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De la graphie d’« attentat suicide »

Fanny Vittecoq
(L’Actualité langagière, volume 2, numéro 1, 2005, page 11)

Les attentats suicides se sont malheureusement multipliés depuis le 11 septembre 2001. Pour nous langagiers, ce triste phénomène retient aussi notre attention du point de vue orthographique. Voyons plutôt :

La multiplication des attentats suicides en Irak même, mais aussi en Arabie saoudite et en Turquie le montre1.

Or, les plus hautes autorités de l’islam […] ont dénoncé […] les attentats-suicides du 11 septembre2.

Al-Qaïda responsable des attentats-suicide de Casablanca3?

Le ministre jordanien des Affaires étrangères demande aux États arabes de condamner explicitement les attentats suicide en Israël4.

Le pluriel et le trait d’union

Que disent les ouvrages de langue? S à suicide ou non? Avec ou sans trait d’union?

Si les exemples du terme avec ses variantes sont légion dans les quotidiens français et canadiens, il en est tout autrement dans les ouvrages de langue consultés, qui prêchent la loi du silence. Seul l’Office québécois de la langue française se prononce : des attentats-suicides à la bombe (trait d’union, s à suicide). C’est en tout cas ce que je croyais jusqu’à ce que je consulte le Petit Robert, édition 2003, qui répertorie lui aussi attentat suicide à l’entrée suicide (mon « vieux » Robert de l’an 2000 n’en parle pas) :

En apposition. Qui comporte des risques mortels : Opération, raid, attentat suicide. Des missions suicide. Avion-suicide : dont le pilote est sacrifié.

Oui, vous avez bien vu, pas l’ombre d’un s à suicide au pluriel : des missions suicide. On peut supposer que le Petit Robert préconise la même forme au pluriel pour les termes opérations suicide, raids suicide et attentats suicide.

Et preuve que la consultation des dictionnaires les plus récents est essentielle dans le domaine langagier, le Petit Robert a modifié son exemple dans l’édition 2004. On peut y lire : des missions suicides. Un petit s d’une grande importance pour la conclusion de cet article.

Les autres ouvrages ne mentionnent pas le terme attentat, mais ils fournissent des pistes intéressantes sur le pluriel et le trait d’union des mots composés avec suicide. Le Petit Larousse écrit : « En apposition. Qui comporte des risques mortels. Opération suicide. »

Peut-on peut supposer que les deux éléments du terme sont variables (opérations suicides)?

Quant au Trésor de la langue française, il recommande le trait d’union aux termes avion-suicide, pilote-suicide, candidat-suicide et commando-suicide. Le trait d’union à avion-suicide fait d’ailleurs l’unanimité dans les ouvrages5. Enfin, Hanse6 se montre flexible pour prévention(-)suicide et prix(-)suicide.

Dans l’usage courant, il semble que les graphies avec un s à suicide aient la cote, si l’on se fie aux quotidiens canadiens et français, ainsi qu’à Internet; en interrogeant Google, on obtient 10 500 occurrences d’attentats(-)suicides (s à suicide) contre 5 790 pour attentats(-)suicide.

Par ailleurs, Le bon usage de Grevisse nous éclaire sur l’accord en nombre des mots en apposition. En résumé, le pluriel est plus fréquent avec les termes clé, limite, mère, miracle, modèle, pilote, témoin et type : mots clés, cas limites. Les hésitations sont plus marquées pour les mots choc et éclair – prix choc(s), voyages éclair(s) –, ou quand le pluriel normal serait audible, comme dans tuiles canal(s).

Le Grevisse conclut sur le trait d’union :

« Quand le nom est suivi d’une apposition non figée, le trait d’union n’est pas utile. C’est le cas des désignations des sciences naturelles : l’araignée épeire, l’airelle myrtille. C’est aussi le cas de clé, modèle, pilote, limite et de bien d’autres noms qui, dans le français actuel, se joignent librement à des noms divers : région pilote, secteur cléetc.; il faut reconnaître que le trait d’union est loin d’être rare dans l’usage. »

Pour quelle graphie opter?

Quatre possibilités s’offrent à nous : attentats suicides, attentats-suicides, attentats suicide, attentats-suicide. « Tout cela est purement graphique », comme dit Grevisse. Chose certaine, grammaticalement parlant, toutes ces graphies sont correctes. Si j’avais à trancher, j’opterais pour attentats suicides. Sans trait d’union parce qu’il n’est pas utile lorsqu’un nom est suivi d’une apposition non figée. Avec un s à suicide parce que c’est plus simple et plus répandu.

NOTES

  • Retour à la note1 Le Nouvel Observateur, 27 novembre 2003.
  • Retour à la note2 Le Monde diplomatique, novembre 2001.
  • Retour à la note3 Associated Press (AP), 1er décembre 2003.
  • Retour à la note4 La Presse, 27 janvier 2004.
  • Retour à la note5 Autres ouvrages consultés : Multidictionnaire de la langue française, 1997; TERMIUM® en ligne; Dictionnaire des difficultés de la langue française (A.V. Thomas, éd. Larousse), 2001; Dictionnaire des difficultés du français (Jean-Paul Colin, éd. Le Robert), 1994; Dictionnaire Bordas des pièges et difficultés de la langue française (Jean Girodet), 1997; Dictionnaire québécois français (Lionel Meney), 1999; Le Grand dictionnaire terminologique, version en ligne (www.oqlf.gouv.qc.ca); Le Dictionnaire orthographique (Pascale Lefrançois), 1995.
  • Retour à la note6 Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne, 2000.