscale ("tax evasion" ou "tax dodging") et d'évitement fiscal ("tax avoidance"). L'évasion fiscale est une opération illégale par laquelle un contribuable rapporte faussement, falsifie ou retient des informations en vue d'éluder l'observation de la Loi de l'impôt sur le revenu ou le paiement d'un impôt. La Circulaire d'information 73-10R3 du 13 février 1987 publiée par Impôt Canada la définit comme le fait de poser un acte ou d'omettre de poser un acte sciemment, de conspirer en vue de poser un tel acte ou de participer à l'accomplissement d'un tel acte, dont le résultat peut entraîner une accusation au criminel. Circonstances s'apparentant à l'évasion fiscale. Cas d'évasion fiscale. Répression de l'évasion fiscale. Méthode d'évasion fiscale. Transaction ou pratique constituant une évasion fiscale. Faire de l'évasion fiscale. Commettre volontairement une évasion fiscale. Mettre au point, exécuter, réaliser des stratagèmes d'évasion fiscale, des mécanismes de prévention de l'évasion fiscale. S'adonner à l'évasion fiscale. Contrer, décourager, dénoncer, empêcher, lutter contre, mettre un frein à, prévenir l'évasion fiscale. Intenter des poursuites pour évasion fiscale. Accuser quelqu'un d'évasion fiscale. Allégations d'évasion fiscale. Preuve d'évasion fiscale. Condamnation pour évasion fiscale.

    Toutefois, pour couvrir le cas des procédés non réprimés par la loi et l'utilisation licite par le contribuable de la fiscalité (se reporter à l'article FISC) afin de se prévaloir des aménagements avantageux que prévoit le législateur et réduire ainsi sa dette fiscale dans le respect des dispositions en vigueur, la Loi emploie le terme évitement fiscal, que l'on appelle optimisation fiscale en France et choix de la voie la moins imposée en Belgique.

    Le législateur perçoit l'évitement fiscal comme une opération visant à contourner la Loi de l'impôt sur le revenu. Aussi a-t-il prévu une règle générale anti-évitement (RGAÉ), laquelle peut être invoquée afin de refuser l'avantage fiscal résultant d'opérations d'évitement fiscal. Évitement d'impôt, évitement d'un montant payable. Il faut qu'une opération entraîne un avantage fiscal pour constituer un évitement fiscal. La Loi définit ainsi l'avantage fiscal « Réduction, évitement ou report d'impôt ou d'un autre montant payable (…) ou augmentation d'un remboursement d'impôt ou d'un autre montant visé par la présente loi » (article 245).

    En cas d'opération d'évitement, prescrit cette RGAÉ, les attributs fiscaux d'une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal qui découlerait, même indirectement, de cette opération ou d'une série d'opérations dont cette opération fait partie. Le contribuable reconnu coupable de cette infraction est passible d'une amende ou d'un emprisonnement. Selon la procédure de mise en accusation, il encourt une amende minimale de 100 % et maximale de 200 % de l'impôt qui a été éludé. Le juge peut infliger une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans.

  3. La fraude 1 fiscale couvre l'ensemble des actes d'évasion ou d'évitement commis de mauvaise foi dans l'intention de tromper le fisc et de se soustraire à des contraintes fiscales en vue de diminuer le plus possible sa charge fiscale. La déclaration mensongère tout comme l'absence de déclaration sur le revenu qui préjudicient au Trésor public constituent des formes de fraude fiscale réprimées par des pénalités civiles (articles 162 et 163 de la Loi) et par des sanctions pénales (articles 238 et 239).

    L'erreur de bonne foi commise dans l'application des dispositifs fiscaux devenus de plus en plus complexes n'emporte pas fraude fiscale.

exempter/exemption/exonération/exonératoire 1/exonérer

Le verbe exonérer se prononce eg-zo et exempter, ex-zan. Attention aux barbarismes [exonorer] et [exhonorer]. « L'ensemble de la preuve établit qu'il doit être [exhonéré] (= exonéré) de toute responsabilité. »

L'accent aigu dans exonérer se change en accent grave devant une syllabe muette, sauf au futur de l'indicatif et au conditionnel présent. J'exonère, mais nous exonérons; j'exonérerai, nous exonérerions.

  1. Le mot exonération vient du latin exoneratio qui signifie action de décharger d'un fardeau. Il est attesté dans son sens fiscal depuis la fin du XVIIIe siècle à propos d'impôts, de taxes, de charges. L'exonération fiscale est la dispense totale ou partielle d'impôt aux conditions fixées par la loi. Exonération pure et simple, exonération de plein droit, exonération sur agrément, exonération absolue ou avec progressivité. Dans ce sens strict, l'exonération est une immunité fiscale. Dans un sens large, elle désigne également la dispense du paiement d'une imposition. Ainsi, des produits sont exonérés lorsqu'ils sont dispensés de droits. « Une limite d'exonération spéciale est prévue en faveur des contribuables ne disposant que de ressources modestes. »

    En matière contractuelle, l'exonération s'entend aussi du fait pour un créancier de dispenser son débiteur de fournir la prestation qui lui est due. C'est une renonciation au droit d'obliger le débiteur à s'acquitter envers lui. « Les causes d'exonération du débiteur sont soumises, en droit international privé belge et français au statut de l'autonomie de la volonté, autrement dit elles relèvent de la loi applicable au contrat. » « Les causes d'exonération du débiteur dépendent, en matière contractuelle, de la nature de son obligation : obligation de moyens (il s'exonère en prouvant son absence de faute), obligation de résultat (il s'exonère par la preuve d'une cause étrangère). »

  2. Comme son dérivé substantif, le verbe exonérer prend son sens fiscal actuel dès la fin du XVIIIe siècle. Exonérer, c'est décharger quelqu'un d'une obligation financière, d'où spécialement exonérer un contribuable. Contribuable exonéré. Le verbe s'applique aussi à des choses : biens, éléments, produits exonérés. Exonérer prend aussi au XXsiècle le sens de dispenser, ce qui explique la confusion que l'on opère entre les quasi-synonymes exemption et exonération, deux concepts voisins en fiscalité.
  3. Au sens strict, l'exemption est la dispense d'une obligation fiscale. Elle exempte une personne d'une obligation; dans le cas d'une exonération, c'est un revenu qui est concerné.

    On ne peut pas employer dispenser pour exonérer, ce verbe étant réservé pour qualifier l'exemption d'une obligation : dispenser d'une déclaration, dispenser d'une formalité, dispenser d'un paiement, dispenser d'un bilan.

    L'exonération doit être employée de préférence à l'exemption, sauf lorsqu'il s'agit de dispenses de l'accomplissement d'une obligation fiscale, tel le dépôt de documents.

    L'exonération renvoie à la notion de déduction : l'exonération des gains en capital, par exemple, est une autre façon de dire déduction pour gains en capital.

    L'exemption est un allégement fiscal accordé au contribuable. Exemption de base. Exemption de marié. Exemption en raison d'âge. Exemption maximale attribuée, exemption maximale pour redevances. Exemption personnelle (de base), (supplémentaire). Exemption (totale) pour dividendes. Exemption accordée à une entreprise exploitée par des bénévoles. Exemption d'une société immobilière. Exemption de capital. Exemption pour enfants à charge, pour bourses d'études. Exemption relative à la fête de Noël.

    Lorsque la Loi de l'impôt sur le revenu dispose : « N'est pas inclue dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition la somme exonérée de l'impôt sur le revenu par toute autre loi fédérale », cette exonération fiscale constitue une exemption fiscale prévue par une autre loi du gouvernement canadien.

  4. En matière de responsabilité pénale, l'expression [exonérer de tout blâme] au sens de ne pas attribuer de responsabilité criminelle à quelqu'un est critiquée; on l'assimile à un calque de l'expression anglaise "to exonerate from blame", qui signifie disculper 1 et 2, innocenter. On évitera donc de dire : « Les témoignages [exonéraient] l'un des accusés », préférant dire plutôt que les témoignages le disculpaient, l'innocentaient, le mettaient hors de cause, établissaient l'innocence de l'un des accusés. Un accusé ne peut pas être [exonéré] de tout crime quand on entend qu'il est déclaré innocent de tout crime.

    Le verbe exonérer ne peut s'employer non plus en ce sens à la forme pronominale; on ne dit pas [s'exonérer], mais se disculper, établir, démontrer, prouver son innocence.

  5. Exonérer signifie proprement décharger, dégager quelqu'un ou, plus rarement, quelque chose d'une obligation, d'une responsabilité. « Le défendeur a été exonéré de toute responsabilité.  » « La personne qui porte secours à autrui ou qui, dans un but désintéressé, dispose gratuitement de biens au profit d'autrui est exonérée de toute responsabilité pour le préjudice qui peut en résulter, à moins que ce préjudice ne soit dû à sa faute intentionnelle ou à sa faute lourde. » Déchéance ne constituant pas une cause d'exonération de la responsabilité. Exonération de responsabilité en cas de divulgation d'un secret commercial. Auteur exonéré d'une faute. Stipulation exonérant le transporteur. Exonérer un citoyen du service militaire. En ce sens, il s'emploie, absolument ou comme transitif indirect, à la forme pronominale. S'exonérer (s'acquitter d'une dette). S'exonérer d'une dette. S'exonérer de toute responsabilité.

    En matière de responsabilité civile et contractuelle, l'exonération de responsabilité a trait à tous les cas où les règles de droit prévoient qu'une personne peut se dégager de sa responsabilité pour le préjudice causé à autrui : il lui suffit de prouver que le préjudice résulte, par exemple et selon les cas, d'une force majeure, d'un acte de bon samaritain, de motifs liés à l'ordre public ou à l'intérêt général, et ainsi de suite. Exonération se dit par opposition à limitation ou à exclusion de la responsabilité. L'exonération de responsabilité est un principe, elle a un régime, elle est tempérée par des conditions. Accorder, instituer, invoquer, prévoir l'exonération de responsabilité. Bénéficier, profiter de l'exonération de responsabilité. Formulaire d'exonération de responsabilité.

    Clause d'exonération de responsabilité ou clause exonératoire de responsabilité, de garantie. « Les vendeurs professionnels ne peuvent jamais s'exonérer de la garantie contre les vices cachés en cas de vente à un consommateur en insérant au contrat de vente une clause d'exonération de garantie. »

    Voir aussi, dans le droit des assurances : exonération de prime, demande d'exonération.

  6. L'adjectif exonératoire qualifie ce qui exonère, ce qui tend à libérer une personne d'une charge, d'une obligation, d'une responsabilité. Fait, motif exonératoire. Cause exonératoire, caractère exonératoire de la cause. Clause exonératoire (on dit aussi [élisive], et non élusive) de responsabilité.
  7. Le mot [exculpatoire] est un barbarisme. En droit pénal, s'agissant d'une disposition, on la qualifiera d'exonératoire : « Comme toute autre disposition exonératoire limitant des droits reconnus par la common law, ce passage doit être interprété strictement. » Dans le cas d'une défense, on dira moyen de défense ou défense exonératoire ("excusing" ou "exculpatory defence"). « Grâce à ce moyen de défense, un comportement par ailleurs illégal et donnant lieu à une sanction est excusé et soustrait à toute sanction [de là la qualification d'exonératoire] parce qu'il est considéré, à bon droit, comme résultant d'une décision involontaire du point de vue moral d'accomplir un acte qui, aux yeux de la société, a une valeur sociale positive qui l'emporte sur l'effet préjudiciable de l'infraction. » Autres moyens de défense exonératoires : l'aliénation mentale, l'absence d'intention coupable, la provocation ou la légitime défense.

fictif, ive/fiction/présomptif, ive/présomption

  1. Il n'est pas toujours facile de distinguer la fiction juridique de la présomption juridique, et il arrive même que l'on prenne l'une pour l'autre.

    Par l'emploi du participe passé censé, l'adage « Nul n'est censé ignorer la loi » crée-t-il une présomption ou une fiction? Si, dans une définition légale, le législateur canadien assimile à Sa Majesté les sociétés d'État et les établissements publics ou s'il assimile à une chose une autre chose qui ne peut lui être assimilée dans la réalité de tous les jours, entend-il adopter une présomption ou une fiction? S'il déclare dans la formule introductive d'une loi : « Sa Majesté, sur l'avis et du consentement de l'Assemblée législative, édicte : », entend-il présumer que c'est Sa Majesté (et non l'Assemblée législative) qui édicte la loi ou invente-t-il une fiction?

  2. Une fiction juridique ("fiction of law") est un procédé qui permet de considérer comme effectivement existante ou réelle une situation entièrement différente de la réalité, voir qui lui est souvent contraire. C'est une supposition de droit selon laquelle une chose qui est ou qui peut être fausse est vraie ou qu'un état de choses existe qui ne s'est pas réellement produit. C'est pour cette raison qu'on la qualifie de mensonge de la loi. Elle dénature la réalité pour permettre d'étendre la norme juridique à une situation qui ne saurait normalement être prévue sans elle.

    La fiction s'élabore au moyen de définitions, de classifications et de constructions intellectuelles, de catégories juridiques, de présomptions et de prescriptions. Argument de fiction. Les tribunaux d'equity ont créé de nombreuses fictions, telle la fiducie, comme recours, laquelle est fondée sur la fiction voulant que le détenteur du titre de propriété en common law le détienne en son nom propre et au nom d'une autre personne qui, autrement, serait privée d'une part des biens.

    En common law, la contrepartie fictive dans le droit des contrats ("invented consideration"), forgée, inventée par les tribunaux, tient lieu de contrepartie effective; on peut évoquer également l'exemple de la promesse fictive ("fictitious promise") ou celui de la saisie fictive ("constructive seizure") en droit commercial, ou encore, dans le droit des biens, la délivrance fictive ("constructive delivery") par opposition à la délivrance effective ("actual delivery"), diversement qualifiée de délivrance de droit ou de délivrance feinte, non attestée, imputée, intellectuelle ou théorique.

    Dans la jurisprudence américaine du droit maritime privé, la doctrine de la présence fictive ("doctrine of constructive presence") permet de considérer que la simple présence d'une embarcation du navire suspect dans la mer territoriale suffit pour donner à bon droit la chasse au navire lui-même se trouvant à l'extérieur des limites de la mer territoriale.

    Dans le droit international de la délimitation maritime, le principe de la disproportion des longueurs des côtes constitue, en grande partie, une fiction.

    Procédé de technique juridique, la fiction consacre dans la norme qu'elle prescrit une situation impossible. Tel est le cas de la reconnaissance de la personnalité morale pour faciliter l'exercice collectif de certaines activités ou celui de la continuation de la personne du défunt dans son héritier le plus proche pour faciliter la bonne administration du patrimoine. « Par une fiction légale selon laquelle les héritiers continuent la personne de leur auteur, ceux-ci sont, comme lui, tenus de payer ses dettes sur leurs biens personnels. Cette fiction, qui ne vaut d'ailleurs qu'à l'égard des héritiers légaux, demeure essentiellement destinée à assurer la protection des droits des créanciers du défunt. »

    La plupart des auteurs s'entendent pour dire que la mission confiée au tribunal de trouver l'intention du législateur et sa vocation à se limiter à dire le droit (oubliant qu'il est aussi producteur et créateur de droit) constituent des fictions.

    Dans les matières que régit la common law, l'argument de fiction permet de rappeler au tribunal que le mot loi, par exemple, doit être entendu au sens des règles de fiction produites par les précédents judiciaires anglais reçus en droit canadien de même que par les précédents canadiens ou par le législateur.

  3. Contrairement à la fiction, la présomption se situe dans la réalité puisque le fait présumé relève du domaine, non de l'invention ni de l'imaginaire, mais du vraisemblable ou du probable.

    D'un certain point de vue, la présomption est un raisonnement, une opération intellectuelle qui permet, par déduction, de tirer de faits connus et non discutés la preuve de faits contestés. En ce sens, on parle de l'argument de présomption.

    D'un autre point de vue, c'est une règle de droit, d'origine législative ou judiciaire, par laquelle l'inférence d'un fait connu permet de supposer qu'un fait présumé existe tant que cette présomption n'aura pas été réfutée. En ce sens, la présomption est un mode de preuve indirecte visant à établir l'existence d'un fait inconnu à partir d'un fait connu. L'argument de présomption devient une conséquence juridique que la loi tire d'un fait connu pour établir un fait inconnu ou contesté. Cette preuve indirecte invoque la présomption comme principe de droit : par exemple, la présomption d'imputabilité en matière d'accident du travail et la présomption d'innocence en matière pénale sont des principes de droit.

    La common law connaît, par exemple, dans le droit des fiducies, la fiducie par présomption ("presomptive trust"), cette présomption légale étant que la fiducie a toujours été envisagée par les parties : l'intention nécessaire se trouve dans la nature de l'opération et non dans la teneur de l'acte formaliste lui-même, à laquelle il convient d'ajouter la présomption de fiducie réversive ("presumption of resulting trust"). Autres exemples : dans le droit des délits, la négligence par présomption ("presumptive negligence"), encore appelée négligence présumée, qu'il ne faut pas confondre avec la négligence imputée ("imputed negligence"); dans le droit de la preuve en régime de common law, la présomption de régularité ("presumption of regularity") et, en droit successoral, la présomption d'avancement d'hoirie ("presumption of advancement") et la présomption légale de survie ("presumption of survivorship", encore appelée "right of survival"), qu'on rapprochera de la théorie des comourants (se reporter à l'article COMMORIENTES) : si deux ou plusieurs personnes ayant même vocation successorale périssent dans un accident ou dans une catastrophe, il y a présomption que l'une a survécu aux autres; c'est la personne la plus âgée qui sera présumée être décédée la première.

    Prenant appui sur le fait connu (s'agissant de la présomption légale de la possession d'état en régime civiliste, les faits constatés relativement aux rapports ou aux relations ayant existé entre une personne et celle dont elle dit être le fils ou la fille), la présomption permet de dispenser le demandeur de devoir établir l'existence d'un autre fait, celui-là inconnu (dans cet exemple, la filiation naturelle d'une personne), la preuve directe du fait de la filiation naturelle étant impossible à rapporter.

    En matière de preuve judiciaire, des présomptions pourront être opposées ("conflicting" ou "inconsistent presumptions") : on les qualifiera de contradictoires, de contraires ou d'incompatibles, ou successives ("successive presumptions").

    L'adoption de fictions et de présomptions juridiques vise notamment à assurer une bonne administration de la justice en justifiant l'utilité du recours en justice. « La province de Terre-Neuve-et-Labrador a affirmé que le renvoi au droit international des limites maritimes dans le présent litige entre les provinces ne pouvait être utile que si on adoptait une fiction juridique et une présomption juridique, la fiction juridique étant que les parties au litige sont des États souverains, la présomption juridique étant que les parties au litige sont ou bien identiques, ou bien en grande partie semblables à celles auxquelles s'applique le droit international de la délimitation maritime, soit la mer territoriale, le plateau continental ou la zone économique exclusive, le cas échéant. Autrement, selon elle, l'exercice conduirait à une impossibilité logique. »

  4. Il arrive que les deux raisonnements de la pensée juridique se recoupent et qu'une présomption soit conçue comme une fiction. Du point de vue fiscal, la fiducie est considérée comme une personne au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu; plus précisément, la Loi prévoit qu'elle est présumée être un particulier : voir FIDUCIAIRE, au point 10). La présomption de paternité est définie comme une fiction juridique suivant laquelle l'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari. Cette fiction, contrairement à d'autres qui sont tout à fait étrangères aux présomptions, s'apparente à une présomption parce qu'elle se fonde sur un degré élevé de vraisemblance.
  5. La présomption est dite légale lorsqu'elle est requise par la loi; elle a force obligatoire, à condition que certains faits soient prouvés. Cas de présomptions légales. On distingue les présomptions légales de droit civil des présomptions légales de common law. La présomption de bonne foi des parties au contrat que reconnaît le régime civiliste, ou celle qui fixe, selon les régimes juridiques, la maturité sexuelle des filles à tel âge et celle des garçons à tel autre âge en sont des exemples.

    Il existerait, selon des auteurs, deux types de présomptions légales : la présomption – concept (induction servant à créer une règle de fond qui permet ensuite d'en déduire l'application à des cas particuliers) et la présomption – preuve (établie par le législateur à partir de plusieurs faits particuliers en vertu desquels il a pu tirer une conséquence juridique par la corrélation entre les faits).

    Si la présomption est créée ou admise par une disposition expresse de la loi, elle est dite (d'origine) législative et se distingue en droit anglo-normand de la présomption de ou en common law.

    La présomption qui tire son origine du juge, qui émane des tribunaux ou de la jurisprudence est qualifiée de judiciaire : par exemple, la présomption de la personne raisonnable en common law, référence traditionnelle comparable à celle, maintenant ancienne, du bon père de famille en droit civil.

    Par ailleurs, le tribunal peut décider que le fait qu'une personne refuse de concourir à l'administration de la preuve constitue une présomption de reconnaissance du bien-fondé de la prétention de son adversaire. La présomption judiciaire est dite encore présomption de fait et présomption du fait de l'homme, ou mieux, du fait du juge. Elle repose sur des indices matériels qui permettent de prouver que des actes ont été accomplis ou que des faits se sont produits. Elle n'est admise que dans les cas de recevabilité de la preuve testimoniale. Ce genre de présomption découle d'un raisonnement par induction que tient le juge saisi pour pouvoir se déterminer.

  6. Il est possible de repérer les présomptions au moyen du choix des mots employés, ce qui n'est pas toujours le cas des fictions, lesquelles se révèlent au moyen de la recherche de l'intention du législateur dans l'énoncé d'une disposition par l'opération de la déduction ou de la logique. Par exemple, si le législateur ou le tribunal se sert d'expressions telles que est réputé, est censé, est considéré, est regardé, est présumé ou se présume, il crée ou évoque une présomption. « Pour l'application de l'article 26, l'information du conseil est regardée comme acquise à la date de réception par celui-ci de la décision prise par l'organe disciplinaire. » Si elles sont employées à bon escient, l'expression est présumé renvoie à une présomption simple (« L'enfant né pendant le mariage ou dans les trois cents jours après sa dissolution ou son annulation est présumé (= présomption simple de paternité) avoir pour père le mari de sa mère »), cette présomption étant réfragable par la production d'une preuve contraire, et l'expression est réputé renvoie à une présomption absolue (« Un droit qui est inscrit sur le registre foncier à l'égard d'un immeuble qui fait l'objet d'une immatriculation est réputé connu de celui qui acquiert ou publie un droit sur le même immeuble. »), cette présomption étant irréfragable. « Peut succéder celui dont l'absence est présumée. » « La bonne foi des parties au contrat se présume. » « Le dol, la fraude ne se présument pas. Ils doivent être prouvés, au besoin, au moyen de présomptions graves, précises et concordantes. »
  7. La présomption légale qui est irréfragable est qualifiée d'absolue parce que la loi n'autorise pas le demandeur à en rapporter la preuve contraire, à en combattre la conséquence. On l'appelle encore présomption juris et de jure. Au contraire, étant réfragable, c'est une présomption simple ou relative : la preuve contraire est en ce cas admise. On l'appelle aussi présomption juris tantum. « La présomption qui concerne des faits présumés est simple et peut être repoussée par une preuve contraire; celle qui concerne des faits réputés est absolue et aucune preuve ne peut lui être opposée. »

    Dans cette perspective définitoire, on considère la présomption irréfragable et la présomption irréfutable comme relevant d'un procédé technique qui dispense de présenter un moyen de preuve (par exemple, en régime civiliste, on suppose que les parents du donataire incapable de recevoir à titre gratuit sont des personnes interposées), tandis que la présomption réfragable et la présomption réfutable constituent un mode de preuve.

  8. Linguistiquement, la qualification des espèces ou des sortes de présomptions se fait par l'emploi de la préposition de (présomption d'innocence, de légitime défense, de propriété, de territorialité, d'absence, de dépendance économique, d'imputabilité, de paternité, de faute (appelée aussi de responsabilité), de fraude, de mitoyenneté, de validité, de décès, de légitimité et d'autorité de la chose jugée.

    La qualification de la fiction s'opère par l'emploi soit de la préposition contre (catégorie des fictions contre l'histoire ou contre l'historique ou encore contre les antécédents des parties, par exemple la fiction de l'accomplissement de la condition rattachée à une obligation lorsque son débiteur en empêche la réalisation, les fictions contre la science : par exemple, la distinction créée entre les biens meubles et les biens immeubles, entre les biens réels et les biens personnels), soit d'un participe présent (fictions permettant d'attribuer ou de modifier la personnalité : par exemple, l'attribution fictive d'une personnalité morale à des personnes physiques formant un groupe, à des masses de capitaux, l'attribution des avantages de la personnalité à l'enfant conçu mais non encore né quand son intérêt patrimonial l'exige ou encore la transmission de la personnalité d'un défunt à ses héritiers de manière à ce qu'ils soient saisis de son patrimoine dès son décès), soit d'une locution prépositive : fictions à l'encontre de la logique (elles portent atteinte au principe d'identité ou de causalité : le paiement subrogatoire est une fiction qui permet de redonner vie à une créance qui serait éteinte par le paiement, sans autre cause que la volonté du législateur; aussi, la rétroactivité légale fait affront à la logique en faisant agir une cause avant même sa naissance : par exemple, la rétroactivité de la condition accomplie au jour de la passation de l'acte entre les parties et celle des effets de la séparation des biens des époux au jour de la demande de séparation). Une situation ou une opération juridique est présentée comme une fiction : « La représentation, comme le veut la loi, est souvent présentée comme une fiction dont l'effet est de placer le représentant à la place, au degré de parenté et dans les droits qu'aurait eus le représenté. »

  9. Une fiction est créée : par exemple, la fiction créée par l'effet déclaratif du partage successoral. Elle établit une règle : la fiction établit que chaque héritier est réputé avoir succédé seul et immédiatement à tous les biens compris dans son lot.
  10. On peut rapporter ou établir une preuve par présomptions, à l'aide de présomptions. Un article de loi fait peser sur quelqu'un (le mari ici) une présomption, laquelle porte sur quelque chose (la paternité). « L'article 312 fait peser sur le mari une présomption en vertu de laquelle il est réputé être le père des enfants de sa femme. »

    La présomption est désignée, énoncée, contenue, posée, puisée dans un texte : par exemple, les présomptions de propriété sont énoncées au contrat de mariage. Elle est admise lorsque la preuve contraire peut être produite à son encontre. Le tribunal juge sur des présomptions. L'appréciation des présomptions est subordonnée au pouvoir souverain du juge. Une présomption existe (dans une loi, dans une affaire). Elle fait foi d'un fait par une conséquence tirée d'un autre fait. Elle peut être constatée à première vue ou prima facie : « Dans la présente espèce, il existe une présomption prima facie de dépendance économique. » Elle est établie par un texte (« La présomption légale établie par une disposition expresse de la loi constitue une dispense de preuve. ») ou par un fait juridique (« La possession établit une présomption de propriété. »).

    Elle s'attache à un fait ou à une personne : « La présomption légale est attachée par une loi spéciale à certains faits. » « La présomption de filiation paternelle s'attache à la naissance d'un enfant survenue au foyer d'un couple de personnes mariées. » On bénéficie d'une présomption; on la pose, on l'invoque. On lui oppose une preuve contraire. Elle est écartée lorsque la disposition de la loi prévoit qu'il n'y a pas présomption : « La remise des copies, extraits, titres ou actes quelconques n'est pas une présomption (= ne constitue pas présomption) de paiement des frais et honoraires du notaire. »

    On la repousse, on la contredit, on la combat, on l'attaque, on la renverse, on la fait évanouir, on la détruit lorsque, s'agissant d'une présomption simple ou réfragable, on peut présenter à son encontre une preuve contraire. On la fait tomber devant la présentation d'une preuve irrésistible, un aveu 1 par exemple.

    Une présomption peut être faible ou forte. Étant absolue ou irréfragable, elle est irréfutable, inattaquable, indestructible; dans le cas contraire, elle est réfutable, attaquable, destructible.

    La présomption a ou produit des effets à l'égard de quelqu'un (des tiers, par exemple) aussi bien que dans les rapports entre sujets de droit, entre époux par exemple. Ici, on dira, à propos de la propriété des biens matrimoniaux, qu'elle désigne les biens appartenant à l'époux ou à l'épouse.

    Elle joue, on la fait jouer, ce verbe étant fréquent dans la phraséologie de la présomption. Faire jouer en faveur du parent gardien la présomption en matière de garde. Dans le droit de la consommation, la présomption de bonne foi ne joue pas afin de protéger le consommateur. Par conséquent, un vendeur qui se dit professionnel (ou tout professionnel traitant avec un consommateur) sera présumé ne pas pouvoir ignorer les vices de la chose qu'il a vendue.

  11. L'adjectif présomptif qualifie la personne en faveur de qui joue la présomption, soit le bénéficiaire de la présomption. Ainsi, l'héritier présomptif est désigné par sa parenté avec une personne pour être son héritier. On le qualifie de la sorte parce qu'on présume que c'est lui qui, aux yeux de la loi, recueillera la succession.
  12. En contexte de traduction, on évitera de traduire "alleged" par [présumé], ce mot renvoyant à l'idée d'une présomption (rendue en anglais par les adjectifs "presumed", "imputed" ou "implied", selon les cas). Concession présumée ("presumed grant"), connaissance présumée ("imputed knowledge"), contrat présumé par la loi ("contract implied by" ou "in law" ou "implied contract"), fait présumé ("presumed fact"), habilité présumée ("presumed authority").

    "Alleged" signifie prétendu, selon ce qu'on prétend. Ce qu'on appelle "alleged offence" est une infraction prétendue ou une prétendue infraction (selon les prétentions de la partie demanderesse, qui restent à prouver ou à repousser) et non une infraction [présumée] (dont on suppose, en s'appuyant sur les faits connus, qu'elle a bel et bien été commise). On peut tourner autrement, notamment par l'emploi du conditionnel : l'infraction prétendue est l'infraction qui aurait été commise. Il en est de même pour l'infracteur : il y a tout un monde entre l'auteur prétendu ou le prétendu auteur et l'auteur présumé.

fiduciaire/fiducial, ale/fiducialement/fiduciant, ante/fiducie/quasi fiducial, ale/quasi-fiducial(ale)

  1. On dit le droit des fiducies ("Law of Trusts") comme on dit le droit des contrats, le droit des successions, le droit des testaments ou le droit des biens. En mettant le mot fiducie au pluriel, on considère les fiducies dans leur diversité au lieu d'appréhender l'institution de la fiducie sous l'éclairage d'un principe unificateur qui permet de dégager de la variété de la matière une notion uniforme.
  2. En common law, la fiducie (du mot anglais "trust" signifiant confiance) est issue du système de l'equity. Espèce de tenure de propriété, elle entretient des ressemblances avec le baillement, le dépôt 1 et 2, le mandat et le contrat; on évitera de confondre ces institutions du droit anglais.
  3. Dans son essence, on peut définir la fiducie comme une obligation qu'impose le fiduciant ou la fiduciante ("trustor"), encore appelé le constituant, la constituante ("settlor"), à une personne de confiance, le ou la fiduciaire ("trustee") – qu'on évitera d'appeler disposant ou disposante –, de détenir (d'administrer ou d'utiliser) des biens à titre de propriétaire soit dans l'intérêt supérieur d'un ou de plusieurs bénéficiaires de fiducie ("beneficiaries" ou "cestui que trust"), soit au bénéfice d'une fin reconnue par la loi, savoir le but, les fins ou la finalité de la fiducie. D'où, on le devine, diverses formes de fiducie.
  4. C'est la division du titre de propriété qui distingue la fiducie du mandat ("agency"). Le fiduciaire ne reçoit que le titre en common law du bien que lui cède le fiduciant, mais il demeure le véritable propriétaire en common law du bien de la fiducie. Quant au bénéficiaire de la fiducie, il reçoit un titre en equity, et donc un intérêt dit propriétal, ce qui lui assure un rang, une préséance ou une priorité sur d'autres personnes, par exemple sur des créanciers qui revendiqueraient des droits sur le bien.

    Il ne faut pas confondre non plus fiducie et baillement. Au contraire du baillement, lequel relève de la common law et non de l'equity et ne concerne que des biens personnels, la fiducie englobe tant les biens personnels que les biens réels.

    Autre distinction à faire : celle de l'exécuteur testamentaire et du fiduciaire, le premier pouvant devenir le second à la suite de l'administration de la succession. Bien qu'il puisse avoir des obligations fiduciales ou un pouvoir fiducial, il est plutôt mandataire. Ne pas confondre non plus le fiduciaire avec le créancier hypothécaire. En matière de faillite, on appelle à tort [fiduciaire] le syndic de faillite, qu'on ne confondra pas non plus avec le séquestre ("receiver").

  5. Le néologisme fiducial (et, par voie de conséquence, son dérivé quasi(-)fiducial), à la forme adjective (sans le trait d'union) et substantive (avec le trait d'union), a été créé par les normalisateurs canadiens de la common law en français pour que, comme l'anglais, le français ait deux équivalents distincts : fiduciaire et fiducial pour "trustee" et "fiduciary" respectivement. Quoique l'emploi de fiduciaire pour rendre "fiduciary" soit naturellement encore d'usage dans la jurisprudence, il conviendra de suivre la recommandation des normalisateurs toutes les fois qu'il y aura lieu de faire la distinction entre le "trustee" (le fiduciaire) et le "fiduciary" (le fiducial). Devoir, pouvoir, lien, rapport fiducial, quasi fiducial. Obligation, relation fiduciale, quasi fiduciale. Capacté fiduciale, quasi fiduciale. Agir à titre fiducial, quasi fiducial. Agir en qualité de fiducial, de quasi-fiducial.
  6. Ainsi, les actants de la fiducie participent à une opération juridique triangulaire dans laquelle le fiduciant, qui est propriétaire du bien et cessionnaire de l'intérêt qu'il détient dans celui-ci, fait cession au fiduciaire – personne physique ou personne morale, la compagnie ou la société de fiducie dans ce dernier cas –, lequel acquiert en fiducie le bien avec mission expresse de l'administrer au profit d'un tiers, le bénéficiaire.

    Dans cet acte de démembrement du droit de propriété, la common law prévoit qu'une personne peut être à la fois fiduciant et fiduciaire (elle déclare détenir désormais un bien pour le bénéfice d'une autre personne) et fiduciaire et bénéficiaire (par le jeu d'une disposition testamentaire).

    Lorsque le fiduciant crée la fiducie au moyen d'un acte de fiducie (document de la fiducie, acte formaliste de fiducie, convention de fiducie, on dit aussi contrat de fiducie), il la constitue (acte constitutif de fiducie, constituer une fiducie), donnant naissance de ce fait à un lien, à un rapport fiducial ou à une relation fiduciale particulière entre le bénéficiaire et lui, car le bénéficiaire, tout en étant étranger à la convention de fiducie, demeure malgré tout le destinataire ultime de la cession ou de la donation effectuée.

    Ces actants jouent des rôles précis dans l'opération. Le fiduciant cède ou met un ou plusieurs biens en fiducie (ces biens sujets ou assujettis à la fiducie pouvant être une part : part détenue en fiducie ou part fiducialement détenue, ou de l'argent : actif, capital de la fiducie, fonds de la fiducie, somme en fiducie), le fiduciaire tient le titre en common law (titre de propriété détenu fiducialement ou détenu en fiducie), l'administre (administration de la fiducie) et l'exécute (exécution de la fiducie) comme bon lui semble; il peut en disposer à son gré, sous réserve des conditions de l'acte de fiducie, des lois pertinentes (par exemple la Loi sur les fiduciaires) et des obligations imposées par la loi et par l'equity. On dit qu'il reçoit le bien en fiducie pour signifier qu'il doit le tenir au profit du bénéficiaire de la fiducie.

  7. Il existe trois grandes catégories de fiducies dans lesquelles rentrent différentes sortes de fiducies. Les fiducies expresses ("express trusts") sont celles que l'on crée délibérément par déclaration, donation, contrat ou testament en identifiant précisément le bénéficiaire pour réaliser un objectif particulier, par exemple pourvoir aux besoins de sa famille, éviter ou réduire des impôts ou réaliser une efficience commerciale. Les fiducies judiciaires sont constatées ou déclarées par les tribunaux en raison de certaines circonstances; elles se divisent en fiducies résultoires, traditionnellement appelées fiducies réversives ou fiducies par déduction ("resulting trusts"), lesquelles sont présumées exister (présomption de fiducie) par suite de la contribution à l'acquisition d'un bien par une personne autre que le détenteur du titre en common law, et les fiducies constructoires ou fiducies par interprétation ("constructive trust doctrine"), ces fiducies étant imposées par les tribunaux, notamment pour prévenir une injustice ou une iniquité. Les fiducies d'origine législative ("statutory trusts"), encore appelées fiducies légales ou fiducies constituées par la loi, sont, comme leur nom l'indique, créées par la loi.

    Les fiducies peuvent être d'intérêt privé, d'intérêt public ou d'intérêt commercial. Elles sont constituées à des fins personnelles (fiducie personnelle au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu, fiducie finalitaire privée, fiducie testamentaire, fiducie alimentaire, fiducie au bénéfice exclusif d'un époux, fiducie au profit du conjoint, fiducie de famille, fiducie finalitaire non caritative), à des fins publiques (fiducie caritative, fiducie finalitaire créée en vue de réaliser une fin plutôt qu'au bénéfice d'un bénéficiaire, fiducie de promotion de la religion, fiducie pour l'avancement de l'éducation, fiducie de soulagement de la pauvreté, fiducie pour le bénéfice d'employés) ou à des fins commerciales (fiducie d'assurance, fiducie de vote corporatif, fiducie sans droit de regard, fiducie de fonds mutuels ou de fonds de rentes, fiducie de placement (à participation), fiducie de sûreté, fiducie en faveur des détenteurs de débentures ou d'obligations). Pour un bref aperçu de la néologie et de la normalisation en matière de fiducies finalitaires, ou à buts dans la terminologie traditionnelle, se reporter à l'article FINALITAIRE, au point 2).

  8. Dans le contexte contemporain, la fiducie remplit surtout deux fonctions : elle sert tout aussi bien d'instrument de planification fiscale ou successorale (fiducie à capitalisation, à imposition accélérée, à imposition différée) que de recours là où les règles ordinaires de droit ne permettent pas de rendre justice (les recours personnels contre les fiduciaires dans l'action en recouvrement de profit et l'action en indemnisation, les recours personnels contre les tiers, les recours in rem, le remplacement du fiduciaire, l'annulation d'une opération fiduciale, le jugement déclaratoire et l'injonction).
  9. La fiducie a un objet (bénéficier à une ou à plusieurs personnes), une matière (les biens assujettis à la fiducie), elle comporte des modalités, des conditions, des dispositions (libellé des dispositions fiduciales), lesquelles peuvent être modifiées (modification de la fiducie), elle n'existe qu'à partir du moment où le bien est effectivement cédé au fiduciaire, elle est constatée par un écrit (acte (formaliste) de déclaration de fiducie, passation d'un acte de fiducie, faisant aussi l'objet d'une reconnaissance), et elle peut être constituée entre vifs, par exemple la disposition en fiducie par testament ou fiducie testamentaire (legs en fiducie, léguer des biens personnels ou réels en fiducie, fiducie entre vifs).

    Elle est valide (validité de la fiducie), si elle respecte les règles des trois certitudes : certitude d'intention ou certitude quant à l'intention, certitude d'objet ou certitude quant à l'objet, certitude de matière ou certitude quant à la matière, si le fiduciant et le fiduciaire possèdent la capacité fiduciale requise (capacité de créer une fiducie), si elle est constituée régulièrement par déclaration, si elle respecte les règles d'interdiction des dévolutions perpétuelles, de l'inaliénabilité et de la capitalisation, et si, enfin, elle est conforme aux prévisions et aux prescriptions de la loi.

    En cas de violation de la fiducie (le fiduciaire ne s'acquittant pas de son devoir de diligence fiduciale, manquant à une obligation fiduciale particulière ou n'observant pas une condition de la fiducie), celle-ci peut être annulée, révoquée (révocation de fiducie) ou résiliée (résiliation de fiducie). La question de la violation de la fiducie soulève celle de la légalité de la fiducie.

    L'exécution de la fiducie entraîne des dépenses (dépenses de la fiducie); elle s'opère par le fait de l'administration ou de l'utilisation du bien cédé et son caractère est irrévocable, sauf les cas de révocabilité susmentionnés.

    La fiducie a une durée. Il y a extinction ou, terme plus large, fin de la fiducie lorsqu'il est mis fin à la fiducie, lorsqu'elle prend fin, qu'elle s'éteint, autrement dit lorsque le but ou la finalité de la fiducie a été réalisé et que le bien tenu en fiducie a été remis régulièrement ou en bonne et due forme au bénéficiaire.

  10. Il est intéressant de remarquer que, du point de vue fiscal, la fiducie participe d'une fiction puisqu'elle est considérée comme une personne physique au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. À cause de cet anthropomorphisme, fréquent phénomène dans le langage du droit, la voilà qui doit produire annuellement une déclaration de revenu dans laquelle sont effectués les calculs du revenu net, du revenu imposable et de l'impôt à payer. La Loi prévoit qu'elle est présumée être un particulier (la fiction donnant lieu à une présomption), bien que plusieurs déductions et crédits d'impôt ne lui soient pas accordés. Présomption de fiducie. Fiducie réputée. Guide et déclaration de revenus des fiducies.
  11. La fiducie peut être simple ou nue (le fiduciant n'ayant pour seul devoir de remettre au bénéficiaire le bien qu'il détient pour son compte et non en son nom) ou elle peut être complexe. Dans la fiducie discrétionnaire, que l'on oppose à la fiducie impérative, le fiduciant accorde au fiduciaire un large pouvoir d'appréciation concernant la distribution du revenu de la fiducie et même le choix des bénéficiaires. Elle peut être à titre gratuit (le fiduciant ne recevant pas de contrepartie), active (le fiduciant demandant au fiduciaire de prendre certaines mesures concrètes dans l'exécution de la fiducie concernant la vente du bien et la distribution du produit de cette vente) par opposition à passive, ou de covenant (encore appelée fiducie sur les droits créés par un engagement) et de droit. Enfin, elle peut être parfaite ou imparfaite, réputée ou par présomption, protectrice ou réparatoire, orale ou littérale, fixe ou mouvante, virtuelle ou éventuelle.

    Pour avoir un aperçu complet de la riche diversité terminologique de la matière et, après ce survol de la phraséologie de la fiducie, trouver des explications complémentaires sur les catégories et les espèces de fiducies, sur les apports continuels de la néologie en la matière (confidentiaire, constructoire, résultoire), se reporter à JURITERM, la banque terminologique de la common law la plus actuelle sur le sujet.

fisc/fiscalité

  1. Le mot fisc vient du latin fiscus. La graphie moderne fisc apparaît à partir du XVe siècle. Depuis le XVIIe siècle, ce mot désigne l'ensemble des administrations chargées de percevoir les impôts. Agents, employés, inspecteurs du fisc. Actes, omissions du fisc. Vérificateur du fisc. Droits du fisc. Coffres du fisc. Pouvoirs (de gestion) du fisc. Confondre, duper, frauder, tromper le fisc. Échapper au fisc. Être étranglé par le fisc.

    Dans son sens général, le fisc, c'est l'État considéré comme l'autorité habilitée à prélever les impôts des contribuables. Fisc fédéral, provincial, territorial. Fisc canadien, fisc américain, fisc anglais. « À mon avis, il y a matière à distinction du fait que le fisc anglais est investi de certains pouvoirs de large portée que Revenu Canada ne possède pas. »

    Dans un sens plus particulier, on entend par fisc l'ensemble des administrations dont la fonction consiste à établir l'assiette fiscale et à recouvrer les impôts. Déclarer un revenu au fisc. « L'entière confidentialité protégeant les cotisations et les négociations entre les contribuables et le fisc est essentielle au bon fonctionnement du régime. » En ce sens, l'actant qui entre en rapport avec le fisc est le contribuable (et non le [payeur de taxes], calque de l'anglais "taxpayer"). « Que l'approche téléologique favorise le contribuable ou le fisc dépendra uniquement de la disposition législative en cause et non de l'existence de présomptions préétablies. »  « La jurisprudence actuelle reconnaît que le fisc assume envers l'ensemble des contribuables l'obligation légale de les traiter avec équité. » 

    Le mot fisc a produit plusieurs dérivés, dont fiscal et fiscalité, de même que fiscalement, fiscalisation, fiscaliser et fiscaliste.

  2. Stricto sensu, la fiscalité est le système de perception des impôts ou l'ensemble des lois, des règlements et des pratiques qui se rapportent à l'impôt et des moyens qui conduisent à cette perception. Fiscalité canadienne, fiscalité indienne. « La Commission consultative de la fiscalité indienne a présenté un argument similaire. » Domaine de la fiscalité. « Il est titulaire (et non détenteur) d'une maîtrise en fiscalité. » M. Fisc. On trouve aussi MFisc pour désigner le grade de la maîtrise en fiscalité. Jean Untel, c.a. M. Fisc. (= il est comptable agréé et titulaire d'une maîtrise en fiscalité). Pour la question de l'espace séparant l'abréviation marquant la discipline et l'abréviation marquant le titre, se reporter à l'article BACCALAURÉAT. Il faut dire que l'usage n'est pas constant sur cette question.

    Lato sensu, c'est la façon d'exiger les impôts. Par métonymie, on dit que la fiscalité est la tendance à étendre, à augmenter les impôts. Fiscalité directe, fiscalité indirecte. Fiscalité latente (les opérations qui auront éventuellement une incidence sur le résultat fiscal), fiscalité personnelle (celle qui relève de la fiscalité du particulier par opposition à la fiscalité des entreprises). Fiscalité propre, fiscalité transférée et fiscalité privilégiée. Utiliser la fiscalité pour réduire sa dette fiscale. Refonte, réforme, restructuration de la fiscalité. Révision de la fiscalité. Allégement, poids de la fiscalité (au sens de la charge fiscale, du fardeau fiscal). Baisse, réduction de la fiscalité. Fiscalité agricole, fiscalité économique, fiscalité foncière, fiscalité immobilière, fiscalité locale, fiscalité internationale.

fiscal, ale

L'adjectif fiscal, apparu au XVe siècle, est emprunté au latin fiscalis.

  1. Est qualifié de fiscal tout ce qui se rapporte au fisc ou à la fiscalité. Ainsi en est-il du droit fiscal, du droit pénal fiscal, des droits fiscaux, du juge fiscal, de la compétence fiscale, du contentieux fiscal, des lois fiscales, du régime ou du système fiscal, de l'assiette fiscale, de la politique fiscale, de la réforme fiscale, de l'équité fiscale, des dégrèvements fiscaux, du prélèvement fiscal, de la charge fiscale des contribuables ou des entreprises, de la dette fiscale, de la pression fiscale, de l'évasion fiscale, de l'évitement fiscal, de l'infraction fiscale, des pénalités fiscales ou des amendes fiscales qu'infligent les autorités fiscales ou l'Administration fiscale.

    La liste pourrait s'allonger presque indéfiniment, une thèse sur l'histoire du vocabulaire fiscal ayant récemment recensé plus de mille substantifs différents employés avec l'adjectif fiscal.

  2. L'homonyme anglais "fiscal" n'a son sosie français comme équivalent que lorsqu'il qualifie ce qui a trait au fisc, autrement il se rend différemment selon le sens, notamment par financier (l'agent financier : "fiscal agent", les comptes financiers de l'État : "fiscal accounts", les mesures financières : "fiscal actions", le déficit financier : "fiscal deficit", les prévisions financières : "fiscal forecast", le plan financier  : "fiscal plan", la responsabilité financière : "fiscal responsability" ou l'année financière, l'exercice (financier) : "fiscal year", ou par budgétaire (le comptable budgétaire : "fiscal accountant", les initiatives budgétaires  : "fiscal actions", l'austérité budgétaire : "fiscal austerity", l'équilibre budgétaire : "fiscal balance". Voir aussi politique douanière : "fiscal policy", administration des finances publiques : "fiscal administration", détérioration des finances publiques : "fiscal deterioration", le mois, le trimestre d'exercice : "fiscal month", "fiscal quarter", et la clôture de l'exercice : "end of fiscal year".
  3. Pour la distinction à faire entre évasion fiscale et évitement fiscal, se reporter à l'article ÉVASION.

frustratoire/vexation/vexatoire

  1. D'appartenance juridique exclusive, l'adjectif frustratoire se dit surtout des frais qu'un avocat engage inutilement pour augmenter le montant de son mémoire de frais par suite de preuves qu'il a produites et qui n'influent aucunement sur la décision ou sur le procès qu'il a, pour des motifs futiles ou vexatoires, conseillé à un justiciable d'intenter, ou encore des frais inutiles qu'il expose pour tromper, éluder ou gagner du temps en faisant traîner le procès. Acte, caractère frustratoire. Faire des frais frustratoires. « À quoi bon prouver des faits qui, alors même que la preuve en serait faite, seraient sans influence sur la décision? Ce serait faire des frais frustratoires et traîner les procès en longueur sans utilité aucune. » « Dans la condamnation aux dépens ne sont pas compris les frais de procédure et autres qui sont nuls ou frustratoires, c'est-à-dire inutiles. » « Les juges du fond apprécient souverainement 1 si un acte a ou n'a pas le caractère frustratoire. »
  2. Peuvent également être qualifiés de frustratoires les exceptions soulevées inutilement et les appels interjetés abusivement.

    De plus, une preuve est inutile, et donc vaine et frustratoire, si le fait proposé en preuve n'est pas susceptible de servir de fondement à la demande ou à l'exception qui fait la matière du litige et ne saurait, par conséquent, influencer sa solution. La preuve frustratoire est dénuée de toute pertinence, aussi est-elle inutile à l'instruction de l'affaire dont le tribunal connaît.

    Une instance peut être jugée frustratoire si, après appréciation de la preuve rapportée, le juge estime qu'elle a été intentée inutilement. La partie à qui sera causé un préjudice de ce fait aura la faculté de réclamer le versement d'une indemnité compensatoire. « Le paragraphe 34(1) permettra à l'Office d'ordonner le versement d'une indemnité pour toute perte ou tout retard résultant d'une instance jugée frustratoire. »

  3. C'est par confusion sémantique qu'on attribue parfois à l'adjectif frustratoire les acceptions d'adjectifs apparentés tels futile (ce qui se fait sans qu'on ne puisse en justifier la raison ou le bien-fondé : allégation, appel, objection, plaidoirie, procédure futile), frivole (ce qui se fait sans fondement juridique ni base légale ni invocation d'un moyen rationnel : action, procédure frivole), dilatoire (ce qui se fait en vue de procurer ou d'obtenir un délai ou de retarder, indûment ou non, l'exécution d'un jugement : acte, appel, exception, formalité, manœuvre, mesure, moyen, tactique, plaidoyer, procédure) et vexatoire (ce qui se fait en vue de nuire à autrui, ce qui est abusif).
  4. En contexte de traduction, on évitera le procédé qui permet, par un raccourci critiquable, de qualifier abusivement de frustratoires diverses réalités juridiques : des arguments : « En ce qui concerne les arguments [frustratoires] (au lieu de frivoles et vexatoires), de nombreuses organisations dans le secteur de l'expédition ont exprimé des réserves à cet égard. », une plainte : « En outre, la plainte présentée par l'expéditeur devant l'Office ne doit pas être [frustratoire] (au lieu de la qualifier de frivole ou vexatoire) », une demande : « La présentation de demandes [frustratoires] (au lieu de la traduction fidèle : frivoles ou vexatoires. "frivolous or vexatious") n'est pas chose courante », « L'idée de devoir payer une indemnité élevée s'il arrivait que la demande fût jugée [frustratoire] (au lieu de frivole ou vexatoire) suffirait à empêcher un client de présenter une demande valable. » ou encore des moyens : « Il semble qu'on ait mis entre les mains des parties peu disposées à ce qu'un tribunal exerce sa compétence un moyen dilatoire et [frustratoire] (au lieu de dilatoire et vexatoire) incompatible avec l'esprit de la loi. »
  5. Dans le vocabulaire juridique, la vexation (terme rare) s'entend du préjudice ou du dommage qui est subi par suite d'une intention de nuire. Par dérivation, sera ainsi qualifiée de vexatoire la conduite qui n'est justifiée par aucune cause ou excuse raisonnable ou probable, mais dont le seul but est de maltraiter quelqu'un, de le harceler et de le contrarier. L'instance, la poursuite vexatoire est intentée par un demandeur qui entend seulement gêner, humilier ou contrarier le défendeur, c'est-à-dire, à proprement parler, le vexer; elle est introduite ou est entamée par malveillance et sans motif légitime. De même en est-il de l'appel vexatoire (appelé en droit français fol appel). Délai vexatoire, refus de payer vexatoire. « Rien ne peut être plus vexatoire ou contrariant pour une personne que d'être constituée partie à une action dans laquelle elle n'a aucun intérêt, où elle est le simple serviteur d'une autre personne et où elle peut-être exposée à des dépenses considérables sous forme de dépens tout à fait inutiles. » « Ces paragraphes ne peuvent pas causer préjudice à l'instruction ni la gêner : ils n'ont rien de vexatoire. » « Une procédure est vexatoire lorsqu'elle est introduite par malice ou sans motif suffisant ou qu'elle ne saurait déboucher sur un résultat pratique. »

    Il convient de remarquer que l'adjectif vexatoire ne qualifie que des inanimés. On ne peut pas qualifier une personne de [vexatoire]; ainsi le plaideur qui intente une action par simple intention de nuire, de contrarier et d'humilier est un plaideur abusif ou encore téméraire. « Le plaideur téméraire qui tente des procédures vexatoires est déclaré "vexatious litigant" en vertu du Vexatious Actions Act de 1896, et ne peut plus intenter d'action sans y être autorisé par le Tribunal. »

  6. Le mot vexatoire s'accompagne souvent d'un ou de plusieurs adjectifs qui viennent en compléter ou en renforcer le sens. Les Règles de procédure du Nouveau-Brunswick et les Règles de procédure civile de l'Ontario qualifient un écrit ou tout document de « scandaleux, frivole ou vexatoire », tandis que le Code civil du Québec dispose : « Le tribunal peut, si l'action est futile ou vexatoire, condamner le demandeur à des dommages-intérêts. » Empêcher des poursuites futiles ou vexatoires.  « La Cour est convaincue que la demande présentée n'est ni futile ni vexatoire. » « Il croit que la demande de récusation est frivole, vexatoire et qu'elle constitue un abus de procédure. » « Un tribunal qui siège en révision ne devrait pas modifier une ordonnance rendue par la Commission, sauf si celle-ci a commis une erreur de principe dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire ou si elle l'a exercé d'une façon arbitraire ou vexatoire. » « Dans l'arrêt American Cynamid c. Ethicon, la Chambre des lords a conclu que, pour satisfaire à ce critère, il suffisait de convaincre la Cour de l'existence d'une question sérieuse à juger, par opposition à une réclamation futile ou vexatoire. » « La réclamation constituait non seulement un abus de procédure, mais elle était vexatoire, compte tenu du fait que le montant réclamé s'élevait à dix millions de dollars. »

    Acte de procédure, action, défense, demande, instance, plainte, réclamation, requête futile, vexatoire ou dépourvue de bonne foi. Preuve irrégulière, vexatoire ou inutile.

    La règle 419 des Règles de la Cour fédérale prévoit qu'une requête en radiation d'une plaidoirie peut se fonder sur un moyen selon lequel la plaidoirie est scandaleuse, futile ou vexatoire, elle constitue une déviation d'une plaidoirie antérieure, elle fait un emploi abusif de la procédure de la Cour ou elle peut causer un préjudice ou gêner ou retarder l'instruction équitable de l'action. « La plainte était vexatoire en ce qu'elle cherchait à entretenir un conflit de travail qui avait déjà été résolu. »

  7. Par extension et dans un emploi littéraire, l'adjectif vexatoire, toujours péjoratif, signifie qui présente le caractère d'une vexation, qui est de nature à froisser, à vexer, qui relève de la brimade, d'une persécution, qui blesse, qui inflige des mauvais traitements. Abus, contrôle, décret, impôt, mesure, procédé, règlement, système vexatoire.

-iste

Le suffixe -iste est formateur de substantifs désignant des spécialistes de différentes branches du droit ou des professionnels qui consacrent leur activité à des domaines relevant du droit. Leur emploi permet d'éviter périphrases et tournures descriptives. Les dérivés en -iste ont souvent pour base un substantif ou le radical d'un substantif, un adjectif ou le radical d'un adjectif, le dérivé d'un terme juridique, le radical d'un verbe ou un emprunt au latin.

En voici une liste partielle : administrativiste, arrêtiste, canoniste, civiliste, commercialiste, communautariste, comparatiste, constitutionnaliste, contractualiste, criminaliste, feudiste, fiscaliste, immigrationniste, internationaliste, jurilinguiste, juriste, légiste, maritimiste, parlementariste, pénaliste, privatiste, processualiste et publiciste. Il convient d'ajouter que certains de ces termes sont des néologismes qui ne sont pas encore enregistrés dans les dictionnaires, mais qu'atteste l'usage établi par les auteurs et les juristes en général.

juré, ée

  1. Le juré est la personne choisie par le sort pour faire partie d'un jury criminel ou civil. La forme féminine de ce substantif est jurée. Au pluriel : jurés. Loi sur les jurés.

    Il faut éviter de dire [servir de] juré ("to serve as a juror") ou le [service de juré]; on dit plutôt remplir ou exercer les fonctions de juré ou encore siéger comme juré.

    Le mot juré désigne non seulement la personne choisie pour juger une affaire donnée, mais aussi celle qui figure sur la liste de jurés ou sur le tableau de ou des jurés. Ce double emploi ne crée pas normalement de difficulté. Dans le cas où il y a lieu d'établir la distinction, on parlera des candidats-jurés ("prospective jurors"). Le Code criminel du Canada, en ses articles 626 à 644 actuels, emploie indifféremment les mots liste et tableau pour rendre le terme anglais "jury panel". Il serait préférable de distinguer les deux termes français. La liste de jurés ("jury roll" ou "jury list") désignerait la liste générale de toutes les personnes aptes à exercer les fonctions de juré dans une circonscription donnée et tableau des jurés ("jury panel", voir au point 3) ci-dessous), la liste des personnes choisies sur la liste générale en vue de constituer le jury de jugement. On trouve aussi la forme tableau de jurés. « Lorsqu'un jury doit être désigné, le juge qui fixe la date du procès doit prescrire au shérif d'assembler un tableau de jurés. » « La Commission de jury a pour fonction de concourir à la confection de la liste de jurés ou au tirage au sort des jurés devant faire partie du tableau de jurés. » Former un tableau de jurés, c'est dresser la liste du jury ou former un jury.

  2. Les personnes appelées à faire fonction de juré sont d'abord convoquées. Le salarié ainsi appelé obtient de son employeur un congé pour fonctions judiciaires ("jury leave"). S'il est retenu pour siéger comme juré, il aura droit à une rémunération pour fonctions de juré, aussi dénommée honoraires, frais, immunités, allocation ou indemnité de juré ou de service judiciaire ("jury-duty pay"). Convocation, citation de juré ou convocation du jury ("jury notice"). Les candidats-jurés sont recrutés. Recrutement des jurés. Pour être apte à remplir les fonctions de juré (et non la [charge] de juré), il est nécessaire de remplir des conditions d'aptitude. Être capable, incapable de faire fonction de juré. Être habile à agir comme juré, à exercer les fonction de juré. Aptitude des jurés. Assigner des jurés ad hoc ("summoning of tales"). Assignation des jurés. Appel des jurés, appel du corps des jurés ("drafting of panels from the jury lists").
  3. Mode de sélection des jurés. Choix des jurés. Ballotage, répartition des jurés. Rapport de noms de jurés ("return of jurors") Registre des jurés. Les jurés sont sélectionnés par les avocats à partir d'un tableau dont le mode de constitution varie selon les régimes juridiques.

    Au Canada, le tableau des jurés est constitué par un fonctionnaire du tribunal, le shérif, à partir de la liste électorale de la localité où le procès doit avoir lieu. Les citoyens choisis doivent avoir leur résidence principale dans le ressort du tribunal saisi. En France, sont constituées la liste préparatoire de la liste annuelle, la liste annuelle et la liste spéciale des jurés du ressort de la cour d'assises. Jurés titulaires et jurés suppléants.

    Avant le début du processus de sélection des jurés, les candidats-jurés susceptibles de faire preuve de partialité dans leur décision sont écartés. Juré-défaillant, juré réfractaire. Avis de sélection de juré. ("jury service notice").

    Le greffier du tribunal tire au sort le nom d'un candidat-juré et les avocats doivent approuver ou récuser 1 et 2 la candidature ainsi retenue. Observations des avocats au moment du choix des jurés ("jury advocacy"). Récuser, approuver une candidate-jurée. Récusation motivée, récusation péremptoire des candidats-jurés. Nombre maximal des récusations péremptoires de jurés. Juré ayant fait l'objet d'une récusation péremptoire. Récusation du tableau, de la liste des jurés. Récusation rédigée selon la formule réglementaire. « Le poursuivant ou l'accusé ne peut demander la récusation du tableau des jurés que pour l'un des motifs suivants : partialité, fraude ou inconduite délibérée du shérif ou des autres fonctionnaires qui ont constitué le tableau. » Juré dispensé ("excused"), récusé ("challenged") ou mis à l'écart ("stand by"), écarté provisoirement. Juré suppléant ("supplementary juror").

    C'est le greffier du tribunal qui assermente chaque juré. Assermenter un juré, assermentation des jurés. « Les douze jurés ont été régulièrement assermentés. » Affirmation solennelle du juré. Qualité de juré. La bonne administration de la justice peut exiger que soit assurée la sécurité des jurés ou la confidentialité de leur identité. Faire prêter serment à un juré. Après avoir prêté serment, les jurés prennent place sur le siège des jurés ou sur le banc des jurés, parfois appelé en France box des jurés. Se reporter à l'article BOÎTE. Un juré peut être remplacé ou libéré lorsque, au cours du procès, le juge est convaincu que le juré ne devrait pas continuer à siéger pour cause de maladie ou pour tout autre motif raisonnable. Remplacement d'un juré libéré.

  4. La personne qui, étant convoquée pour remplir les fonctions de juré, ne donne pas suite à la convocation ou à l'assignation ou qui n'assiste pas aux audiences est coupable d'outrage au tribunal et passible de châtiments et peines. Amendes infligées à un juré pour outrage au tribunal.
  5. Pour le sens à donner aux notions de grand juré, de petit juré et de juré de jugement, se reporter à l'article JURY.
  6. Le mot juré peut s'employer adjectivement au sens de qui est consacré dans ses fonctions par le serment qu'il a prêté. Interprète juré. Traducteur juré, traductrice jurée.

jury

Emprunté à l'anglais "jury", ce substantif masculin s'écrit jurys au pluriel.

On définit le jury comme l'ensemble des jurés dans une affaire criminelle ou civile. Jury criminel, jury civil, jury spécial. Loi sur le jury. L'action qui est instruite sans jury est dite action sans jury ("non-jury action"). Au Canada, le jury mixte se compose généralement d'un nombre égal de francophones et d'anglophones, tandis qu'aux États-Unis le jury mixte ("mixed jury") se compose de personnes de races différentes.

  1. Le jury, que Blackstone qualifiait au XVIIIe siècle de gloire du droit anglais, est d'abord et surtout une institution du système de justice pénale réservée aux infractions qui sont sanctionnées par une peine d'emprisonnement, d'où, en ce sens, le terme synonymique jury criminel. La personne accusée d'une telle infraction a le droit d'être jugée par un jury et elle peut renoncer à ce droit, sauf les cas où la loi prévoit qu'elle est tenue d'être jugée par ses pairs.

    Procès avec jury (et non [par] jury), procès sans jury. Cause instruite sans jury. Procès devant juge et jury ("jury trial"). Juge présidant un procès devant jury. Subir son procès devant un juge et un jury. Choisir d'être jugé par un juge sans jury, par un juge seul, par un tribunal composé d'un juge et d'un jury. Dans les cas d'absence de jury, on dit que l'accusé est jugé devant un juge siégeant sans jury. « L'accusé peut choisir de subir son procès devant juge et jury ou encore devant un juge seul. » « Il a subi son procès devant un jury. » L'alinéa 11f) de la Charte canadienne des droits et libertés garantit à l'accusé un procès avec jury, sauf le cas d'une infraction régie par le droit militaire ou relevant de la justice militaire.

  2. Au Canada, le rôle du jury dans le cadre d'un procès devant juge et jury est d'être le juge du fait (on dit aussi l'arbitre des faits ("trier of facts"), le juge du procès ou juge de première instance se réservant celui de juge ou d'arbitre du droit.

    Au début du procès, le juge expose au jury, qui prend place sur le banc du jury, aussi appelé banc des jurés, terme normalisé au Canada, ou sièges des jurés ("jury(-)box"), le rôle qu'il sera appelé à jouer et énonce les règles et les principes pertinents tout en lui expliquant quelles seront les différentes étapes du procès. Il peut lui donner des avertissements. Les avocats s'adressent ensuite au jury, l'avocat ou le procureur du ministère public (représentant le gouvernement fédéral, mais on dit aussi l'avocat de la poursuite, le poursuivant, le procureur ou l'avocat de la Couronne pour le représentant du gouvernement provincial ou territorial) en premier lieu, suivi de l'avocat de la défense, pour lui exposer les éléments constitutifs de l'infraction reprochée et résumer leur preuve avant de lui présenter leurs plaidoiries. Présentation au jury de la preuve par voie d'exposé initial. Leur tâche consiste à convaincre le jury et non le juge. « La partie dont la preuve consiste à réfuter les allégations de l'autre partie n'a pas le fardeau de convaincre le jury. »

    Le poursuivant peut s'adresser au jury par voie de résumé ("summing up") ou d'exposé final ("closing address"). L'accusé ou son avocat est admis à s'adresser le premier au jury; s'il s'en abstient, le poursuivant a la faculté de résumer sa position devant le jury. Le témoin, pour sa part, ne s'adresse jamais au jury, mais il répond aux questions qui lui sont posées devant le jury, lequel doit évaluer la crédibilité des témoins et la force probante de la preuve rapportée.

  3. La tâche du jury consiste à décider de la culpabilité ou de l'innocence de l'accusé, mais non de la peine à infliger en cas de déclaration de culpabilité ("conviction") ou de reconnaissance de culpabilité ("finding of guilt"), exception faite ici du jury de jugement, en France, lequel pourra décider avec le juge de la peine à infliger. On ne dit pas le verdict de culpabilité  [du jury], cette syntaxe faisant apparaître rapidement l'illogisme de la construction, mais le verdict de culpabilité rendu par le jury.

    Le jury peut visiter tout lieu, toute chose ou toute personne sur instructions que le juge lui donne. Visite du jury.

    Après avoir tiré ses conclusions ("findings"), le jury doit rendre son verdict ou sa décision en se fondant exclusivement sur la preuve qui lui a été présentée et qui a été produite au procès tout en respectant les instructions ou les directives qu'il reçoit du juge au moment où ce dernier lui expose ses recommandations à la fin des plaidoiries. Le juge adresse ses directives au jury. Exposé du juge au jury. Le jury peut poser des questions au juge « Ayant constaté l'erreur de droit dans la réponse du juge à la question du jury, je dois rejeter l'appel et confirmer l'ordonnance de nouveau procès. » Le juge qui préside le procès doit, avant de libérer ou de dissoudre le jury qui a déclaré l'accusé coupable de meurtre au deuxième degré et passible de l'emprisonnement à perpétuité, demander au jury s'il souhaite formuler une recommandation au sujet du nombre d'années que le condamné doit purger avant de pouvoir bénéficier de la libération conditionnelle, recommandation dont il tiendra compte avant de prononcer la peine d'emprisonnement. Recommandation du jury.

    Même si le jury prononce ou rend un verdict qui paraît mal fondé, le tribunal ne peut infirmer sa décision. « La Cour ne peut substituer son verdict à celui du jury. »

  4. Les verdicts sont souvent influencés par la conception de la justice que se font les jurys au mépris du droit en vigueur. Mais il importe avant tout que le jury rende son verdict (ou ses verdicts selon le nombre des chefs d'accusation ou des questions qui lui sont posées), en toute justice et impartialité (notion du jury juste et impartial).

    Le mode de sélection des membres du jury, la sélection du jury, vise par conséquent à déterminer la composition, la constitution d'un jury impartial. Constituer, former un jury ("to emphasize a jury"). Formation du jury, de la liste du jury ("empanelling jury"). Jury tiré pour juger une affaire. Siéger dans (et non [sur] un jury).

  5. Un jury complet ("full jury") est normalement formé de douze jurés. Constituer un jury complet. Ce nombre varie selon les régimes de droit et l'importance des affaires dont il faut connaître. Par exemple, le jury civil est formé dans plusieurs ressorts de six jurés seulement. Au Nouveau-Brunswick, le jury siégeant dans le cadre d'une instance civile se compose de sept personnes.

    Pour distinguer les jurys nombreux de ceux qui étaient constitués d'un petit nombre de jurés, on parlait autrefois du grand jury (le jury d'accusation) et du petit jury (le jury de jugement). Cette distinction est disparue. Nous n'avons plus au Canada que le jury de jugement, qu'on appelle communément et simplement le jury.

  6. Les délibérations du jury ont lieu dans la salle des délibérations du jury (aussi appelée chambre ou salle des jurés et chambre des délibérations). Elles sont secrètes. Il ne peut y avoir communications des membres du jury avec des personnes de l'extérieur, des policiers, des enquêteurs par exemple. Encore moins avec des témoins au procès. Ces communications peuvent entraîner, dans le cas où elles se produisent, l'arrêt de la procédure et même la tenue d'un nouveau procès. Il faut dire, toutefois, que la séquestration du jury pendant toute la durée du procès est une pratique en voie de disparition; le jury n'est plus séquestré que pendant la durée de ses délibérations.

    Il est permis au jury de se séparer. Séparation du jury. « Le juge peut, à tout moment avant que le jury se retire pour délibérer, autoriser les membres du jury à se séparer. » Si la permission de se séparer est refusée, le jury est confié à la charge d'un fonctionnaire du tribunal.

    Normalement la décision du jury doit être unanime, mais la règle de l'unanimité du jury ne bénéficie pas d'une protection constitutionnelle. Ainsi, dans une procédure civile au Nouveau-Brunswick, il suffit que cinq jurés sur sept s'entendent sous tous les rapports à l'égard du verdict à rendre; ce verdict emporte décision et produit le même effet que s'il s'agissait d'une décision unanime du jury.

  7. Il peut y avoir dispense du jury (pour cause d'intérêt personnel dans l'affaire, de liens soit avec le juge, soit avec le poursuivant, l'accusé ou son avocat ou encore l'un de ses témoins) ("to excuse the jury"), récusation 1 et 2 du jury (pour cause de partialité, de présence de membres étrangers ou ne parlant ni le français ni l'anglais) ("to challenge the jury") et mise à l'écart du jury (pour cause d'inconvénient sérieux pour les membres du jury ("stand by"). Le juge peut dissoudre le jury, notamment par crainte d'une erreur judiciaire dans le cas où le jury est bloqué 1, est dans l'impasse, ne parvenant pas à s'entendre sur son verdict ("hung jury" ou "deadlocked jury"), et ordonner la constitution d'un nouveau jury. Dessaisir le jury ("to withdraw a case from the jury").
  8. Le jury ayant rapporté son verdict, qu'il soit négatif ou positif, il est ramené dans la salle d'audience. Après réception du verdict du jury prononcé par la voix du ou de la chef (on trouve maintenant la forme féminine cheffe) ou du président ou de la présidente du jury (traditionnellement "foreman of the jury", mais, dans le langage désexisé, "foreperson of the jury" ou, mieux, "presiding juror"), lequel ou laquelle tient son élection au préalable de l'ensemble du jury, et vérification du verdict du jury par le juge, le jury est libéré ("to discharge the jury"). En cas d'appel, le verdict du jury fera l'objet d'un examen ("review").
  9. Au Canada, les lois provinciales autorisent le coroner à constituer ou à former un jury, qu'on appelle le jury du coroner ("coroner's jury" ou "inquest jury"), ordinairement composé de cinq personnes. Le coroner a pour fonction principale d'enquêter sur les décès, sur leurs causes probables et sur leurs circonstances. Convocation du jury du coroner. « Lorsqu'un coroner décide qu'une enquête est nécessaire ou lorsqu'il a reçu l'ordre de faire une enquête conformément à l'article 7, il doit délivrer à un agent de la paix un mandat citant un nombre suffisant de personnes dûment qualifiées pour être membres d'un jury en application de la Loi sur les jurés, à comparaître devant lui aux temps et lieu spécifiés afin de constituer un jury de cinq personnes pour enquêter sur le décès. »
  10. Dans l'usage courant, jury se dit aussi d'une commission chargée d'examiner une question particulière. Jury d'examen. Jury d'honneur. Jury de sélection.

ouï-dire

Formé de deux verbes substantivés, ce mot composé appartient au vocabulaire de la preuve au Canada. Il s'écrit avec le trait d'union et le i du premier élément prend le tréma; on prononce « wi » malgré le tréma. Il est invariable. « Ce ne sont que des ouï-dire. » « Il s'agit de ouï-dire. » « Le juge n'a pas voulu retenir cet élément de preuve, décidant que ce n'était que du ouï-dire. » Il n'y a pas élision de l'article défini : le, ouï-dire.

  1. Constitue un ouï-dire ("hearsay") la déclaration extrajudiciaire qu'un témoin rapporte pour établir la véracité d'un fait. Savoir par ouï-dire. Elle peut être orale (ouï-dire verbal) ou écrite (ouï-dire par écrit) ou elle peut découler de gestes ou, d'une façon générale, de la conduite du déclarant (ouï-dire non verbal). Mais ce n'est pas la forme de la déclaration qui lui donne son caractère de ouï-dire, mais l'utilisation qui en est faite.

    Par métonymie, on dit produire un ouï-dire considérant, par ellipse sémantique, que l'on produit un témoignage par ouï-dire.

    Selon le droit du ouï-dire ("law of hearsay"),  plus précisément le droit canadien en matière de ouï-dire, est irrecevable en preuve la déclaration faite par une personne autre que le témoin à seule fin d'établir la véracité de son contenu. Elle sera jugée recevable, si elle vise à établir autre chose, par exemple le fait qu'elle a bel et bien été faite. Parler par ouï-dire du fait à établir (voir, en droit civil, le mode de preuve dit par commune renommée ou de auditu dans laquelle les témoins rapportent simplement ce qu'ils ont entendu dire, sans avoir une connaissance personnelle et directe des faits en litige et que la loi n'admet qu'à titre de pénalité). « Il est bien établi en droit que la preuve d'une déclaration faite à un témoin par une personne qui n'est pas elle-même assignée comme témoin est une preuve par ouï-dire, qui est irrecevable lorsqu'elle cherche à établir la véracité de la déclaration. » Recevabilité du ouï-dire. Admettre une preuve par ouï-dire (encore appelée preuve de seconde main : "second-hand evidence"). À distinguer de la preuve de ouï-dire (l'avocat se propose de prouver qu'il s'agit de ouï-dire, c'est-à-dire qu'il entend forcer, par exemple, des conjoints à témoigner l'un contre l'autre).

    Si A rapporte à la barre avoir fait une déclaration que B peut corroborer ou s'il rapporte la déclaration que C lui a faite, on dit qu'il rend un témoignage constituant un ouï-dire simple; s'il affirme que B lui a dit que C lui a fait telle déclaration, il rend un témoignage constituant un double ouï-dire, aussi appelé ouï-dire multiple, surtout dans le cas où la chaîne des on-dit est plus longue (A lui a dit que B a dit ou qu'un groupe de personnes ont dit que telle déclaration avait été faite). Ouï-dire cumulatif (contenu dans un document de guerre ou encore dans un document d'affaires). Double ouï-dire figurant dans des pièces commerciales (par exemple, un document est établi par une personne travaillant dans l'entreprise à partir de renseignements que lui ont communiqués d'autres personnes).

  2. Interdiction du ouï-dire. Règle excluant, interdisant, prohibant le ouï-dire. La règle de preuve concernant le ouï-dire interdit de prouver un fait en invoquant le témoignage rendu par un témoin qui n'a pas eu connaissance personnelle des événements, des renseignements ou des propos litigieux. « L'exclusion de la preuve par ouï-dire se justifie principalement par le fait que la common law a en horreur toute preuve qui n'a pas été présentée sous serment et qui n'a pas été soumise à l'épreuve du contre-interrogatoire. »

    Le tribunal ne peut accepter le ouï-dire parce que la partie qui rend témoignage a juré de dire la vérité quant à son témoignage; elle ne peut jurer de dire la vérité à propos du contenu des déclarations de tiers puisque ces derniers n'ont pas fait leurs déclarations sous serment. Toutefois, elle peut présenter par écrit ces déclarations dans la mesure où elles sont faites sous serment, par exemple dans un affidavit ou une déclaration solennelle de l'auteur des déclarations. Dangers (traditionnels), risques du ouï-dire : absence de serment du déclarant, absence de contre-interrogatoire au moment de la déclaration et absence de preuve quant au comportement.

    Les règles de la common law ont apporté des tempéraments à cette interdiction et il n'est pas rare que les tribunaux acceptent des déclarations par ouï-dire. Le Code civil du Québec a codifié les règles relatives aux déclarations par ouï-dire.

  3. Les exceptions à la règle d'exclusion du ouï-dire comprennent notamment toute preuve dont la nécessité et la fiabilité ne peuvent être contestées, à défaut de preuve contraire, dont les déclarations faites dans le cadre d'une procédure antérieure par un témoin pour qui il est devenu impossible de témoigner (il est décédé, il se trouve à l'étranger, il est frappé d'une invalidité totale…), les déclarations faites dans le cours des affaires, dans le contexte de documents émanant de l'autorité publique, les aveux 1 extrajudiciaires, les déclarations défavorables au déclarant qui est étranger à l'instance, les déclarations d'un mourant, les déclarations se rapportant à des faits notoires, les déclarations spontanées qui ont accompagné ou suivi un acte litigieux ou un événement important dans un litige et l'exception relative à l'obligation commerciale, qui existe en common law ("common law business duty exception"). Témoignage, témoigner par ouï-dire, sous forme de, fondé sur le, relevant du ouï-dire. Preuve par ouï-dire. Propos rapportés par ouï-dire. Objections au ouï-dire. Élément de ouï-dire (dans une déclaration, par exemple). Pièce renfermant du ouï-dire.
  4. Ne pas confondre ouï-dire et voir-dire.

peine/sentence

  1. En droit pénal, la peine est un châtiment, une punition, une sanction que prévoit la loi et qu'inflige le tribunal dans le double but de prévenir et de réprimer la criminalité.
  2. Sous l'influence de l'anglais "sentence", il ne faut pas confondre la peine et la sentence, cette dernière notion désignant la décision, le jugement portant sanction. « Tout inculpé a le droit de bénéficier de la peine la moins sévère, lorsque la peine qui sanctionne l'infraction dont il est déclaré coupable est modifiée entre le moment de la perpétration de l'infraction et celui de la sentence. » Se reporter au point 24) pour un complément de précision.
  3. On ne peut qualifier une peine de [pénale] puisque cet adjectif est un dérivé de peine : on dit une sanction pénale. Ne pas confondre sanction pénale et clause pénale (se reporter à l'article CLAUSE, point 9). Les clauses pénales figurant dans des contrats stipulent des peines comminatoires. Peine contractuelle.
  4. En droit pénal canadien, on oppose les peines lourdes ou sévères (on les qualifie aussi de peines fortes et dures), soit les peines d'emprisonnement de deux ans ou plus, aux peines légères ou mineures, telles les peines de substitution, aussi appelées peines alternatives, soit les pertes de droits, de privilèges ou de prérogatives, la déchéance de charge, la destitution, la rétrogradation, l'exécution de tâches supplémentaires, un nombre déterminé d'heures de travail communautaire, dit travail d'intérêt général en France. Les premières sont des peines privatives de liberté ("custodial sentence"), les secondes, des peines non privatives de liberté ("non custodial sentence").

    La peine qui prive le condamné de droits civils ou de liberté est qualifiée de privative, celle qui restreint l'exercice de certains de ses droits ou de certaines de ses activités, de restrictive. Peine privative de droits civils, peine privative de liberté.

    Il convient de distinguer la peine privative de liberté de la peine restrictive de liberté. L'emprisonnement ou l'incarcération, peine carcérale, ainsi que la détention et la mise sous garde sont des peines privatives de liberté, tandis que l'interdiction de posséder une arme à feu, de se trouver à tels endroits, de fréquenter tels individus ou de se rendre à l'étranger, le retrait du permis de conduire, la probation ou peine en milieu ouvert sont des peines non privatives de liberté : elles sont restrictives de liberté. Purger une peine en prison, purger une peine au sein de ou dans la collectivité.

  5. On qualifie une peine de discontinue ("intermittent sentence") lorsqu'elle est purgée de façon intermittente ou irrégulière aux moments prévus par l'ordonnance judiciaire. Elle peut n'être subie que les fins de semaine et s'applique au délinquant coupable d'une infraction à laquelle est attachée une peine maximale de quatre-vingt-dix jours pour défaut de paiement d'une amende ou pour tout autre motif, compte tenu de certains facteurs laissés à l'appréciation du juge. « L'accusé ayant été déclaré coupable de voies de fait, le tribunal lui a infligé une peine discontinue de quinze jours d'emprisonnement suivie d'un an de probation. » « Le juge l'a condamné à une peine discontinue de soixante jours à purger durant les week-ends. »
  6. La peine accessoire ("accessory penalty") qui, par définition, en accompagne automatiquement une autre est à distinguer de la peine complémentaire, laquelle vient s'ajouter à la peine principale (par exemple, le retrait du permis de conduire vient appuyer l'interdiction de conduire un véhicule à moteur).
  7. Sont dites concurrentes ("concurrent sentences") (concomitantes est vieilli dans cet emploi) les peines qu'inflige le tribunal à une personne déclarée coupable de plusieurs infractions criminelles avant d'ordonner que seule la peine d'emprisonnement la plus élevée soit exécutée (l'exécution de la peine étant ce qui se produit après le prononcé de la peine). « Le tribunal peut surseoir à l'exécution d'une peine. » Il y a en ce cas confusion des peines ("concurrency" ou "merger of sentences").

    La notion de cumul des peines ("non-concurrence of sentences" ou "cumulative sentence") se conçoit par contraste : ainsi sont qualifiées de cumulatives ou de consécutives les peines qu'inflige le tribunal dans le cas susdit avant d'ordonner que les peines d'emprisonnement soient effectuées l'une après l'autre ("consecutive sentences"). La peine infligée commence après l'expiration de la première peine.

  8. On appelle peines multiples par opposition à la peine unique le cumul de sanctions prévues pour un même crime. Par exemple, pour avoir commis un acte criminel, un contrevenant peut être condamné à un emprisonnement et à une amende, à une amende et à la probation ou encore à l'emprisonnement et à la probation. Il peut se trouver sous le coup d'une première peine lorsqu'il se voit infliger une peine additionnelle ou supplémentaire.
  9. Une peine arbitraire résulte de l'application de critères législatifs ou jurisprudentiels irrationnels ou dépourvus de lien logique avec les objectifs que la peine est censée assumer. Elle est (exagérément) disproportionnée lorsque sa sévérité et sa durée sont excessives eu égard à la gravité objective du crime et aux circonstances de l'espèce.
  10. Est qualifiée de capitale la peine de mort. Cette peine a été abolie au Canada en 1976 et, en France, en 1981. Elle continue d'être prononcée dans des États américains et dans plusieurs pays. La peine du fouet est une peine corporelle; elle a été abolie, elle aussi, comme constituant un traitement ou une peine cruel et inusité.
  11. Une peine pécuniaire est dénommée sanction pécuniaire ou amende et la confiscation de biens est une peine patrimoniale.
  12. Une peine est prédéterminée lorsque le texte de loi précise qu'elle est une amende de tant de dollars ou un emprisonnement de tant d'années. La peine non déterminée est celle que le législateur laisse à l'appréciation du tribunal tout en le guidant par la fixation d'une peine minimale ou minimum et d'une peine maximale ou maximum. « Nulle peine n'est une peine minimale, à moins qu'elle ne soit déclarée telle. » Invalider une peine minimale. Peine de durée déterminée, de durée fixe; peine de durée indéterminée.
  13. Le terme d'une peine indique, s'agissant d'une détention ou d'un emprisonnement, le moment où commence à courir la peine à purger. Peine restant à courir. La peine a donc une durée : peine de longue durée, longue peine. Elle a un commencement et une fin. La peine commence au moment où elle est prononcée, sauf lorsque le texte législatif applicable y pourvoit de façon différente. Expiration légale de la peine.
  14. Des degrés, des genres de peines existent à l'égard d'une infraction. On parle métaphoriquement d'une gamme, d'un éventail, d'une fourchette, d'un barème des peines ("range of sentences", aussi appelé en Angleterre "tariff sentence") convenables, applicables, justifiées pour un crime donné, tel l'homicide involontaire coupable. « Cette stigmatisation est exprimée dans la peine ou l'éventail des peines pouvant être infligées. » « L'emprisonnement avec sursis se situe dans la fourchette des peines qui pouvaient être prononcées dans les circonstances. » « Le point de départ peut être considéré comme étant situé au milieu de l'échelle traditionnelle de peines applicables à un genre particulier de crime. » Crimes assortis d'une gamme de peines plus ou moins sévères. Les peines ont aussi un plafond. Elles sont souvent assorties de conditions ou d'une ordonnance.
  15. Les observations au sujet de la peine ("representations on sentence") sont adressées au tribunal par les avocats du ministère public (de la Couronne, au palier provincial) et de la défense afin de l'aider à se déterminer à l'égard de la peine à infliger.
  16. Le principe de légalité des peines (et non de [l'égalité]) fonde l'obligation pour le juge de préciser la source législative de la peine prononcée. Les tribunaux, la jurisprudence et la doctrine ne peuvent créer des peines; celles-ci doivent être prévues dans des lois. Le Code criminel du Canada dispose qu'il n'y a de peine à l'égard d'une infraction que dans la mesure où la loi le détermine. Des dispositions générales supplétives prévoient le cas où le législateur, après avoir créé une infraction, omet de préciser la peine applicable ou la peine afférente à cette infraction.

    La légalité des peines permet de protéger le coupable contre la multiplicité des peines prononcées pour un même crime; d'où le principe de l'autorité de la chose jugée ("double jeopardy") hérité de la common law et selon lequel un justiciable ne peut être jugé de nouveau pour une infraction à l'égard de laquelle il a été jugé. Ce principe a été codifié par la Charte canadienne des droits et libertés, à l'alinéa 11h) : « Tout inculpé a le droit (…) h) d'une part de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement acquitté, d'autre part de ne pas être jugé ni puni de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement déclaré coupable et puni ».

    Ce principe a comme corollaires des règles constitutionnelles tels le droit du condamné de bénéficier de la peine la plus douce (et d'être protégé contre le châtiment consistant à lui infliger la peine la plus sévère) et le droit d'être protégé contre tous traitements et peines cruels et inusités. Peine inhumaine, peine dégradante. Peine inconstitutionnelle. Inconstitutionnalité d'une peine.

  17. Le principe de proportionnalité de la peine veut que la peine soit proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant.
  18. L'harmonisation des peines s'entend de l'infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances similaires.
  19. Dans certaines de ses publications, la Commission de réforme du droit du Canada a francisé à juste titre l'emploi du terme anglais "sentencing". On parlera de détermination de la peine pour désigner le processus de détermination d'une peine infligée à un contrevenant. Commission canadienne sur la détermination de la peine. Le terme anglais recouvre aussi dans certains contextes l'exécution de la peine. Détermination et exécution de la peine.

    La détermination de la peine est gouvernée par des principes ou des objectifs pénologiques généraux et des règles particulières telles la dénonciation, la sécurité publique, la réadaptation, la réparation, la proportionnalité, la disparité, la totalité, la retenue, les circonstances aggravantes ou atténuantes 1, les règles de calcul de la peine ainsi que la dissuasion générale ou la dissuasion spécifique ou particulière. Une peine produit un effet dissuasif, si elle suscite l'abstention chez les délinquants en puissance et si elle inspire chez le condamné une crainte telle qu'il hésite à récidiver.

    Après l'audience de la détermination de la peine, et non l'audience [sur] ou [relative à] la peine ("sentence hearing"), ni l'[audition], le tribunal qui détermine la peine ou le juge chargé de la détermination de la peine ("sentencing judge") peut accorder au condamné une réduction de peine dans le calcul de la durée de la peine pour tenir compte de toute période que ce dernier a passée sous garde avant le prononcé de la peine, même si cette réduction aboutit à une peine inférieure à la peine minimale prescrite, étant donné que les peines minimales obligatoires doivent être interprétées et exécutées conformément au régime général de détermination de la peine du système de justice pénale. Par exemple, le Code criminel prévoit une peine minimale obligatoire de quatre ans d'emprisonnement en cas d'usage d'une arme à feu lors d'un vol qualifié. Le condamné qui a été détenu sous garde pendant six mois avant le prononcé de la peine pourra obtenir une peine allégée de trois ans et demi d'emprisonnement.

    L'allégement de peine ou l'atténuation de la peine, on dit aussi la mitigation 1 et 2 de la peine, peut également être commandé par d'autres facteurs, tout comme l'aggravation de la peine. Il y a aggravation de la peine en cas de récidive d'une infraction ou d'existence d'une circonstance aggravante. En vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le délinquant bénéficie d'une réduction légale de peine, c'est-à-dire que le quantum de la peine (soit la durée de l'emprisonnement ou le montant de l'amende) est réduit, la peine étant automatiquement écourtée.

  20. Quoique attesté par le Grand Robert (mais non enregistré par d'autres dictionnaires), le verbe imposer au sens d'obliger à subir ou à faire quelque chose de désagréable ou de pénible, employé à l'égard d'une peine, d'un châtiment, d'une punition ou d'une sanction, continue de constituer un archaïsme pour la plupart des lexicographes. Les juristes canadiens n'hésitent guère pourtant à recourir à cette tournure, inspirée d'ailleurs de l'anglais ("to impose a sentence"). Il est préférable de dire prononcer, infliger, appliquer une peine ou condamner à une peine. La documentation atteste aussi l'emploi des syntagmes punir, frapper, sanctionner, décider d'une peine ou encore soumettre à une peine.
  21. Le juge prononce des peines lorsqu'il les inflige à haute voix; il ne peut les [prononcer] par écrit. Cette observation vaut aussi pour les syntagmes prononcer une décision, prononcer un jugement, qui ne peut être que le fait de rendre à haute voix ou oralement une décision ou un jugement. Infliger une peine juste. Condamner à une lourde peine. Appliquer la peine la plus appropriée. Punir l'accusé. Frapper le contrevenant d'une peine sévère. Sanctionner une infraction d'une peine par l'emprisonnement et l'amende. « Le juge a décidé d'une peine clémente. » « Il convient de soumettre les accusés à une peine mineure. »
  22. La personne condamnée à une peine doit la purger; s'il est correct de dire qu'une peine se purge, rien n'empêche d'exprimer d'une autre manière la même idée en disant que la peine s'exécute, qu'elle s'effectue, qu'elle s'accomplit ou qu'elle se subit.

    S'il faut éviter l'infinitif imposer en cet emploi, on bannira le substantif imposition, qui ne se dit qu'en matière fiscale. Pour une peine, on dit plutôt prononcé, infliction, application et condamnation.

  23. En contexte de traduction, le mot peine s'emploie indistinctement pour rendre "punishment", "sentencing" et "sentence". Les mots peine et punition s'emploient de façon interchangeable pour rendre "punishment". Le français dispose aussi des termes châtiment et sanction pour éviter les répétitions fastidieuses.
  24. Le mot sentence n'a pas le même sens en français et en anglais. "Sentence" signifie le plus souvent peine, châtiment, punition, sanction, tandis que la sentence est une décision (comme la sentence arbitrale), un jugement, une condamnation. La peine est la sanction encourue, alors que la sentence est la décision de justice qui condamne à une peine.
  25. S'il est vrai que c'est prêter le flanc à la critique que de dire [imposer] une peine, comme il est dit au point 22), ce l'est encore plus dans le cas d'une sentence, car le sens de l'expression critiquée conduit à un illogisme : on ne peut pas plus [imposer] une décision ou un jugement aux parties à l'instance qu'on ne peut [imposer] une sentence à un condamné. Face à une hésitation devant l'emploi des mots peine et sentence, il suffit de remplacer le premier par sanction et le second par décision ou jugement pour savoir quel terme employer. La peine et la sentence sont deux notions bien distinctes. Ne dit-on pas que la pénologie est la discipline qui a pour objet l'étude des peines et des sentences?
  26. Le mot peine entre dans la construction de deux locutions prépositives synonymes. La locution prépositive à peine de, usitée dans les textes juridiques, est archaïque dans la langue courante. (Ce phénomène d'ambivalence constitue une des caractéristiques du langage juridique). Elle indique les conséquences auxquelles s'expose tout contrevenant ou toute irrégularité constatée dans un acte juridique. À peine de nullité, à peine de déchéance, à peine de caducité, à peine d'irrecevabilité, à peine de forclusion. « Les obligations imposées au juge d'instruction, lors de la première comparution d'un inculpé, sont prescrites à peine de nullité des actes intervenus sans l'accomplissement des formalités légales. » La locution peut être suivie d'un infinitif. « (…), le tout, à peine contre les armateurs d'être privés des droits de commissions. »

    La locution prépositive sous peine de signifie avec le risque de, en faisant encourir telle ou telle peine, si on ne veut pas s'exposer à tel ou tel risque, sous menace de. Son emploi est plus courant que celui d'à peine de. Sous peine d'amende, sous peine de dommages-intérêts, sous peine de refus, sous peine de sanctions, sous peine de déni de justice. « Le juge est tenu sous peine de déni de justice de statuer sur les demandes à raison desquelles la loi proroge sa juridiction. » La locution peut être suivie d'un infinitif. « L'ajournement oblige le défendeur à comparaître sous peine d'être condamné pour défaut. »

    L'emploi de ces deux locutions produit un effet de style juridique (dit l'effet Thémis) ou remplace fort avantageusement une longue subordonnée. « S'il n'observe pas ces conditions, la demande sera jugée irrecevable » (= « L'observation de ces conditions est de rigueur, à peine d'irrecevabilité. ») « La partie qui entend récuser un juge doit le faire dès qu'elle a connaissance de la cause de récusation. En cas d'omission de celle-ci de former sa demande de récusation dans les délais prescrits, la demande de récusation sera jugée irrecevable. » (= « La partie qui entend récuser un juge doit, sous peine d'irrecevabilité, présenter sa demande motivée dans les délais prescrits. »)

    On trouve fréquemment ces deux locutions dans le même texte. Par exemple, à peine de, à l'article 967 du Code civil du Québec, et sous peine de, à l'article 1103. « Il est tenu, à peine de déchéance, de le faire dans l'année à compter de la date de prise de possession par le propriétaire du fonds auquel la partie a été réunie. » « L'action doit, sous peine de déchéance, être intentée dans les soixante jours de l'assemblée. » Il en est de même dans le Code civil français.

Syntagmes et phraséologie

pénaliste/pénologie/pénologue

  1. La pénologie (la graphie savante poenologie se rencontre moins souvent), qu'on appelle aussi science pénitentiaire et science de la peine, est une discipline qui étudie le droit pénal général et spécial dans la perspective particulière du régime des mesures pénales, de l'application des peines et de l'infliction des sanctions. Son examen porte à la fois sur les principes généraux qui gouvernent la détermination et l'exécution de la peine ("sentencing"), les principes qui régissent le prononcé des sanctions, la nature et l'évolution des mesures pénologiques envisagées par l'État dans son rôle d'autorité répressive et, enfin, le cadre d'application et d'exécution des sanctions pénales.
  2. Il importe de distinguer deux genres de spécialistes du droit pénal. Les pénologues (néologisme formé sur le modèle de criminologue) sont des auteurs, comme Hélène Dumont, au Canada, et Smelck et Pecca, en France, qui se consacrent à l'étude du droit relatif aux régimes des peines et des sanctions (enseignement de la pénologie, étude de la pénologie, traité de pénologie), tandis que les pénalistes sont soit, au sens large, des praticiens du droit pénal, soit, au sens strict, des auteurs et des universitaires dont l'activité professionnelle est consacrée à l'étude et à l'enseignement du droit pénal, comme Côté-Harper, Rainville et Turgeon, au Canada, et Larguier, en France.

privatif, ive/privé, ée

  1. L'adjectif privatif (les mots de propriété étant sous-entendus) s'emploie dans le droit des biens en matière de copropriété immobilière. Il qualifie les parties d'un immeuble en copropriété (les parties privatives) qui appartiennent en propre à chaque copropriétaire par opposition à celles qui sont communes à l'ensemble ou à plusieurs des copropriétaires (les parties communes).

    Cependant il ne faut pas confondre les mots privatif avec privé, même si parfois ces deux adjectifs sont synonymes. Le garage d'un immeuble en copropriété sera privatif s'il est affecté à l'usage exclusif d'un seul copropriétaire. En revanche, s'il est désigné partie commune, il n'en restera pas moins un lieu privé (privé étant alors entendu au sens de privatif) puisque seuls les copropriétaires pourront en faire usage. Il n'est pas ouvert au public. Jardin privatif, cour intérieure privative. En ce sens, privatif s'oppose à commun, tandis que privé est l'antonyme de public. Mur privatif, clôture privative. Ouvrage construit à des fins (d'utilisation, d'occupation) privative.

    Dans la doctrine et dans la jurisprudence, privatif se dit d'une personne : on qualifie ainsi le propriétaire du mur privatif ou de la clôture privative.

    Il arrive parfois que des parties communes soient affectées à l'usage exclusif ou privatif d'un ou de plusieurs copropriétaires; elles sont dites alors parties communes à usage exclusif ou parties communes particulières par opposition aux parties communes générales.

  2. En dehors du cas de la copropriété immobilière, l'adjectif privatif au sens d'exclusif se dit aussi du bien qui bénéficie à un seul : cas du locataire ayant l'usage exclusif ou privatif des lieux loués. Droit privatif, jouissance privative. Le droit des successions s'intéresse au droit privatif des indivisaires. « L'indivision successorale est régie par deux grands principes : aucun des indivisaires n'a de droit privatif sur aucun des biens de l'indivision; chacun d'eux a un droit privatif sur sa quote-part indivise. » Privatif a le sens ici de ce qui est non exclusif.
  3. En droit pénal, l'adjectif privatif qualifie de ce qui exclut, ce qui prive quelqu'un de quelque chose. On parle ainsi d'une peine privative de liberté, d'une peine privative de droits. La détention, l'emprisonnement sont des peines privatives de liberté et les conditions obligatoires dont sont assorties les ordonnances de sursis de même que les conditions facultatives prévues à l'article 742.3 du Code criminel du Canada sont des peines privatives de droits.
  4. Ce qui est exorbitant du droit commun est restrictif ou privatif. En matière de contrôle ou de révision judiciaire des sentences arbitrales ou des décisions ou ordonnances rendues par des tribunaux administratifs, la clause privative ("privative clause") ou clause exorbitante du droit commun, encore appelée clause d'irrévocabilité et disposition 1 et 2 privative, a un effet privatif, lequel peut être intégral ou partiel, ayant pour objet de limiter (de là l'emploi de l'adjectif privatif) l'examen des décisions ainsi rendues. La clause privative restreint la portée du contrôle judiciaire. L'emploi de la locution prépositive sous réserve de permet de repérer l'existence d'une clause privative. « Notre Cour a conclu à l'effet privatif d'une clause prévoyant que, sous réserve de certaines exceptions limitées, la décision du tribunal était 'définitive'. »

    La clause privative intégrale, véritable ou générale est celle qui déclare que de telles décisions sont définitives et péremptoires, qu'elles sont insusceptibles d'appel et que, par conséquent, toute forme de contrôle judiciaire est exclue. « Lorsque la loi emploie des mots qui visent à limiter le contrôle, mais qui ne correspondent pas au libellé traditionnel d'une clause privative intégrale, il faut déterminer si ces mots comportent un effet privatif intégral ou une norme de retenue moins élevée. » Mots conférant à la loi constituante un effet privatif limité.

    Afin de déterminer la norme ou le critère de la raisonnabilité ou du caractère manifestement raisonnable de la décision, la règle diffère selon qu'il s'agit d'une décision protégée par une clause privative. S'il y a clause semblable, la décision contestée peut faire l'objet d'une révision visant à établir s'il y a eu excès de compétence eu égard à la norme de l'erreur manifestement déraisonnable. « Pour déterminer la norme de contrôle applicable, je dois d'abord déterminer si l'objet de la décision du tribunal administratif était assujetti à une clause privative ayant un effet privatif intégral. » « Dans cet arrêt, la Cour a examiné l'effet privatif d'une clause prévoyant que la décision d'un tribunal des relations de travail 'a force de chose jugée et lie les parties'. » (= les mots « a force de chose jugée et lie les parties » ont un effet privatif limité sur les questions soulevées devant le tribunal).

    La clause ou la disposition privative s'appelle aussi clause limitative de recours et clause restrictive : elle prévoit qu'une ordonnance ou une décision rendue par un tribunal administratif est définitive et a force exécutoire. On dit que cette loi a force privative. Décision jouissant de la sauvegarde d'une clause privative. Tribunaux administratifs nantis de clauses privatives de l'autorité judiciaire.

    Une disposition sera dite de droit privatif, que l'on distinguera du droit privatif dont il a été question au point 2) (ou encore de nature privative), si elle prive (par restriction ou suppression) une personne, physique ou morale, ou un organisme de pouvoirs, d'attributions ou de responsabilités qui lui sont autrement reconnus. « La notion de droit civil lie les parties à une transaction, dans ce cas-ci l'employeur et le syndicat, mais les dispositions de l'article 47.2 et suivants, de droit privatif, nient en quelque sorte le mandat du syndicat en faveur du salarié qui justifie l'application de ces articles. »

statuer

Étant un verbe de la première conjugaison, statuer conserve la voyelle e au futur simple et au conditionnel présent : je statuerai, nous statuerions, ils statueraient.

Ce verbe s'emploie comme transitif indirect (statuer sur un moyen) ou absolument (soit l'indication des conditions dans lesquelles le tribunal a statué) (statuer souverainement, statuer publiquement, statuer contradictoirement, statuer d'office, statuer par voie réglementaire, par voie de dispositions générales, statuer dans un délai de dix jours, statuer en ce sens, statuer autrement). Voir plus loin pour le sens à donner à certaines de ces expressions. Son emploi comme transitif direct (statuer des règlements, des prescriptions, une enquête) est tombé en désuétude.

Le sujet de statuer peut être un animé (le juge statue) ou un inanimé (le jugement, la sentence arbitrale statue). « Le jugement statuera sur la contestation. » « La sentence arbitrale ayant statué sur le fond il n'y a pas de délai additionnel. »

  1. Dans la langue du droit, statuer appartient au vocabulaire judiciaire. Le législateur ne [statue] pas : sa fonction est de prévoir, d'ordonner, de prescrire, de déclarer, de prohiber, de disposer, d'édicter; de son côté, le juge décide, règle, tranche, conclut, se détermine, donc il statue.
  2. Comme plusieurs verbes, statuer a un sens faible et un sens fort.

    Dans son sens faible, il se rencontre dans l'énoncé des motifs qui forme le corps du jugement, après l'en-tête ou l'intitulé et avant le dispositif. Il s'accompagne de la préposition sur (« L'arbitre peut statuer sur sa propre compétence. ») ou de la conjonction que ou si introduisant une subordonnée complétive. En ce sens atténué, il signifie déclarer avec autorité, apprécier, décider, conclure, déterminer, trancher. « Le protonotaire a adjugé les dépens, mais a omis de statuer sur certains moyens des parties. » « Le tribunal a statué (= a déclaré) que l'ancienne législation avait une portée trop large. » « Le juge a pris appui sur cet arrêt pour statuer que pareille conclusion était déraisonnable. » « Le juge des requêtes a-t-il eu raison de statuer que le Tribunal pouvait poursuivre l'audience? » « Il incombait à l'arbitre de statuer (= de déterminer) si elle était fonctionnaire au sens de l'article 92. » Le plaideur s'adresse au tribunal pour faire statuer sur sa demande. « Le locataire peut s'adresser au tribunal pour faire statuer sur la durée ou sur la modification demandée, sinon il est réputé avoir accepté les nouvelles conditions. »

    Ce sens faible du verbe statuer renvoie à l'acte qui permet au pouvoir juridictionnel de se prononcer sur toutes les demandes qui lui sont présentées et de rendre une décision sur les diverses prétentions et sur tous les moyens avancés par les parties. Statuer sur une affaire, sur un appel, sur un litige, sur des questions, sur une requête. « Le fond de la contestation sera porté au même tribunal qui aura statué sur la requête civile. » Statuer sur la recevabilité d'une action. « Selon ce principe, il ne peut être statué sur la recevabilité au fond de l'action tant que les fins de non-recevoir soulevées n'ont pas été vidées. » Faire statuer sur sa demande. Le juge statue sur diverses questions avant de rendre une décision ou une ordonnance, le cas échéant. « Ayant statué sur l'inscription en faux, le tribunal a rendu une ordonnance. » « Il est nécessaire de statuer d'abord sur le premier moyen. »

    Il faut se méfier du piège que tend le sens faible du verbe statuer. On ne peut pas dire, par exemple : « Il incombait à l'arbitre de statuer (= de décider) si elle était fonctionnaire au sens de la Loi. » Statuer ne peut pas non plus s'employer de façon interchangeable avec des verbes comme conclure, déterminer, juger, qui ont entre eux une analogie de sens avec des nuances sémantiques particulières à chacun d'eux. Car, bien qu'il soit vrai que tous ces verbes quasi-synonymes ont une idée commune, il reste qu'il peut y avoir synonymie dans des sens très différents qu'il est nécessaire de distinguer si on veut choisir le seul terme qui convienne à l'idée dans son contexte.

  3. Au sens fort, statuer signifie juger, arrêter, décider, ordonner, se déterminer, rendre sa décision. Une décision de justice réalise l'application, par un juge ou par un arbitre, d'une règle de droit à une situation de fait, à une demande. Lorsque le juge dit le droit, il statue, c'est-à-dire qu'il exerce sa fonction juridictionnelle qui est de juger. S'il refuse de statuer, il y a déni de justice; en cas d'omission de statuer, il y a ouverture à annulation de tout ou partie du jugement dans lequel le juge n'a pas répondu dans sa décision à un chef de demande ou à un moyen de défense. « Le juge ne peut statuer que dans les limites des demandes, il doit se prononcer sur tout ce qui est demandé; s'il a omis de statuer sur un chef de demande, il peut, au moyen d'une procédure simplifiée, compléter sa décision. » « Le jugement contre lequel n'est ouvert aucun autre recours utile peut être rétracté par le tribunal qui l'a rendu, à la demande d'une partie, lorsqu'il a été prononcé au-delà des conclusions, ou qu'il a été omis de statuer sur un des chefs de demande. »

    Après avoir statué sur les prétentions et les arguments des parties, après avoir tiré des conclusions et des inférences à l'occasion desquelles il a été conduit à statuer à diverses reprises dans l'articulation de son raisonnement, dans sa discussion faisant partie intégrante de l'énoncé de ses motifs, le juge prononce sa décision, statuant (au sens fort) dans le libellé de sa décision qui forme le dispositif du jugement.

    Dans ce sens fort, le verbe statuer sera employé absolument (« Tout rapport d'expert ou autre document sur lequel les arbitres peuvent s'appuyer pour statuer doit être communiqué aux parties. ») ou intransitivement. « Le Conseil statue par la décision motivée. » Il forme alors toute une série d'expressions juridiques consacrées ou figées qu'il convient d'énumérer en apportant au besoin les précisions qui s'imposent. Ces expressions sont tirées des jugements et arrêts du droit civil ou des décisions judiciaires de common law.

    Statuer sommairement signifie trancher une affaire selon la procédure sommaire, statuer souverainement, c'est trancher dans l'exercice de son pouvoir souverain, statuer publiquement, contradictoirement et en premier ressort, pour une juridiction française, signifie se prononcer en séance publique après débats hors la présence du public, en Chambre du Conseil, l'arrêt attaqué s'appuyant sur des motifs contradictoires, et à charge d'appel, la décision ayant été rendue par une juridiction de première instance, par opposition à statuer en dernier ressort, c'est-à-dire dans une décision insusceptible d'appel. Statuer en appel, statuer sans appel. Statuer disciplinairement. Statuer à huis clos, statuer en audience publique, statuer d'office, statuer séance tenante (le jugement étant rendu ou prononcé, c'est-à-dire rendu à haute voix, lu, à l'audience, sans délibéré, et non [sur le banc]). Statuer définitivement s'oppose à statuer provisoirement. « Il doit être définitivement statué dans un délai raisonnable sur l'accusation dont cette personne fait l'objet. »

    Statuer sur pièces signifie trancher une question sur la foi des documents : « Le juge a statué sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement. »

    Statuer ce qu'il appartiendra, c'est-à-dire statuer comme il conviendra, selon ce que commandent les circonstances, se dit aussi, dans le vocabulaire de la procédure pénale française, du ministère public qui, sur l'avis du procureur de la République saisi des plaintes et des dénonciations et appréciant la suite à leur donner, décide de poursuivre ou de ne pas poursuivre, statue ce qu'il appartiendra, autrement dit se prononce, au cours de l'instruction ou de la mise en état, sur la suite à donner à la procédure.

    Statuer en l'état signifie décider en tout état de cause, dans la situation où se trouve l'affaire actuellement, à toute étape de la procédure.

    Statuer au nom de (conformément à) la loi. Statuer avant dire droit. Statuer à titre préjudiciel. Statuer au fond, sur le fond, statuer au principal. Statuer avec équité. Statuer ex aequo et bono (d'après ce qui est équitable et bon) par opposition à statuer en amiable compositeur, lequel se détermine selon les règles strictes du droit. « Les arbitres doivent juger selon le droit, à moins que le compromis ne leur donne pouvoir de statuer en amiable compositeur. »

    Statuer en conscience, statuer en connaissance de cause. Statuer en qualité de juge, d'arbitre. Statuer en formation collégiale. Statuer au civil, statuer au contentieux. Statuer ultra petita (le juge statue sur des choses non demandées ou accorde plus qu'il n'est demandé, il statue au delà de la demande), statuer infra petita (le juge accorde moins qu'il n'est demandé, il statue en deçà de la demande). Statuer par défaut. Statuer en droit, statuer en équité.

    Statuer à nouveau signifie décider de façon complètement différente (à distinguer de statuer de nouveau : se prononcer encore une fois) : « La Cour, par ces motifs, réforme le jugement attaqué et, statuant à nouveau, se dit incompétente. » « La Cour, par ces motifs, casse et annule l'arrêt précité (…) et pour être statué à nouveau conformément à la loi (…) renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel. »

    Refuser de statuer, de juger : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. »

    Surseoir à statuer : L'article 3137 du Code civil du Québec prévoit que l'autorité québécoise peut surseoir à statuer si une décision pouvant être reconnue au Québec a déjà été rendue par une autorité étrangère. « Le procureur est tenu d'agir s'il en est requis par une administration publique ou par une tierce personne ayant soulevé l'exception de nationalité devant une juridiction qui a sursis à statuer en application de l'article 29. »

  4. Statuer n'a pas uniquement comme sujets des actants tels que le juge, l'arbitre et le protonotaire. Toute autorité à qui est reconnue la compétence lui permettant de décider une question peut statuer. « Le conseil de famille ne peut statuer qu'après audition des futurs conjoints. »

voir-dire

Formé de deux verbes substantivés, ce mot composé appartient au vocabulaire du droit de la preuve au Canada. Contrairement à son homonyme anglais "voir dire" ou "voire dire", il s'écrit avec le trait d'union. Puisqu'il est francisé, il ne faut pas l'italiciser ou le guillemetter. Il est invariable. Tenir de nombreux voir-dire.

  1. Procédure du voir-dire. Le voir-dire constitue une étape de la procédure judiciaire qui permet au juge de déterminer une question en interrogeant le témoin d'un événement. C'est un interrogatoire préliminaire ou, comme l'usage le dit, « un procès dans le procès » ("a trial within a trial") au cours duquel un témoin est interrogé, avant de continuer à rendre témoignage, au sujet notamment de sa capacité à témoigner et de son intérêt dans l'affaire.

    Un tel interrogatoire peut aussi viser à établir le caractère volontaire d'un aveu 1 fait par un accusé à un agent de police. En ce cas, le voir-dire a pour objet de faire apprécier le caractère volontaire des déclarations extrajudiciaires de l'accusé faites à une personne placée en situation d'autorité. Voir-dire au procès, à l'instance. Présider un voir-dire. Admettre des déclarations après, sans voir-dire.

  2. Le voir-dire peut aussi s'étendre à d'autres questions. Voir-dire au cours de la sélection des jurés. « Lorsque le motif de récusation est que le nom d'un juré ne figure pas sur la liste, la question est décidée par le juge sur voir-dire par consultation de la liste et d'après telle autre preuve qu'il estime à propos de recevoir. » Voir-dire sur l'admissibilité d'une preuve (tenu en l'absence du jury). « Au procès, le juge a tenu un voir-dire pour déterminer si les stupéfiants devaient être admis en preuve. » Rôle du voir-dire. Long voir-dire. Requête en voir-dire. Droit au voir-dire. Nécessité du voir-dire. Requérir le voir-dire, la tenue d'un voir-dire. Procéder à un voir-dire. Règle exigeant le voir-dire. Voir-dire formel, informel. Voir-dire conjoint. Voir-dire sur la constitutionnalité des articles pertinents, à l'égard d'une déclaration extrajudiciaire, au sujet d'une question, relatif à l'admissibilité de la preuve, portant sur un élément de preuve.
  3. Dans un procès criminel, le voir-dire visant l'admissibilité d'un élément de preuve a lieu en l'absence du jury. L'obligation de demander un voir-dire n'incombe pas dans tous les cas à la défense; le juge peut et, dans certains cas, doit tenir d'office, proprio motu, séance tenante un voir-dire. La défense peut renoncer au voir-dire. Fardeau de la preuve applicable en matière de voir-dire. Preuve, norme de preuve au, du voir-dire. Voir-dire de type Parsons (en contestation d'une autorisation d'écoute électronique).

    La preuve de voir-dire entend établir qu'on sait quelque chose pour l'avoir appris directement d'un témoin. Ne pas confondre voir-dire et ouï-dire. Le serment de voir-dire est déféré par le tribunal à un témoin, qui s'engage, aux termes de ce serment, à dire la vérité en réponse aux questions qui lui seront posées lors ou au cours du voir-dire. Voir-dire à huis clos. Déroulement, poursuite du voir-dire. Questions examinées dans un voir-dire, pendant un voir-dire. Étape du voir-dire. Preuve produite durant le voir-dire. Terminer le voir-dire. À la suite du voir-dire, au terme, à l'issue du voir-dire. Décision (rendue), sur, après le voir-dire. Motifs sur le voir-dire. Clôture du voir-dire. Durée du voir-dire. « Le voir-dire a duré une semaine. » Déclaration extrajudiciaire admise sans voir-dire. Aux fins de la tenue du voir-dire. « Il a été accepté, aux fins du voir-dire, que la marchandise avait été volée. » Se prononcer sur un voir-dire.