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Juridictionnaire

emporter

Comme le verbe valoir, emporter s’emploie le plus souvent soit absolument, c’est-à-dire sans complément, soit avec un complément non accompagné de l’article, cas de l’omission de l’article.

Il peut être transitif direct ou intransitif et le sens qu’il revêt en contexte d’emploi est fort ou faible.

  1. Au sens de déroger, l’acception d’emporter est forte. C’est l’idée de dérogation qui colore le sens. En l’emportant, tel critère en vient à en supplanter un autre au point de l’écarter, telle norme vient remplacer telle autre et, ce faisant, en annule tous les effets.

    La règle que prévoit le Code civil du Québec selon laquelle les lois prohibitives emportent nullité, quoiqu’elle n’y soit pas prononcée, trouve son équivalent en common law : un contrat ou tout acte non contractuel est entaché de nullité, s’il enfreint une loi prohibitive.

  2. Synonyme de primer, emporter se construit ou bien absolument, ou bien avec la préposition sur. Il comporte en son sens un tempérament par rapport au sens fort. C’est alors l’idée de préséance qui domine, telle chose prenant rang par rapport à telle autre, telle partie d’un texte législatif l’emportant sur telle autre, telle règle de droit l’emportant sur des règles de droit ou des règles venues de l’equity ou de la coutume, c’est-à-dire des usages établis par ces deux sources de droit en common law.

    Ce qui précède signifie que les règles ou les lois sont privilégiées dans la conduite du sujet de droit, dans leur interprétation par rapport à d’autres, mais qu’on peut malgré tout les invoquer puisqu’elles conservent leur entier effet dans toutes les autres circonstances. La préséance est, en ce cas, circonstancielle, étant une préséance d’espèce.

    On trouve souvent des constats d’emploi des deux constructions grammaticales dans les cas d’incompatibilité de lois, d’empêchement d’agir ou d’incohérence de règles de droit. « En cas d’incompatibilité entre les dispositions de la présente loi et celles de toute autre loi, les premières l’emportent. » « En pareil cas, c’est son droit qui l’emporte. » « La Constitution l’emporte sur toute autre loi. »

  3. Au sens d’opérer, d’impliquer, le verbe emporter est transitif direct. C’est l’idée de conséquence qui domine. Le verbe s’emploie surtout, mais pas toujours, avec omission de l’article. Emporter annulation, cassation, déchéance. Emporter interdiction de territoire. Emporter de plein droit, c’est-à-dire du seul fait de la loi.

    Suivant une règle édictée en droit international public, l’accession à une convention, soit l’admission d’un tiers à un traité ou à un accord, emporte de plein droit adhésion à l’intégralité des clauses.

    Dans une instance civile au Nouveau-Brunswick, il suffit que cinq jurés sur sept s’entendent sous tous rapports à l’égard du verdict à rendre pour emporter décision régulière. Causes emportant déchéance, caducité, révocation de l’offre.

    Le verbe emporter est souvent employé avec inversion au début de la phrase dans des dispositions 1 et 2 législatives et réglementaires ou dans des clauses ou des stipulations pour mettre un fort accent sur le complément du verbe. «  Emporte libération de l’obligation le désistement de tous droits et actions. » « Emportent obligation rigoureuse de ne pas s’en détourner les devoirs impératifs que la loi confère. » Emporter abolition, abrogation, renonciation.

    Dans ces emplois, le sens du verbe emporter est faible. Il est synonyme d’entraîner. « La portée des dispositions particulières de la convention collective qui n’emportent pas l’applicabilité de l’ensemble de la convention particulière est matière d’interprétation et d’application réservée à la compétence de l’arbitre des griefs. »

    Le pacte, l’aveu 1, 2 et 3, l’acceptation, l’offre, l’accord, l’acquiescement, le consentement, le contrat, le mandat, la permission, la promesse, la résiliation, la révocation qui est tacite ou l’assertion, la conduite, le covenant, la fiducie, la garantie, la concession, la réserve, la servitude qui est implicite sont toutes des formes de silence juridique qui, d’une manière ou d’une autre, emportent obligation.

  4. Au sens de dépasser, d’excéder, d’être plus important, d’avoir plus de poids, le verbe emporter évoque l’idée de balance, de mesure dominante. Ce qui l’emporte pèse plus que ce qui perd.

    Lorsqu’il s’agit, à l’image de la mise en balance, d’apprécier, de soupeser soit des avantages entre eux pour déterminer lequel a plus de poids, soit des avantages par rapport à des désavantages, le verbe signifie tout à la fois mettre en balance, puis emporter sur.

    Son sens est faible puisque les avantages qui diminuent en importance ou en valeur devant d’autres avantages ou au regard des désavantages n’en demeurent pas moins des avantages.

    Dans la langue classique, emporter la balance signifie provoquer une décision, mettre fin à l’incertitude. « Aucune considération ne peut l’emporter sur la nécessité de repousser un agresseur » (= entrer en balance avec). Faire intervenir un argument dans le jugement d’une question qui doit emporter la décision, c’est mettre un poids dans la balance, jeter sur le plateau de la balance, ajouter dans la balance un argument qui aura pour effet d’emporter la décision, de la mériter.

  5. Au sens de comporter, de comprendre, le verbe emporter est transitif direct et son sens est faible. C’est l’idée d’inclusion qui domine. Tel cas, telle éventualité, telle situation emporte le droit (= comporte le droit) de faire quelque chose.

    Les lois, les décisions de justice, les ordonnances judiciaires, les injonctions, les sommations, les prohibitions, les voies d’exécution sont impératives du fait de l’obligation absolue de conformité qu’elles emportent : elles lient juridiquement, elles sont obligatoires.

  6. Au sens de recevoir, d’obtenir, le verbe emporter est transitif direct et se construit généralement avec omission de l’article. L’avocat plaidant cherche à emporter conviction par la persuasion.

    Dans le langage diplomatique, emporter agrément signifie le recevoir, le recueillir, obtenir l’approbation nécessaire. Dispositions emportant agrément. « Ces dispositions emportent l’agrément de mon gouvernement. »

  7. Au sens de valoir, de prévaloir, de prédominer dans un ordre de grandeur, de mérite, de valeur, d’importance ou de fréquence, le verbe emporter se construit absolument ou avec la préposition sur. Telle norme, telle règle prédomine, prévaut dans telle circonstance, aussi doit-elle l’emporter sur telle autre. « Je soutiens l’affirmative pendant que mon adversaire prétend que la négative doit l’emporter. »

    Dans la maxime « La force l’emporte sur le droit » (ou sa variante « La force prime le droit »), emporter ne signifie nullement que le droit a perdu tous ses effets, mais que, s’il arrive que la force doive avoir préséance et prévaloir, il y a lieu d’y recourir, et le droit doit sanctionner le recours provisoire à la force.

    L’inobservation d’une stipulation se rapportant à une simple formalité et non à une question de fond ne touche pas l’essence du contrat et n’emporte pas nullité de la convention. Le non-respect d’une disposition simplement directive n’emporte pas sanction au même titre que la dérogation à une disposition impérative.

  8. Au sens courant de gagner, triompher, vaincre, avoir gain de cause, avoir l’avantage sur une autre personne (et non [avoir le meilleur sur elle]), par analogie avec la langue des sports, on dit que la partie gagnante, celle qui gagne son procès, le gagnant, l’emporte sur la partie perdante, sur le perdant, et oblige le tribunal à la débouter. Triompher de son adversaire, c’est le faire succomber, l’emporter sur lui. « L’appelant l’a emporté dans son appel et l’intimé a succombé. »

    L’antonyme d’emporter dans certaines acceptions est notamment le tour impersonnel le céder ou le verbe céder. « La jurisprudence courante l’emporte-t-elle sur ces prescriptions ou le cède-t-elle devant elles? »