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Traduire le monde : Le plat pays du flamand traduit

André Racicot
(L’Actualité langagière, volume 9, numéro 1, 2012, page 40)

On parle souvent du Canada comme d’un pays de traduction, mais il ne faut pas oublier la Belgique, ce plat pays où cohabitent le français et le flamand. Qu’est-ce que le flamand? Du néerlandais, tout simplement. C’est en fait un ensemble de dialectes parlés en Belgique, en France et aux Pays-Bas. Alors que certains considèrent le terme flamand comme incorrect et péjoratif, les dictionnaires continuent de l’employer. C’est ce que je compte faire, pour respecter l’usage, quitte à recourir parfois au terme néerlandais.

Le découpage linguistique de la Belgique n’a rien à voir avec celui du Canada. En effet, cet État du Nord de l’Europe comprend trois communautés linguistiques : française, flamande et germanophone, ce qui se répercute sur la signalisation routière, entre autres choses.

Un francophone qui voyage en région flamande doit pouvoir lire les panneaux unilingues néerlandais s’il veut arriver à bon port, par exemple à Antwerpen, qui se dit Anvers en français. De cette ville, il pourra ensuite se rendre à Brugge (Bruges), en passant par Gent (Gand). Dans ces cas, la transparence entre le flamand et le français rend la compréhension des panneaux relativement facile. Mais notre voyageur n’est pas au bout de ses peines.

Il voudra sûrement rentrer en Wallonie, à Liège, par exemple. Mais attention, il ne verra jamais le nom de cette ville sur les panneaux routiers de la région flamande, enfin pas sous cette forme. Il lui faudra savoir que Liège, en flamand, se nomme Luik, sans quoi il risque de chercher longtemps. Tonnerre de Brest!

Comme on le voit, rien n’est simple au pays de Brel. Si certaines traductions ressemblent beaucoup à l’original, bon nombre d’entre elles sont méconnaissables. Ainsi, la ville flamande De Haan devient Le Coq en français. Ceux qui connaissent l’anglais ont peut-être une longueur d’avance…

Pour les traducteurs d’ici, il est intéressant de savoir quelles formes sont adoptées en anglais. De prime abord, il faut être conscient que l’anglais et le néerlandais sont des langues sœurs. Ne dit-on pas que l’anglais est du néerlandais brodé de français? Pourtant, nous verrons bientôt que cette filiation n’est pas synonyme de simplicité dans la traduction. Bref, la domination du néerlandais est loin d’être acquise.

Commençons par la capitale, Bruxelles, ville bilingue enclavée dans le territoire flamand. Le nom de la ville en néerlandais est Brussel, forme que reprend l’anglais en ajoutant un s : Brussels. Le port d’Anvers devient Antwerp en anglais, qui découle évidemment du néerlandais Antwerpen.

Étant donné que l’anglais est une langue germanique, tout comme le néerlandais, on pourrait s’attendre à ce qu’il reprenne systématiquement les formes flamandes. Or, ce n’est pas toujours le cas. Deux exemples où anglais et flamand correspondent : Limburg et Mechelen, traduites par Limbourg et Malines dans notre langue.

Pourtant, les formes Brugge (Bruges), Leuven (Louvain) et Kortrijk (Courtrai) auraient très bien pu être intégrées au vocabulaire anglais, si ce n’est de leur prononciation. Et voilà le hic. Le néerlandais comporte des sons étrangers à l’anglais, aussi bien qu’au français. Dans les exemples précédents, le u de Brugge se prononce comme un u français, tandis que le g se prononce au fond de la gorge. Le eu de Leuven se prononce comme en français, tandis que le v se rend par un f. Pas mal d’obstacles, vous ne trouvez pas? Et je vous fais grâce de la prononciation de Courtrai en flamand… Les formes françaises sont finalement plus simples à prononcer et paraissent moins étranges, pour les locuteurs anglophones. C’est pourquoi elles ont été adoptées.

Il est peut-être moins surprenant de voir l’anglais adopter les toponymes originaux français pour les villes wallonnes, quoique dans certains cas on aurait très bien imaginé la version flamande dans la langue de Shakespeare. Pensons à Doornik au lieu de Tournai, et à Bergen au lieu de Mons. Là encore, l’anglais a préféré se rabattre sur les toponymes français.

Mais le cas de la ville de Liège est une autre paire de manches, car son nom néerlandais ne peut résolument pas s’imposer en anglais. En néerlandais, on l’écrit Luik, et cette graphie est particulièrement déroutante pour tout le monde, car il faut savoir que la prononciation du mystérieux ui correspond à un eu allongé suivi d’une mouillure en finale. Un peu comme si on prononçait peur avec un y à la fin. On le sait, les anglophones ont déjà du mal à prononcer le son eu, ce qui est une bonne raison d’adopter le toponyme français.

Ce qu’il faut retenir, en fin de compte, c’est que nos amis anglophones ont adopté quelques formes spécifiques, comme Brussels, Antwerp et Ostend, qui font figure d’exception. Dans le cas des toponymes les plus connus, force est de constater que l’anglais a une nette préférence pour la version française des toponymes, flamands ou pas.