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Traduire le monde : Amender la constitution?

André Racicot
(L’Actualité terminologique, volume 34, numéro 2, 2001, page 29)

Vous n’y pensez pas? Du moins sur le plan linguistique, bien sûr. Car depuis que je suis au Bureau de la traduction (ce qui commence à faire longtemps…), on me répète qu’une loi ne peut jamais être amendée, seulement modifiée. On amende un projet de loi, on modifie une loi existante. Or, la constitution est justement une loi. En fait, au Canada, il s’agit plutôt d’un ensemble de lois à portée constitutionnelle, ce qui revient au même.

Certains s’étonneront de ces scrupules, car les médias emploient continuellement les expressions amender la constitution et amendement constitutionnel. Alors qui a raison?

Les États-Unis ont modifié leur constitution 27 fois. Le premier changement qu’ils y ont apporté garantit notamment la liberté de presse. C’est ce qu’on appelle couramment le premier amendement. Si si, vous avez bien lu. Et ce ne sont pas uniquement les journalistes qui l’évoquent sous ce nom, mais aussi les ouvrages spécialisés, dont les encyclopédies. Il faut dire que la terminologie politique américaine en français comporte un certain nombre d’anglicismes que plus personne ne songerait à condamner. Pensons au mot administration, qui désigne le gouvernement américain.

Voilà donc une première brèche; mais y en a-t-il d’autres? Que disent les Français? Eh bien ils parlent plutôt de révision de la Constitution (ils écrivent ce mot avec la majuscule). À première vue, les dictionnaires semblent aller dans la même direction. Le Robert et le Larousse s’entendent pour définir amendement comme étant la modification d’un texte soumis à une assemblée législative. À l’entrée constitution, le Petit Robert donne l’exemple suivant : « Réviser, réformer la Constitution ». Les autres ouvrages consultés limitent également les amendements à des projets de loi. Jamais le mot n’est employé avec constitution. La cause semble donc entendue, sauf que…

Les dictionnaires bilingues donnent un autre son de cloche. Par exemple, le Robert-Collins traduit le mot amendment dans le contexte d’un règlement, d’une loi et de la constitution par… amendement tout court. Le Larousse anglais-français va exactement dans le même sens. Est-ce à dire que les dictionnaires bilingues sont moins rigoureux? Le doute s’insinue…

Une recherche plus approfondie dans les ouvrages unilingues français s’imposait. Le Trésor de la langue française définit amendement de la même manière que les autres dictionnaires. Mais il consacre une section séparée au droit canadien avec la définition suivante : « Modification d’une loi existante ». Le même ouvrage est le seul en français à donner le sens du mot amendement aux États-Unis : « Texte constitutionnel modifiant la constitution en vigueur ou s’y ajoutant ». Curieusement, cette précision est absente du Petit Larousse et du Petit Robert.

Une autre recherche dans le Robert électronique m’a permis enfin de trouver l’expression amender la constitution (avec la minuscule cette fois-ci). D’ailleurs cet exemple figure aussi dans le Grand Robert de… 1975.

L’auteur s’est finalement téléporté dans Internet pour constater que le Conseil constitutionnel français, le journal Le Monde et bien d’autres sources de l’Hexagone emploient l’expression amender la constitution. Il semble donc que nous sommes mûrs pour une révision… de l’usage.