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Juridictionnaire

immutabilité / intégrité / inviolabilité 1

La notion d’immutabilité, et non, en droit, d’[immuabilité], permet de décrire le caractère immuable d’une situation, d’un état ou d’un régime de droit. Immutabilité du droit naturel, du droit musulman. Immutabilité du territoire, des droits territoriaux. Présenter un caractère d’immutabilité. Assouplir le principe d’immutabilité. Immutabilité absolue, totale, générale, partielle, relative, restreinte.

Du point de vue du nombre des occurrences, le mot immutabilité se rapporte surtout au litige et aux régimes matrimoniaux, mais son domaine d’emploi est vaste. Il est permis d’opérer un rapprochement entre cette notion et celles d’intégrité et d’inviolabilité en régime de common law en y apportant les distinctions et les nuances qui s’imposent compte tenu de l’évolution du droit.

  1. Le principe de l’immutabilité du litige (et non de l’[instance]) s’applique en droit judiciaire privé en complément nécessaire à la notion de l’évolution du litige, ce mot de litige étant pris dans son sens extensif de contestation portée devant le juge.

    Suivant ce principe, une fois l’instance engagée, ses éléments ne peuvent souffrir aucun changement. Autrement dit, dans la conception classique de l’immutabilité, le litige est fixé par l’acte ou la demande introductive d’instance. Les plaideurs ne peuvent changer, leur qualité doit rester la même tout au long du litige. L’objet précisé dans la demande doit, lui aussi, rester le même. Immutabilité du procès. « Attendu que, selon le principe de l’immutabilité du procès, le lien d’instance que fait naître entre les parties la demande introductive d’instance doit demeurer inchangé dans ses éléments (parties, qualité des parties, objet, cause) depuis l’acte initial de la procédure jusqu’au jugement; que, de ce fait, dès lors que l’instance a été engagée, ses éléments, son cadre ne doivent pas être changés ou modifiés en ce sens qu’on ne peut substituer un tiers à un plaideur ou changer la qualité de ce dernier (…) »

    Ainsi, le droit procédural a consacré le principe de l’immutabilité de la demande. La demande originaire que présente l’un des protagonistes au procès, en l’occurrence la partie demanderesse, est revêtue d’une stabilité que traduit la notion d’immutabilité. Aussitôt formée puis soumise à l’appréciation du juge, elle doit demeurer en son état, intacte, identique à elle-même, pour permettre que soient appréciés ses mérites, son bien-fondé. La demande pourra subir certaines modifications de forme, mais celles-ci ne pourront toucher le fond de la demande et devront conserver un lien de connexité suffisant avec elle.

    Du côté de la partie défenderesse et des autres intervenants, l’immutabilité est moins marquée. Le juge lui-même pourra faire évoluer le litige par des transformations que son pouvoir souverain l’autorise à apporter. En outre, les données de fait et le droit qui leur est applicable pourront contribuer au phénomène de l’évolutivité du procès par la survenance de faits nouveaux. C’est en ce sens que les juristes parlent de la mutabilité des éléments de fait et des éléments de droit.

    Dans le déroulement du procès, les voies de recours pourront favoriser l’évolution du litige, par exemple en cas d’interjection d’appel. Mais le principe de l’autorité de la chose jugée en première instance constituera un facteur de fixation ou d’immutabilité du litige. « Le retour au principe d’immutabilité permettrait de traiter le litige de façon complète en première instance. Le jugement pourra dès lors être revêtu d’une autorité de chose jugée renforcée. »

    Les exceptions au principe de l’immutabilité ont trait aux demandes additionnelles formées par le demandeur et aux demandes reconventionnelles introduites par le défendeur.

    Le principe du double degré de juridiction justifie l’immutabilité stricte du litige en appel. « Au demeurant, c’est également le principe fondamental du double degré de juridiction, protecteur des droits de la défense comme de la hiérarchie judiciaire, qui s’oppose à ce qu’une demande non débattue en première instance puisse être directement déférée à la Cour. D’où le traditionnel principe de l’immutabilité du litige entre les deux degrés et, corrélativement, la règle de l’interdiction des demandes nouvelles en cause d’appel. »

  2. Plus généralement, les juristes évoquent l’immutabilité de la loi en ce que cette dernière édicte des règles qui revêtent un caractère permanent afin de préserver l’ordre public et l’immutabilité de la jurisprudence en ce que les décisions de justice règlent définitivement les contestations dans le cadre de principes et de critères bien établis en vue d’éviter le chaos jurisprudentiel. Immutabilité de la vérification juridictionnelle.

    Il demeure entendu que cette immutabilité n’est pas absolue mais relative. Les modifications et les abrogations législatives tout comme les revirements et les bris jurisprudentiels participent du caractère évolutif du droit.

  3. L’immutabilité est également un principe reconnu en droit familial. Immutabilité de l’état civil, du nom patronymique. Garantie d’immutabilité relative au nom de l’enfant. Le principe de l’immutabilité du nom établit que le nom ne peut plus être modifié une fois qu’il a été inscrit au registre de l’état civil. « Le pseudonyme, dès lors qu’il n’est pas intégré à l’état civil, n’est pas transmissible à la descendance en raison du principe d’immutabilité des noms patronymiques. » « L’objectif de la loi du 4 mars 2002 est de garantir l’immutabilité du nom de l’enfant. »

    Ce principe trouve son prolongement dans le droit de l’immigration. Règle de l’immutabilité du nom. « La francisation permet à un étranger qui acquiert la nationalité française de modifier son nom et/ou son ou ses prénoms pour leur donner une consonance française lorsque la consonance étrangère peut gêner son intégration dans la communauté française. Il s’agit d’une procédure dérogatoire à la règle de l’immutabilité du nom qui existe en droit français. »

    Il en est ainsi pour les régimes matrimoniaux. Principe de l’immutabilité des régimes matrimoniaux, des régimes patrimoniaux, du contrat passé par les époux. « L’immutabilité des conventions matrimoniales se heurte aujourd’hui à la faculté dont dispose le juge de vérifier le respect de l’intérêt, juridiquement protégé, de l’enfant. » « Après le divorce, l’un des parents peut demander au juge de modifier la convention, si l’intérêt des enfants venait à se trouver gravement menacé par suite de ’circonstances imprévisibles’, formule extrêmement restrictive qui souligne l’importance encore accordée au principe de l’immutabilité du contrat. » Déclin du principe de l’immutabilité du régime matrimonial. « À l’origine, le droit des régimes matrimoniaux, droit rigide et complexe, était fondé sur l’immutabilité des conventions matrimoniales et la prépondérance maritale. » Au Québec, une loi de 1965 a aboli le principe de l’immutabilité du régime matrimonial, le remplaçant par une mutabilité contrôlée judiciairement d’après le critère de l’intérêt de la famille. Immutabilité de la pension alimentaire du conjoint.

  4. En droit international privé, l’immutabilité de la citoyenneté entretient des rapports étroits avec le statut politique des étrangers et des réfugiés. En droit international public, le principe général de l’immutabilité des traités trouve application dans bon nombre de clauses de traités et est invoqué couramment par les États membres des Nations Unies. « La République du Chili déclare qu’elle adhère au principe général de l’immutabilité des traités, sans préjudice du droit pour les États de stipuler, notamment, des règles modifiant ce principe (…) »
  5. Dans le droit des marques de commerce, l’immutabilité de la marque est reconnue et garantie dans les conventions attributives de licence en vertu d’une clause type dont la teneur générale peut être illustrée par l’exemple suivant : « Immutabilité de la marque. Il est interdit au licencié de modifier ou de transformer la marque que concède au licencié le donneur de licence de la marque. »
  6. Dans le droit des contrats, le principe de l’immutabilité contractuelle est élevé au rang de dogme. Selon ce principe, miroir du principe de l’égalité contractuelle, le contrat constitue la loi des parties. Cette immutabilité s’exprime dans la règle fondamentale formulée dans les codes civils. « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. » Immutabilité du prix, de la chose louée, des stipulations, des conventions. « Le principe de la liberté contractuelle, comme l’autonomie contractuelle et l’immutabilité des conventions, constituent des principes fondamentaux qui relèvent de la loi, mais le Conseil constitutionnel refuse une valeur constitutionnelle au principe de la liberté contractuelle. »

    Le contrat de travail, d’ailleurs, demeure assujetti au principe de l’immutabilité, sauf accord des deux parties. Cette immutabilité contractuelle correspond, en common law, au principe du caractère sacré (on trouve aussi sainteté) du contrat ("sanctity of contract"), par exemple le caractère sacré, donc immuable, des contrats entre conjoints, même si la validité de cette conception a été contestée par les tribunaux de common law, qui lui ont apporté des tempéraments.

  7. Dans l’héritage et la tradition juridiques de la common law, l’immutabilité trouve son expression propre au sein de toutes les valeurs fondamentales qui ressortissent aux notions d’inviolabilité et d’intégrité ("sanctity") que reconnaît, que garantit et que protège, sous réserve d’exceptions, de limitations ou de restrictions, le cas échéant, la Charte canadienne des droits et libertés. Immutabilité de la personne humaine, de ses droits inhérents.

    Outre le caractère sacré des formes variées de marchés, de conventions et de contrats intervenus légalement, c’est-à-dire du libre consentement éclairé des parties intéressées, il convient de mentionner les formes de l’immutabilité juridique que constituent les principes sacro-saints de l’inviolabilité et de l’intégrité de la personne physique, de son corps, de la vie humaine et de la vie privée, de l’intégrité de la personnalité morale, de l’inviolabilité du foyer, de la demeure ou du domicile familial, du droit de propriété, de l’intégrité des clauses d’arbitrage 1 stipulées dans les conventions collectives ainsi que du caractère sacré, et, donc, de l’inviolabilité, du mariage, des biens, de l’ordre public, des relations professionnelles, telles que la relation entre l’avocat, le conseiller juridique ou le notaire et son client, du dossier de l’avocat, de la famille, des rapports juridiques ou encore du droit de vote dans les sociétés démocratiques.