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Traduire le monde : Macédoine, Monténégro et République tchèque

André Racicot
(L’Actualité langagière, volume 7, numéro 2, 2010, page 28)

La chute du Rideau de fer, en 1991, a bouleversé la politique et la géographie de certains États européens. Parmi ceux-là, la Macédoine, le Monténégro et la République tchèque, dont les noms peuvent susciter des interrogations. Comme le disait si bien Shakespeare, What’s in a name?

L’effondrement de la République fédérale socialiste de Yougoslavie, en 1991, a amené la constitution d’une autre Yougoslavie, appelée République fédérale de Yougoslavie, qui comprenait la Serbie, le Monténégro et le Kosovo. Avaient également proclamé leur indépendance : la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Slovénie et la Macédoine.

Deux de ces républiques attirent mon attention en raison de leur intérêt sur le plan linguistique, soit la Macédoine et le Monténégro.

La Macédoine dans l’histoire

La Macédoine a la particularité d’être à la fois une région et un pays. Elle a connu ses heures de gloire sous Philippe II et Alexandre le Grand, au IVe siècle avant Jésus-Christ. Cette région historique s’étendait sur les territoires de la Grèce, de la Bulgarie et de la Macédoine actuelles. De 1371 à 1912, elle a fait partie de l’Empire ottoman. Après la Seconde Guerre mondiale, elle est devenue l’une des républiques socialistes de la Yougoslavie. Aujourd’hui, la Macédoine est une région importante de la Grèce, mais aussi un État souverain, dont le nom fait l’objet d’un contentieux entre la Grèce… et la Macédoine.

Le contentieux

Pour bien saisir l’essence du problème, imaginons que le Canada crée une nouvelle province entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick qui serait appelée Gaspésie… On peut très bien imaginer la réaction au Québec. On peut donc comprendre que la proclamation de la Macédoine indépendante ait suscité toute une levée de boucliers chez les Grecs.

Pour compliquer la situation, le nouvel État a également adopté certains symboles de la Macédoine antique, dont le soleil de Vergina, qui figurait sur le premier drapeau national. Ce soleil a par la suite été modifié. La Grèce fait valoir que les Macédoniens de l’ex-Yougoslavie ne peuvent s’approprier les symboles d’un passé qui remonte à bien longtemps avant l’arrivée des Slaves dans la région, au VIe siècle de notre ère.

À la proclamation de son indépendance, en 1991, la Macédoine slave a adopté le nom officiel de République de Macédoine, qui est utilisé dans les traités et la correspondance diplomatique. S’en est suivie une controverse qui dure toujours entre Athènes et Skopje (la capitale macédonienne), bien que son intensité ait diminué au cours des dernières années. Pour y mettre fin, on a suggéré quelques noms pour le nouvel État : Vardarie (inspiré du nom du fleuve principal du pays), Macédoslavie, Macédoslavonie, Slavomacédoine et Nouvelle-Macédoine. Tous les noms qui contiennent macé-, que l’administration de Skopje ne veut pas abandonner, soulèvent l’ire des autorités grecques.

La Macédoine a donc adhéré aux Nations Unies sous le nom bucolique d’ex-République yougoslave de Macédoine, dont l’acronyme français est ERYM. Dès le départ, c’est toutefois le sigle anglais FYROM (Former Yugoslav Republic of Macedonia) qui a prévalu, même dans les textes français.

Cependant, un grand nombre d’États — 61 pour 100 des membres de l’ONU — reconnaissent l’appellation officielle République de Macédoine, qui figure dans la constitution du pays. Le Canada et les États-Unis comptent parmi ces États.

Évidemment, l’existence de deux Macédoines pose un problème de taille quand vient le temps de désigner les habitants. Cette situation ressemble d’ailleurs à celle des deux Congos, avec la République démocratique du Congo, ex-Zaïre, et la République du Congo. Dans les deux cas, les habitants s’appellent les Congolais. On comprendra alors que les habitants des Macédoines grecque et slave portent tous le nom de Macédoniens.

L’auteur s’amuse à rêver à l’avènement d’une Macédoine du Nord en territoire slave, dont les habitants s’appelleraient les Nord-Macédoniens. Tout serait tellement plus simple; cela dit, tout le monde a le droit de rêver.

Le Monténégro

What’s in a name? La question se pose — encore une fois — dans le cas du Monténégro, petit État de la péninsule balkanique, qui faisait partie de la Serbie jusqu’en 2006, année où il accède à l’indépendance.

Comme on s’en doute, il ne s’agit pas du véritable nom du pays. D’origine italienne, le toponyme a été francisé par l’ajout d’accents.

Le langagier ne manquera pas de s’étonner de cette appellation italienne, alors que nous parlons bel et bien d’un État slave, situé juste en face de l’Italie, de l’autre côté de l’Adriatique. Il est probable que le choix de cette dénomination dans la plupart des langues de l’Europe occidentale s’explique par la domination de Venise sur la région, au Moyen Âge.

Alors comment les Monténégrins appellent-ils leur pays? Crna Gora, qui signifie « montagne noire », donc monte negro en italien. D’ailleurs, les pays voisins du Monténégro ont traduit cette expression italienne dans leur propre langue nationale.

La Bohème et la Moravie

La Tchécoslovaquie s’est scindée en deux États en 1993, la République tchèque et la Slovaquie. La première est parfois surnommée Tchéquie, bien que cette appellation ne figure pas dans les dictionnaires.

Beaucoup de détails se cachent dans un nom, comme on l’a vu. La République tchèque se compose essentiellement de deux régions, la Bohème et la Moravie. La première tire son nom des Celtes boïens, premiers habitants de la région. Aujourd’hui, ce sont essentiellement des Slaves qui peuplent cette région. D’autre part, certains habitants de la Moravie refusent d’être appelés Tchèques, pour des raisons d’ordre historique. D’ailleurs, la région réclame un statut d’autonomie à l’intérieur de la République tchèque.